Laure Bonati, docteure vétérinaire, consultante en médecine du comportement, titulaire d'un CEAV d’éthologie clinique et appliquée
Deux chevaux jouent ensemble au paddock et leurs propriétaires les observent. Il y a fort à parier qu’ils perçoivent ce comportement comme positif. Spontanément, le jeu est évocateur de bien-être. Chez le jeune, c’est certain ; mais chez le cheval adulte, c’est un peu plus compliqué.
Le jeu est un comportement bien plus complexe qu’il n’y paraît, qui varie beaucoup selon l’espèce que l’on étudie. Le comportement de jeu du cheval garde une part de mystère. Dans les premières semaines de vie, le poulain joue seul ou avec sa mère : il lui saute dessus, mâchouille ses crins ou botte. À partir de l’âge de 3 ou 4 semaines, les poulains mâles vont jouer avec leurs congénères (jeu social) : ils se mordent, se poursuivent, se cabrent. Les pouliches s’engagent plutôt dans du jeu locomoteur, seules : elles galopent et ruent. Chez le jeune, le jeu n’apparaît que lorsque les conditions environnementales sont favorables. Et en milieu naturel, on n’observe pratiquement jamais de jeu chez des chevaux adultes (> 3 ans).
Ce que l’on considère comme du jeu n’en est pas toujours. Ainsi, le fait de manipuler des objets de manière répétitive (mâchonner une longe par exemple) est plutôt une stéréotypie orale qu’un comportement de jeu. De même, une activité locomotrice spontanée intense - un cheval qui galope lorsqu’il est lâché au paddock - peut révéler un effet rebond à la suite d’une frustration après un séjour au box.
Cependant, il n’est pas rare de voir des chevaux adultes jouer ensemble en milieu domestique. Le jeu social va alors beaucoup plus concerner les hongres que les juments et va se manifester majoritairement par des menaces de morsure ou des morsures autour de la tête, de l’encolure et du poitrail, et plus rarement par des galopades collectives, des menaces de ruades et des poursuites.
De manière contre-intuitive, il apparaît que le comportement de jeu chez le cheval n’est pas un indicateur de bien-être. En effet, il a été montré que chez des chevaux d’instruction, le jeu est corrélé avec le stress chronique : les chevaux « joueurs » sont plus stressés et plus agressifs envers l’humain. De même, les « joueurs » adoptent plus souvent une posture de retrait au box (évocatrice d’un état dépressif) que les « non-joueurs ». Dans une autre étude, qui a comparé des chevaux élevés pour la boucherie nourris avec une alimentation à base de concentrés, ou à base de fourrages, il apparaît que le jeu est plus fréquent dans le groupe « concentrés », tout comme les stéréotypies et les morsures. Il est donc probable que le jeu chez le cheval adulte soit en fait un moyen d’évacuer le stress.
L’autrice déclare ne présenter aucun conflit d’intérêt qui pourraient influencer ou biaiser de manière inappropriée le contenu de l'article.
Mise en ligne le : 6 mai 2024
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