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Agressivité canine : penser à une origine ophtalmique

Manuelle Hoornaert, docteure vétérinaire, Titulaire d’un CEAV en éthologie clinique et appliquée

Bobby est un berger allemand (BA) femelle stérilisée, âgée de 5 ans quand elle commence à agresser des chiens qu’elle connaît, à son domicile. Lors des séquences d’agression, le chien arrive systématiquement par l’arrière et le flanc de Bobby qui semble alors « surprise ». Bobby ne stoppe pas ses agressions même si les chiens agressés montrent des signaux de « soumission » et qu’ils veulent interrompre la séquence.

Chaque séquence comportementale a une cause et un but. Celui d’une séquence agonistique d’agression est de mettre à distance le protagoniste de l’interaction.

Les causes sont diverses et peuvent être catégorisées de la façon suivante (hors causes pathologiques de type neurologiques par exemple) :

  • les agressions par protection de ressource : le chien défend un objet (aliment, couchage, jouet…) ou un être vivant ;

  • les agressions par autoprotection : le chien se défend lui-même, que ce soit par peur, par appréhension d’une douleur, par surprise, etc.

 

Entre eux les chiens ont une communication multimodale. Le chien émetteur envoie des signaux qui sont perçus et analysés par le chien receveur via ses 5 sens. Le canal visuel par exemple, permet l’analyse de postures, de mimiques faciales ou de mouvements. Si les signaux émis sont de mauvaise qualité (défaut d’apprentissage, hypertype physique ne permettant pas l’émission de certains signaux…) ou s’ils sont mal perçus (défaut de vision) ou mal analysés (défaut d’apprentissage, trouble neurologique), la communication peut être altérée. La réponse du receveur à l’émetteur peut alors être inadaptée à la situation.

 

Points clés

  1. Si la perception des signaux est altérée, la communication sera défectueuse.
  2. Agression ne signifie pas forcément morsure ; la séquence comportementale s’arrête le plus souvent avant.
  3. Douleur ophtalmique et réduction du champ de vision peuvent générer un comportement d’agression par autoprotection.
  4. L’apparition soudaine de comportements d’agression justifie un examen clinique complet pour identifier une éventuelle cause physique (douleur, affection des sens notamment la vue).

 

Dans le cas de Bobby, la configuration des séquences d’agression évoque un défaut de perception et de communication. En effet, les circonstances de déclenchement puis la poursuite des agressions malgré les signaux clairs de demande d’arrêt émis par les agressés, laissent penser que soit Bobby ne les reçoit pas, soit qu’elle ne les interprète plus correctement.

L’examen clinique de Bobby a révélé des lésions cornéennes bilatérales dans les angles inféro-latéraux des yeux, réduisant ainsi son champ de vision périphérique. Le diagnostic de kératite superficielle chronique (KSC) du berger allemand a été posé. La douleur et l’impact sur la vision de l’affection ont permis d’expliquer les séquences d’agression intraspécifique par autoprotection. Un traitement ophtalmique a été mis en place ainsi qu’une thérapie comportementale. Malgré une amélioration de la situation et la disparition des séquences d’agression intraspécifique, le pronostic comportemental à long terme reste réservé en raison du caractère évolutif et incurable de la KSC.

Déclaration de conflit d'intérêt

L’autrice déclare ne présenter aucun conflit d’intérêt qui pourraient influencer ou biaiser de manière inappropriée le contenu de l'article.

Bibliographie

  • Siniscalchi M., D’Ingeo S., Minunno M., Quaranta A. Communication in dogs. Animals. 2018 ; 8 ; 131.

Mise en ligne le : 6 mai 2024

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