Séléna de Wasseige, docteure vétérinaire, DACVIM-LA, Praticienne hospitalière en médecine interne équine, EnvA
Un poulain dysmature est un poulain ayant eu un retard de croissance durant la gestation et présentant une maturation incomplète de l’organisme au moment de la naissance. Il a généralement les même caractéristiques qu’un poulain prématuré (nés avant 320 jours de gestation). Il est important de savoir reconnaître les signes externes de dysmaturité/prématurité chez un poulain afin de le gérer au mieux et d’améliorer ses chances de survie et son pronostic à plus long terme.
Les organes du fœtus se forment progressivement durant la gestation mais la maturation finale des organes d’un poulain passe par des changements hormonaux (augmentation des hormones stéroïdiennes) survenant dans les dernières 48-72h avant la naissance.
Ainsi, en cas d’induction médicamenteuse du poulinage, de retard de croissance ou de naissance prématurée du poulain, il est possible que cette maturation finale n’ait pas eu lieu et que les organes soient encore immatures à la naissance. Ces poulains peuvent donc rencontrer des difficultés pour survivre dans leur nouvel environnement. La transformation des cartilages en os se fait aussi tardivement et peut être incomplète à la naissance (défaut d’ossification).
Plusieurs conditions peuvent mener à une naissance prématurée ou un retard de croissance. Des anomalies du placenta (infection, séparation prématurée) ou la gestation gémellaire peuvent être à l’origine d’une insuffisance des apports via le placenta, de même si la jument est sous-nourrie ou atteinte d’une maladie chronique. Le poulain peut aussi naître prématurément en cas de maladie aiguë (colique, torsion d’utérus).
Les signes cliniques visibles sont une petite taille et un faible poids suggérant un retard de croissance. Ces poulains ont généralement un poil fin et soyeux, un crâne bombé, des oreilles tombantes, et une laxité des tendons, leur conférant une allure caractéristique (voir photo 1). Dans les cas marqués ils paraissent mal proportionnés avec des membres courts mais une tête de taille presque normale.
La dysmaturité peut donc être suspectée par discussion avec le propriétaire. Ces poulains peuvent présenter de la faiblesse musculaire avec des difficultés à se lever, à tenir debout ou à téter. L’immaturité des organes internes peut se manifester par une difficulté à maintenir une température corporelle et une glycémie suffisante, des difficultés respiratoires, des troubles digestifs…
Le diagnostic de prématurité se fait par calcul de la durée approximative de gestation. Des analyses sanguines classiques peuvent compléter l’évaluation.
Le défaut d’ossification est initialement asymptomatique mais le poulain peut développer progressivement une déviation des membres ou une démarche en sauts de lapin. Des radiographies dans les premiers jours de vie permettent d’apprécier le degré d’ossification des articulations les plus à risque (carpe, jarret) avant l’apparition de complications (voir photo 2).
Lorsque qu’on suspecte un poulain d’être prématuré ou dysmature, une évaluation complète par un vétérinaire est recommandée, incluant un examen clinique, des analyses sanguines et, idéalement, des radiographies d’un carpe et d’un jarret. Ces examens permettent d’adapter la prise en charge des poulains en fonction de leur degré d’immaturité, d’affiner le pronostic mais aussi d’exclure ou de diagnostiquer des maladies concomitantes (exemple : septicémie nécessitant des antibiotiques).
Selon leur degré d’immaturité, ces poulains ne sont pas toujours autonomes et peuvent nécessiter des soins plus ou moins importants allant parfois jusqu’aux soins intensifs. Même si les signes ne sont pas sévères, il est important d’évaluer leur degré d’ossification. Si l’ossification est incomplète et l’activité physique du poulain n’est pas restreinte, les cartilages peuvent s’écraser et les articulations se dévier.
Ces anomalies sont irréversibles et prédisposent le poulain à de l’arthrose précoce et des fractures, à l’origine de boiterie, ayant des conséquences sur la qualité de vie du poulain et ses aptitudes sportives. La gestion passe par une restriction d’activité, les cas sévères ayant généralement besoin d’être initialement gardés couchés et d’avoir des plâtres / attelles pour éviter les déviations angulaires ( voir photo 3). Des soins de supports sont nécessaires ainsi qu’un suivi radiographique régulier.
Le pronostic vital peut être bon avec des soins adaptés (80-85% de survie) mais les poulains très prématurés ont moins de chance de survie (notamment en cas de gestation < 280-300j) et peuvent avoir une taille adulte plus petite qu’attendue. Le pronostic sportif est plus réservé.
L’autrice déclare ne présenter aucun conflit d’intérêt qui pourrait influencer ou biaiser de manière inappropriée le contenu de l'article.
Mise en ligne le : 6 juin 2025
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