Anne-Sophie Richard, docteure vétérinaire, titulaire d'un CES d’Hématologie et biologie clinique animales
En structure vétérinaire, les analyses sanguines font partie du quotidien. On pourrait croire que les anomalies détectées reflètent uniquement l’état de santé de l’animal, mais de nombreuses erreurs peuvent en réalité fausser les résultats.
En biologie humaine, on estime que 50 à 75 % des erreurs sont pré-analytiques [1], c’est-à-dire qu’elles surviennent avant même l’analyse du sang par l'automate.
Certaines, liées au patient, sont inévitables ; d’autres peuvent être maîtrisées.
Et si parfois, la fiabilité de vos analyses ne tenait… qu’au « simple » choix de tube ?
Découvrons comment éviter les pièges.
Pour savoir quel tube utiliser, il est indispensable de distinguer sang total, sérum et plasma.
Le sang total, recueilli et utilisé sans préparation après la prise de sang, est principalement utilisé pour les tests au chevet du patient : glucomètre, SNAP tests, etc.
Le transfert dans un tube permet ensuite d’obtenir soit du sérum, soit du plasma.
Dans un tube dit « sec » (bouchon rouge, jaune ou blanc), le caillot se forme naturellement par coagulation et le liquide restant recueilli après sédimentation et centrifugation est le sérum. Il s'agit donc du liquide sanguin débarassé des cellules sanguines et des protéines de la coagulation. Il est utilisé, par exemple, pour l’électrophorèse des protéines ou le dosage des acides biliaires.
Cependant, plus rapide à obtenir et exempt d’interférences liées au caillot sanguin, le plasma est préféré pour d’autres analyses. Il est obtenu après centrifugation du sang dilué avec un anticoagulant :
l’héparine (bouchon vert) est utilisée en biochimie de routine ;
l’EDTA (bouchon violet) est majoritairement réservé à l’hématologie (NFS) ;
le citrate (bouchon bleu ciel) sert à l’analyse des facteurs de coagulation.
Pour savoir quel tube utiliser en fonction de l'analyse, n'hésitez pas à vous référer aux feuilles de demande des laboratoires ou aux consignes de vos automates. Si le volume prélevé le permet, anticiper en remplissant plusieurs tubes facilite la réalisation de toutes les analyses prévues.
Au-delà du choix du tube, la fiabilité des analyses repose sur le respect des bonnes pratiques pré-analytiques, à chaque étape de la préparation de l’échantillon, entre l’animal et l’automate.
Les anticoagulants utilisés sont essentiels pour stabiliser certains analytes, mais ils peuvent interférer avec d’autres et fausser leurs résultats : l’EDTA, par exemple, rend impossible le dosage du calcium.
Pour éviter toute interférence, il est recommandé de remplir les tubes sanguins dans un ordre précis : citrate → tube sec → héparine → EDTA.
Dans cette même logique, il ne faut jamais transvaser le sang d’un tube à l’autre.
De plus, chaque tube contient une quantité précise d’anticoagulant : un remplissage insuffisant du tube (indiqué par le fabricant) peut fausser les résultats, notamment en coagulation.
En cas de faible volume (NAC, animaux pédiatriques), des tubes spécifiques existent.
Parmi les précautions à prendre, notez que lors du remplissage des tubes, il est recommandé d’éviter de piquer à travers les bouchons des tubes sous vide afin de prévenir l’éclatement des cellules sanguines.
Les tubes doivent ensuite être retournés doucement plusieurs fois pour homogénéiser sang et anticoagulant avant centrifugation.
Avec une centrifugeuse standard (diamètre 27 cm), une vitesse de 4000 t/min pendant 5 à 10 minutes permet d’obtenir du plasma.
Enfin, le stockage et les conditions de transport (température, délai entre prélèvement et analyse) influencent directement la stabilité des analytes.
En hématologie, réaliser un frottis immédiat permet une identification et un comptage cellulaires plus justes ; tandis qu'en biochimie, l’envoi du sérum ou du plasma isolé limitera les artéfacts. Il est donc conseillé de transférer le surnageant (sérum ou plasma) dans un tube sec avant l’envoi au laboratoire.
Comme pour tout acte vétérinaire, les analyses sanguines nécessitent une démarche rigoureuse et critique.
Par exemple, le choix du tube dépend aussi de l’espèce :
chez le chat, les agrégats plaquettaires in vitro sont fréquents et faussent le comptage. L’usage de tubes CTAD est alors préférable à l’EDTA ;
chez les tortues ou cervidés, un tube hépariné est plus adapté à la réalisation d’une NFS.
Par ailleurs, l’aspect du plasma ou du sérum doit toujours être observé : une coloration due à une hémolyse ou une surcharge lipidique peut générer des erreurs. Ces anomalies doivent être notées, même si la plupart des analyseurs les signalent.
Enfin, une identification claire et indélébile des tubes est indispensable pour éviter toute confusion post-analytique.
En médecine vétérinaire, la formation et le temps manquent souvent pour structurer les pratiques de laboratoire.
Sans imposer de procédures réglementaires lourdes comme en médecine humaine, renforcer la démarche qualité améliorerait la fiabilité des résultats et la prise en charge des patients.
Au sein de l’équipe soignante, il peut être utile de désigner un ou une responsable du laboratoire (vétérinaire ou ASV).
Son rôle :
rédiger un guide de bonnes pratiques [2] ;
organiser le poste de travail ;
former le reste de l’équipe, y compris les nouveaux arrivants ;
programmer les contrôles de qualité et la maintenance du matériel.
L’autrice déclare ne présenter aucun conflit d’intérêt qui pourrait influencer ou biaiser de manière inappropriée le contenu de l'article.
Mise en ligne le : 2 décembre 2025
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