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Photosensibilisation chez le cheval : quand le soleil devient l’ennemi

Estelle Manguin, docteure vétérinaire, DiplECEIM, DACVIM-LA, Maître de conférences en médecine interne équine, EnvA

La photosensibilisation équine est une dermatite induite par les UV, causée par la présence d’un agent photodynamique dans la peau qui augmente la sensibilité au soleil.

L’atteinte est plus sévère chez les chevaux à pigmentation claire et sur les aires avec une plus faible pilosité (couronne, bout du nez, oreilles, paupières, queue, vulve). La photosensibilisation est plus fréquemment rencontrée dans les régions ensoleillées.

Ce phénomène peut être lié à différents mécanismes physiopathologiques, qu’il est important de distinguer pour orienter le diagnostic et le traitement.

Physiopathologie et signes cliniques

Chez les chevaux, la photosensibilisation se divise en deux catégories (voir tableau 1) :

  • la photosensibilisation primaire, consécutive à l’ingestion, à l’injection ou au contact direct d’un agent photodynamique préformé ou de l'un de ses dérivés métaboliques ;

  • la photosensibilisation secondaire ou hépatogène, associée à une maladie hépatique. La phylloérythrine agit ici comme agent photodynamique. Elle est formée par dégénérescence microbienne de la chlorophylle dans l’intestin et est normalement conjuguée dans le foie puis excrétée dans la bile. Une atteinte hépatique peut entraîner l’accumulation de phylloérythrine dans le sang et les tissus, dont la peau.

Lors d’une exposition aux UV, ces agents photodynamiques entrent dans un état excité et causent des lésions cutanées directes ou à la suite de la production de métabolites réactifs.

Les lésions cutanées sont généralement bien délimitées aux zones à peau claire et à poils clairsemés. Elles se caractérisent par de l’érythème, de l’œdème, une exsudation séreuse et la formation de croûtes, jusqu’à la desquamation de la peau (voir photos 1 et 2). Les lésions peuvent être sensibles au toucher et prurigineuses. Lors de photosensibilisation secondaire, des signes généraux d’insuffisance hépatique peuvent également être observés : abattement, amaigrissement, ictère, diarrhée, inconfort.

 

Points clés

  1. La photosensibilisation peut être primaire (agent photodynamique ingéré, injecté ou au contact) ou bien secondaire lors d’affections hépatiques par accumulation de phylloérythrine.
  2. Les signes cutanés des zones à faible pigmentation ou dépilées se caractérisent par : érythème, œdème, exsudation séreuse, croûtes, desquamation.
  3. Le pronostic est favorable pour la photosensibilisation primaire et défavorable pour la forme secondaire.

 

Diagnostic

Un historique d’exposition à des plantes ou à des produits chimiques (voir tableau 1) pouvant provoquer une photosensibilisation, sans atteinte hépatique associée, permet de conclure à une photosensibilisation primaire.

Une photodermatite accompagnée de signes d’insuffisance hépatique fait en revanche pencher vers une photosensibilisation secondaire. Dans ce cas, les analyses sanguines peuvent révéler une augmentation de l’activité des enzymes hépatiques (GGT, AST, PAL), une augmentation des acides biliaires et une hyperbilirubinémie.

L’échographie peut mettre en évidence un foie de grande taille et des anomalies de son parenchyme (abcès, masse, dilatation des voies biliaires, cholélithiases). La biopsie hépatique et l’analyse histologique et/ou bactériologique peuvent également fournir des informations diagnostiques et pronostiques.

 

Traitement

Il est primordial d’identifier et d’éliminer si possible la source de l’agent photodynamique. En cas d’ingestion récente, lors de photosensibilisation primaire, l’administration de laxatifs (huile minérale) ou d’adsorbants (charbon actif, smectite) peut limiter l’absorption intestinale de toxines. De manière générale, il faut également veiller à limiter l’exposition au soleil.

La gestion médicale passe par l’administration d’anti-inflammatoires (ex : flunixine méglumine) pour diminuer l’inflammation dans les stades précoces et gérer la douleur. Des crèmes topiques à base d’antibiotiques et de corticostéroïdes peuvent également être appliquées. Les antibiotiques systémiques sont indiqués pour la prise en charge des infections secondaires bactériennes. Un débridement chirurgical peut être nécessaire lors de nécrose cutanée sévère.

En cas de photosensibilisation secondaire, la maladie hépatique sous-jacente doit, si possible, être prise en charge. Une alimentation riche en énergie mais faible en protéines est préconisée. Il faut également éviter d’utiliser des médicaments métabolisés principalement par le foie (sédatifs, anesthésiques, barbituriques), ou les administrer à des doses réduites.

Déclaration de conflit d'intérêt

L’autrice déclare ne présenter aucun conflit d’intérêt qui pourrait influencer ou biaiser de manière inappropriée le contenu de l'article.

Bibliographie

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Mise en ligne le : 10 juin 2025

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