Annabelle Orszag, docteure vétérinaire
La thrombopénie à médiation immunitaire (ITP) est une maladie acquise, fréquente chez le chien et rare chez le chat, pouvant provoquer des hémorragies graves par défaut d’hémostase. Le traitement repose classiquement sur l’administration de glucocorticoïdes, souvent associés à d’autres immunosuppresseurs comme l’azathioprine ou la cyclosporine modifiée. Dans les cas sévères, des traitements adjuvants comme la vincristine, les immunoglobulines humaines par voie intraveineuse (hIVIg), ou encore les transfusions de plaquettes ou de produits sanguins sont également utilisés. Le recours à la splénectomie ou à un analogue de la thrombopoïétine est réservé aux cas réfractaires. Cependant, ces approches sont souvent guidées par l'expérience individuelle plus que par des preuves solides. Malgré son impact clinique significatif, il n’existait jusqu’à présent aucune recommandation thérapeutique fondée sur des preuves pour orienter les vétérinaires. Face à cette lacune, l’ACVIM (American College of Veterinary Internal Medicine) a entrepris l’élaboration d’un consensus multidisciplinaire et structuré, visant à normaliser la prise en charge de cette affection.
L’objectif principal de ce consensus est de fournir des lignes directrices fondées sur la littérature disponible pour le traitement de l’ITP primaire (destruction auto-immune spontanée des plaquettes) et secondaire (associée à un facteur déclenchant sous-jacent) chez le chien et le chat. Ce document se veut complémentaire du consensus déjà publié en 2014 sur les aspects diagnostiques de l’ITP.
Pour structurer ce consensus, 20 questions cliniques ont été formulées selon la méthode PICO (Population, Intervention, Comparison, Outcome). Une équipe de 17 évaluateurs a analysé 288 articles issus d’une recherche bibliographique rigoureuse, avec extraction standardisée des données. Des recommandations ont été formulées à partir des résultats, revues et affinées par un processus de type Delphi (consultation anonyme et itérative d’experts jusqu’à obtention d’un consensus).
En parallèle, 19 questions non-PICO ont permis d'aborder des scénarios cliniques où les preuves étaient rares ou de faible qualité. Ces questions ont été traitées sur la base de l’avis d’experts, là encore selon la méthode Delphi.
Le consensus propose deux algorithmes thérapeutiques clairs pour la prise en charge initiale (voir illustrations) et le suivi à long terme des animaux atteints d’ITP. Il définit également des critères de réponse thérapeutique précis.
En l’absence d’un niveau de preuve suffisant, la plupart des recommandations sont basées sur l’avis des experts du panel.
Compte tenu du nombre de questions posées et de la rareté de la maladie chez le chat, nous avons choisi de présenter les principales recommandations lors de la prise en charge initiale chez le chien :
l’utilisation de produits sanguins contenant des globules rouges est conseillée en cas d’anémie ou d’hypovolémie secondaire ;
la corticothérapie constitue le traitement de choix lors d’ITP primaire ou secondaire ;
l’ajout d’un 2nd immunomodulateur est recommandé dans plusieurs situations (effets indésirables de la corticothérapie, hémorragie sévère réfractaire aux traitements initiaux, réponse insuffisante ou récidive pendant la corticothérapie) ;
vincristine et immunoglobulines humaines par voie IV sont des traitements d’urgence de première intention ;
l'ajout de plus de deux immunomodulateurs n’est pas recommandé ;
la splénectomie peut être envisagée chez les chiens réfractaires aux traitement médicamenteux ou présentant d’importants effets indésirables aux immunomodulateurs ;
le comptage plaquettaire seul ne permet pas de prédire de manière fiable les saignements cliniques significatifs.
NDRL : N’hésitez pas à consulter l’article pour les recommandations lors du suivi et celles qui concernent le chat.
Ce consensus souligne un manque indéniable d’études comparatives robustes dans le domaine, mais offre une base claire pour la prise en charge actuelle de l’ITP chez le chien et le chat, en encourageant l’harmonisation des pratiques.
Ce consensus ouvre la voie à des travaux futurs pour combler les zones d’incertitude, notamment autour des traitements adjuvants et des cas réfractaires. Les auteurs donnent d’ailleurs des lignes directrices pour les études à venir, tant d’un point de vue méthodologique que pour l’analyse et la comparaison des résultats.
Les déclarations de consensus de l’ACVIM (American College of Veterinary Internal Medicine) fournissent à la communauté vétérinaire des informations actualisées sur la physiopathologie, le diagnostic et le traitement des maladies animales cliniquement importantes. Les déclarations sont élaborées à partir de la médecine fondée sur les preuves lorsque cela est possible, et le panel apporte des commentaires interprétatifs lorsque les données disponibles sont insuffisantes ou contradictoires. Un projet est d’abord rédigé par le panel, puis soumis à la consultation des membres de l’ACVIM, dont les retours peuvent être intégrés à la déclaration. Celle-ci est ensuite soumise au Journal of Veterinary Internal Medicine, où elle est éditée avant publication. Les auteurs sont seuls responsables du contenu des déclarations.
Mise en ligne le : 15 juillet 2025
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