Pr Matthias Kohlhauer, docteur vétérinaire, Diplômé ECVPT, École nationale vétérinaire d’Alfort
La prescription de médicaments à des animaux de production entraîne la présence inévitable de résidus dans la viande, le lait, les œufs ou le miel qui peuvent être dommageables pour la santé du consommateur. Le vétérinaire a une obligation légale à gérer ce risque en attribuant des temps d’attente aux médicaments administrés.
Toutes les molécules administrées à des animaux destinés à la consommation humaine se distribuent dans les différents tissus de l’animal après leur administration avant d'être progressivement éliminées. Lorsque l’animal est abattu, ou que son lait ou ses œufs sont vendus, les différentes denrées peuvent ainsi contenir des résidus des médicaments administrés.
Afin de prévenir un éventuel effet de ces résidus sur la santé du consommateur, le législateur fixe une concentration maximale autorisée dans les denrées d’origine animale nommée Limite Maximale de Résidus (LMR). Ces LMR permettent ainsi de n’exposer le consommateur qu’à une dose de médicament suffisamment faible pour ne pas produire d’effet.
L’ANSES maintient une liste positive des différentes LMR existantes pour les différentes espèces et denrées (voir tableau 1 des LMR) [1].
Certaines molécules sont cependant trop toxiques pour qu’il soit possible de définir une concentration dans les denrées qui soit sans risque pour le consommateur ou d’autres n’ont pas de LMR définies par manque de données. En conséquence, ces molécules ne disposant pas de LMR sont interdites d’utilisation chez les animaux de production car il n’est pas possible de garantir la sécurité du consommateur vis-à-vis de leur toxicité. Seules les substances inscrites au tableau 1 sont donc autorisées pour l’administration aux animaux de production.
Lors du dépôt du dossier d’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM), le laboratoire qui souhaite commercialiser un médicament doit démontrer le temps nécessaire pour que les concentrations de la molécule ou ses métabolites atteignent un niveau inférieur aux LMR. C’est ce qu’on nomme le temps d’attente [2].
Dans la majeure partie des cas, l’utilisation d’un médicament se fait selon les termes de l’AMM et il faut donc utiliser les temps d’attente qui sont préconisés dans les Résumées des Caractéristiques du Produit (RCP) pour l’espèce traitée.
Dans certains cas, et suivant le règlement dit de « la cascade », le vétérinaire est autorisé à prescrire exceptionnellement une spécialité n’ayant pas d’indication pour l’espèce considérée, à condition qu’aucun autre médicament vétérinaire adapté ne soit disponible pour l’espèce visée.
Dans ce cas, il doit choisir en priorité un médicament ayant une AMM chez une autre espèce de production. À défaut de médicament disponible ayant une autorisation chez une autre espèce de production, le vétérinaire peut utiliser n’importe quel médicament vétérinaire autorisé dans l’UE ou, à défaut, un médicament humain [2].
Dans le cas de l’application de la cascade, les temps d’attente préconisés dans les RCP ne sont plus pertinents. En effet, le vétérinaire utilise un médicament autorisé chez une autre espèce de production pour laquelle la vitesse d’élimination de la molécule dans les tissus n’a pas été étudiée. Il n’est donc pas possible de connaître précisément le temps d’attente à appliquer. Afin de prendre cela en compte, le vétérinaire doit donc appliquer un temps d’attente modifié en multipliant le temps d’attente initial le plus long par 1,5 comme l’illustre la figure 1.
Dans le cadre d’un médicament autorisé chez une espèce non productrice d’aliments, aucun temps d’attente n’est renseigné dans les RCP. Il faut appliquer alors un temps d’attente forfaitaire, volontairement très long, de 28 jours pour la viande, 7 jours pour le lait et 10 jours pour les œufs.
Enfin, il est à noter qu’en cas d’augmentation de la dose administrée, ou de changement de voie d’administration par rapport à ce qui est indiqué par les RCP, le temps d’attente devient, là aussi, inexact, comme l’illustre la figure 1. Le vétérinaire doit donc appliquer le temps d’attente modifié (x1,5) pour en tenir compte.
Les temps d’attente représentent un moyen de garantir la sécurité des aliments issus d’animaux et d’assurer qu’ils ne présentent pas une toxicité trop importante pour le consommateur. En conséquence, la loi française est particulièrement stricte vis-à-vis du respect de ces temps d’attente et l’article L5442-10 du code de la Santé publique prévoit une peine de deux ans d’emprisonnement et de 150 000 € d’amende en cas de non‑respect de ces temps d’attente.
L’auteur déclare ne présenter aucun conflit d’intérêt qui pourrait influencer ou biaiser de manière inappropriée le contenu de l'article.
Cadre réglementaire de la prescription des huiles essentielles en rurale
Mise en ligne le : 29 juillet 2025
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