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Gestion de la kaliémie chez les ruminants

Adelaïde Baert, docteure vétérinaire, Praticienne hospitalière des animaux de ferme de l'EnvA

Les fourrages qui constituent l’alimentation des ruminants sont généralement riches en potassium. Ce dernier est absorbé en presque totalité, puis redistribué dans les milieux intra-cellulaires avant d'être excrété par les reins.

L'hypokaliémie

Un risque d’hypokaliémie existe en cas d’anorexie brutale (d’origine métabolique ou infectieuse). La régulation rénale nécessite au minimum 1 à 2 jours pour réduire significativement l’excrétion rénale notamment dans le cas d’une ration initiale riche en potassium. L’hypokaliémie induite va entretenir l’anorexie par affaiblissement musculaire, un cercle vicieux s’installe alors.

Lors d’iléus, une hypokaliémie est généralement observée en raison d’une baisse d’apport liée à l’anorexie ainsi qu’une alcalose métabolique. L’alcalose métabolique favorise en effet le passage du potassium du compartiment extra-cellulaire à intra-cellulaire puis l’excrétion rénale de potassium.

Important à savoir !

L’hématie contient 28 fois plus de K+ que le plasma. Toute hémolyse, même très discrète et invisible à l’œil nu, peut augmenter la kaliémie mesurée. Il faut donc absolument centrifuger le sang total dans les 3h qui suivent le prélèvement afin de séparer le plasma si la mesure de la kaliémie n’est pas réalisée dans l’heure qui suit le prélèvement. Aussi, chez un ruminant en décubitus, dès que la valeur de la kaliémie plasmatique tend vers le seuil inférieur de l’intervalle de référence, il y a risque d’hypokaliémie.

Les signes cliniques de l’hypokaliémie sont une faiblesse musculaire, un éventuel décubitus (sternal à latéral), un port de tête anormal (auto-auscultation (voir photo 1) et cou en « S »), des troubles du rythme cardiaque et une hypomotilité ruminale.

Le pronostic d’une hypokaliémie « vraie », c’est-à-dire pour des valeurs inférieures à 2.3 mmol/L, où l’expression clinique est flagrante, est réservé. Une thérapeutique agressive, à la fois par voie orale et veineuse, est alors conseillée pour espérer sauver l’animal.

 

Points clés

Points essentiels du métabolisme du potassium :

  1. La régulation de la kaliémie se réalise principalement par les échanges entre les compartiments intra-cellulaire et extra-cellulaire.
  2. L’élimination du potassium se fait principalement au niveau rénal.
  3. La kaliémie est très dépendante du statut acido-basique de l’organisme (l’acidose provoque une hyperkaliémie et l’alcalose, une hypokaliémie).
  4. La kaliémie ne représente que 2 % du potassium de l’organisme et n’est donc pas un indicateur fiable du statut en potassium.

 

L'hyperkaliémie

L’hyperkaliémie sévère conduit à une faiblesse musculaire, à des anomalies du rythme cardiaque et de l’ECG mais elle est difficile à détecter cliniquement. Tachycardie et hyperkaliémie sont fréquemment associées mais des hyperkaliémies sont aussi retrouvées lors de bradycardie. L’arythmie semble être un indicateur plus spécifique mais reste peu sensible. La cornée « noyée » semble être aussi un indicateur.

L’hyperkaliémie est régulièrement rencontrée chez des jeunes veaux diarrhéiques déshydratés en état d’acidose métabolique. L’acidémie conduit à un échange H+/K+ cellulaire, à l’origine d’une sortie de potassium des cellules. Cette hyperkaliémie ne reflète donc pas le statut en potassium de l’organisme. En effet, chez ces veaux à diarrhée, la perte de K+ dans les fécès est souvent à l’origine d’une déplétion globale de l’organisme en potassium.

De manière plus globale, tout ruminant en état de choc est sujet à l’acidose, et peut donc potentiellement présenter une hyperkaliémie.

L’obstruction urétrale et la rupture vésicale, fréquemment rencontrées chez tous les ruminants, sont des étiologies possibles de diminution d’excrétion rénale à l’origine d’une hyperkaliémie. Toutefois, en pratique, des hyperkaliémies ne sont que très rarement rapportées dans ces situations chez les ruminants. L’hyperkaliémie peut apparaître également en cas d’insuffisance rénale sévère.

Un excès d’apport par voie orale ne sera pas responsable d’hyperkaliémie car l’excès de potassium sera rapidement éliminé par les reins et le colon. Le risque principal réside dans les désordres digestifs. En revanche, une hyperkaliémie iatrogène est possible lors de l’administration par perfusion de solutés à forte teneur en potassium. En particulier, chez un veau à diarrhée, en l’absence de dosage de la kaliémie, le praticien devra être particulièrement attentif aux signes cliniques pouvant être révélateurs d’hyperkaliémie, en particulier lors d’utilisation par voie veineuse d’un soluté contenant du potassium.

Déclaration de conflit d'intérêt

L’autrice déclare ne présenter aucun conflit d’intérêt qui pourraient influencer ou biaiser de manière inappropriée le contenu de l'article.

Bibliographie

  • Casenave P. Intérêt de l’administration orale de potassium pour le traitement de l’hypokaliémie chez les bovins, thèse vétérinaire, 2005.
  • Lebreton P., Athanadiassiadis N., Guérin D. et coll. Suivi de potassium chez des vaches laitières en décubitus. Le point vétérinaire, 2006, 271 : 72-76.
  • Raboisson D., Schelcher F. Perfusion du veau avec entérite néonatale. Journées Nationales des GTV, 2008, 927-933.
  • Raboisson D. L’hypokaliémie du bovin adulte. Journées Nationales des GTV, 2012, 471-476.
  • Siliart B. Intérêt du laboratoire dans l’exploration des déséquilibres minéraux, du déficit énergétique et du stress oxydatif chez la vache laitière. Journées nationales des GTV, 20214, 107-115.
  • Tanguy G. Evaluation de la kaliémie en postpartum chez la vache laitière, thèse vétérinaire, 2012.

Mise en ligne le : 10 décembre 2024

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