Pauline Teyssier, ASV, formatrice en nutrition et autrice (L'Alimentation du Chien et du Chat, Éditions Poulot)
Après une chirurgie digestive, la réalimentation joue un rôle clé dans la récupération du chien. Elle ne se résume pas à « remettre à manger » : elle doit être adaptée à l’état de l’animal, progressive, et respectueuse de ses capacités digestives.
Une reprise alimentaire bien conduite permet de limiter les complications post-opératoires, de soutenir le système immunitaire et de favoriser une cicatrisation optimale. C’est une étape à part entière du protocole de soins, dans laquelle l’ASV a un rôle central à jouer.
Avant toute réalimentation, le vétérinaire doit évaluer l’état nutritionnel du chien pour pouvoir déterminer les objectifs nutritionnels à atteindre et la meilleure façon d'y parvenir. Pour cela, il s'intéresse à :
l'état corporel : note d’état corporel (NEC), masse musculaire ;
la présence de troubles digestifs associés : vomissements, diarrhées, douleurs abdominales ;
la présence d’anorexie et la durée ;
la possible nécessité de la mise en place d’une sonde de réalimentation.
Ensuite, il faut calculer le besoin énergétique de repos (BER) de l'animal selon la formule :
BER = 70×(poids)0,75
Ce calcul permet de déterminer le besoin énergétique à couvrir pour un chien en convalescence. On utilise le plus souvent le poids réel de l'animal sauf en cas d’obésité. Dans ce cas, on calcule le BER d'après le poids idéal du chien augmenté de 25 % 1.
1 - Calcul du BER pour Chaussette, une chienne qui pèse 22Kg et dont la NEC est de 5/9 soit un poids idéal
BER = 70×220,75 = 654 Kcal/jour
2 - Calcul du BER pour Shogun, un chien qui pèse 17Kg et dont la NEC est de 9/9 soit un état d'obésité pour un chien dont le poids idéal est de 11Kg
BER = 70×[11+(0,25×11)]0,75 = 465 Kcal/jour
➡ Erreur à éviter : le gavage à la seringue peut être particulièrement stressant pour l’animal et créer des aversions alimentaires. Lorsqu’une alimentation spontanée est impossible (douleur, anorexie...), la pose d’une sonde est privilégiée.
Une fois l’état du chien évalué, il est temps de déterminer l’aliment adapté à sa condition et sa voie d’administration.
Si l'alimentation orale est possible : aliments convalescences hyperdigestibles, enrichis en protéines et lipides, à haute densité énergétique.
Si l'alimentation doit se faire par sonde : version liquide ou diluable à viscosité adaptée à l'usage de la sonde.
Pourquoi ce profil nutritionnel ?
La haute digestibilité va limiter la charge intestinale.
L'énergie concentrée va permettre de couvrir les besoins par de petits volumes d'aliments.
La bonne appétence va encourager la prise alimentaire.
La première chose à faire ici est de calculer la dose d'aliment à distribuer chaque jour. Pour cela, on utilise la formule suivante :
Dose journalière = (100xBER à couvrir)/EM
L’EM correspond à l’énergie métabolisable de l’aliment exprimé en kcal/100g.
1 - Reprenons l'exemple de Chaussette dont le BER est de 654 Kcal/jour. Nous voulons la nourrir avec un aliment humide pour chien en convalescence dont l'EM est de 131 Kcal/100g, la dose journalière à distribuer est de :
Dose journalière = (100x654)/131 = 499 g/jour
2 - Et pour Shogun dont le BER est de 464,5 Kcal/jour, avec ce même aliment, la dose journalière d'aliment est :
Dose journalière = (100x464,5)/131 = 355 g/jour
La réalimentation d'un animal doit être progressive pour éviter les troubles digestifs !
Première prise alimentaire : dans les 12 à 24h post-op, si le chien est stable.
4 à 6 repas par jour d’une durée de 15-20 minutes.
Augmentation progressive des quantités sur 3 à 5 jours pour atteindre le BER cible si nécessaire.
➡ Erreur à éviter : une réalimentation trop rapide peut provoquer des troubles digestifs et une intolérance alimentaire.
De plus, il est nécessaire de se mettre dans des conditions optimales afin de favoriser la prise alimentaire.
Ambiance calme, animal détendu si possible hors de la cage.
Position adaptée : tête relevée si sonde naso-œsophagienne, posture confortable pour l’alimentation orale.
Température de l’aliment : tiède (~38°C) pour améliorer l’appétence et la tolérance.
L’ASV joue un rôle clé dans le suivi du chien en hospitalisation. Il est de son devoir de :
s’assurer de la bonne couverture du BER et de l’appétit (alimentation orale) ;
surveiller la consistance des selles, l’absence de nausées/vomissements ;
suivre le poids et l’état d’hydratation de l'animal ;
communiquer les informations au vétérinaire pour ajuster selon l’évolution.
Ainsi, une gestion maîtrisée de la réalimentation va bien au-delà de simplement nourrir le chien ; elle constitue un élément essentiel dans le processus de guérison.
L'autrice déclare travailler pour Arginine, organisme indépendant de formation en nutrition. Cependant, l'autrice déclare ne présenter aucun autre conflit d’intérêt qui pourrait influencer ou biaiser de manière inappropriée le contenu de l'article.
Mise en ligne le : 9 mai 2025
Identifiez-vous
Mot de passe oubliéVous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?
Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15