Se connecter

Les déviations des membres chez le poulain : les comprendre pour mieux intervenir (Fiche 1/2)

Dimitri Kadic, DMV, Spécialiste en chirurgie équine, Dip. ACVS/ECVS

Alors que la saison des poulinages bat son plein, nous sommes inévitablement confrontés à des anomalies des membres parmi les poulains. Certaines de ces anomalies sont visibles dès la naissance (congénitales), d'autres apparaissent dans les premières semaines, voire les premiers mois de vie.

Parmi ces anomalies, on distingue deux types de déviations des membres : les déformations dues à un problème tendineux, qui relèvent du plan sagittal (vue de profil), et, d'autre part, les déviations dites angulaires (DA), qui désignent une déviation axiale du membre dans le plan frontal (vue de face), distalement à une articulation. On parle alors de valgus lorsque la portion distale du membre dévie latéralement (jambes en X), de varus lorsqu’elle dévie médialement (jambes en O).

Les déformations des membres dans le plan sagittal : éthiopathogénie et prise en charge

1. Hyperlaxité des tendons fléchisseurs

Les poulains faibles ou dysmatures (nés avant ou après terme) présentent souvent des tendons et des ligaments fléchisseurs insuffisamment forts à l’origine d’une hyperlaxité, ce qui peut entraîner un affaissement important des articulations du boulet et rendre le jarret instable. Ce défaut se produit souvent à un degré léger chez les poulains nouveau-nés et disparaît progressivement au fur et à mesure que le poulain grandit et devient plus fort (photo 1). Il est tout de même important de limiter et de contrôler les mouvements de ces poulains jusqu'à ce qu'ils adoptent une position correcte. Un box spacieux et/ou un petit paddock sont idéaux.

Parfois, la laxité est telle que les sabots peuvent pointer vers le haut. Dans ce cas, il est préférable de demander à un maréchal-ferrant expérimenté de placer une sorte de sabot en plastique avec un talon allongé sous le sabot du poulain. Ce système sert alors de levier pour que le poulain pose le pied bien à plat sur le sol (photo 2).

 Erreur à éviter : la mise en place d’un plâtre ou même la pose d'un bandage de soutien sur le membre atteint affaiblit davantage les tendons et aggrave la situation.

2. Rétraction des tendons fléchisseurs

Dans certains cas, les tendons fléchisseurs des poulains peuvent être trop « courts », ce qui rend l'extension de la jambe difficile. Par conséquent, ces poulains ont des jambes contractées. C'est ce qu'on appelle la rétraction des tendons. Les poulains peuvent naître avec ce problème, mais cela peut aussi survenir plus tard dans leur vie. Outre les tendons trop courts, l'articulation elle-même, en état d'hyperflexion, est également raidie. Par conséquent, ces poulains ont souvent du mal à naître par la voie naturelle et une césarienne est parfois nécessaire.

Le traitement des rétractions tendineuses dépend du degré/de la gravité du problème (photo 3).

  • Si le poulain ne peut pas se lever spontanément parce que sa jambe est trop fléchie, une attelle ou un plâtre doit être appliqué en hyperextension, de manière que le poulain puisse se lever de cette façon. Il est important que le poulain marche sur la jambe affectée afin que le tendon s'étire de plus en plus.

  • La physiothérapie, qui consiste à pousser manuellement et régulièrement le carpe vers l'arrière, combinée à la pose d'une attelle, est une mesure importante pour traiter cette anomalie.

  • Chez les poulains qui ne répondent pas de manière adéquate à cette thérapie, une intervention chirurgicale peut être nécessaire.

  • L’utilisation d'oxytétracycline est un traitement efficace lors de rétraction des tendons chez les poulains nouveau-nés. Ce médicament détend les tendons et la plupart des poulains se redressent en 3 jours. Le protocole consiste en une injection intraveineuse quotidienne de …. Mg/kg d’oxytétracycline. Ce médicament est particulièrement efficace chez les très jeunes poulains et peut être associé à une attelle ou à un plâtre.

Certains poulains naissent tout à fait normaux mais développent une rétraction des tendons plusieurs semaines, voire plusieurs mois après leur naissance. Ce phénomène se produit généralement lorsque les poulains grandissent trop vite de sorte que les tendons ne peuvent pas suivre la croissance du squelette. En général, l'un des membres antérieurs ou les deux sont touchés.

Observons ici deux manifestations typiques :

  • La rétraction du tendon fléchisseur digital profond qui se produit chez les poulains à l'âge de 2 à 8 mois et qui entraîne le développement d'un « pied bot » typique.

Légende : ce « pied bot » est causé par une rétraction du tendon fléchisseur profond. Les talons doivent être raccourcis en combinaison avec l'extension du doigt pour étirer le tendon fléchisseur profond.
Crédit photo : @ Equitom

  • La rétraction du tendon fléchisseur digital superficiel se produit généralement chez les poulains d'un an et donne une position anormale typique comme celle du poulain ci-dessous. Un tendon fléchisseur digital superficiel trop court tire le paturon vers l'arrière, ce qui entraîne une flexion du boulet vers l'avant.

Légende : ce yearling a des tendons fléchisseurs superficiels trop courts, ce qui entraîne cette position typique.
Crédit photo : @ Equitom

Plus ces rétractions tendineuses sont constatées tôt, au plus tôt une intervention peut être mise en place et meilleur sera le pronostic. Dans un premier temps, dans de nombreux cas, un parage correctif des sabots associé à l’adaptation du régime alimentaire suffit à inhiber quelque peu la croissance. Dans les cas les plus graves, des chaussures orthopédiques (voir image rétraction du tendon fléchisseur digital profond ci-dessus) peuvent être mises en place et, dans certains cas, une intervention chirurgicale mineure est même nécessaire. Pour une rétraction du tendon fléchisseur digital profond, une transsection du ligament accessoire distal est effectuée. Pour une rétraction du tendon fléchisseur digital superficiel, une transsection du ligament accessoire proximal est réalisée.

 

Points clés

  1. Les déviations des membres du poulain sont soit congénitales, soit acquises dans les premières semaines de vie.
  2. Les déformations sagittales sont liées à une hyperlaxité ou une rétraction des tendons fléchisseurs.
  3. L’hyperlaxité se corrige souvent spontanément, mais nécessite une gestion prudente du mouvement.
  4. La rétraction tendineuse peut nécessiter attelles, physiothérapie, utilisation d'oxytétracycline ou chirurgie selon la gravité.
  5. Les déviations angulaires (valgus/varus) sont fréquentes, surtout au niveau du carpe, et doivent être diagnostiquées précocement pour un traitement efficace.

 

Les déviations angulaires des membres (plan frontal)

Les déviations angulaires (DA) à l'origine des jambes en X (valgus) et des jambes en O (varus) constituent donc une autre forme de déviation de la position des membres. Il s'agit de déviations courantes que l'on observe à la fois sur les antérieurs et les postérieurs.

Les DA peuvent être :

  • congénitales, liées à une immaturité squelettique ou à une hyperlaxité ligamentaire (fréquentes chez les poulains prématurés).

  • acquises, souvent secondaires à une surcharge ou une croissance asymétrique au niveau des physes (surcharge unilatérale de la physis, inflammation (physite), croissance rapide, excès de nutrition ou déséquilibre minéral/vitaminique).

Les zones les plus fréquemment concernées par les DA sont :

  • le carpe : le plus souvent en valgus ;

  • le jarret : souvent en valgus également ;

  • le boulet : généralement en varus.

La prévalence des DA est élevée, surtout chez les pur-sang et les trotteurs dans le premier mois de vie. Ces défauts impactent la biomécanique locomotrice, exposant l’animal à des lésions ostéoarticulaires précoces et peuvent affecter son avenir sportif.

Le diagnostic peut être clinique ou radiographique.

L’inspection statique et dynamique du poulain permet d’évaluer l'axe du membre, la répartition des charges et l'usure du pied. Pour se faire, il faut positionner le poulain sur une surface plane, et l’observer de face et de profil. Ainsi, il est possible de noter la symétrie des membres, la position des genoux, des boulets, des pieds…

Le diagnostic radiographique est indispensable pour mesurer l'angle de déviation (ligne diaphysaire vs ligne épiphysaire) et localiser l'origine de la déviation (articulaire, métaphysaire ou physe). Les radios permettent également d’évaluer l'activité des plaques de croissance.

 À noter : les plaques de croissance ont une fenêtre de croissance rapide spécifique : jusqu’à 2 mois pour le boulet, jusqu'à 4 mois pour le jarret et jusqu'à 6 mois pour le carpe. Pendant cette période, la plaque de croissance est la plus active et permet donc la compensation la plus rapide et la plus efficace de l'écart de position. Au-delà, la correction spontanée ou thérapeutique est toujours possible, mais elle prendra plus de temps et le résultat final risque d'être moins optimal.


🔗️ À lire en complément

 

Cas particulier de la physite

Les poulains qui connaissent une forte poussée de croissance sont enclins à souffrir d'une inflammation des plaques de croissance (physite) en raison d'une surcharge. Ce phénomène est le plus souvent observé dans la région du boulet. Extérieurement, on peut observer un épaississement typique et dur du boulet et les poulains se déplacent souvent de manière un peu raide.

Dans ce cas, la mise au repos et l'adaptation du régime alimentaire (moins d'aliments riches en protéines) sont très importantes jusqu'à ce que les plaques de croissance soient suffisamment dures. Il est alors important de surveiller l'évolution des plaques de croissance par radiographie. Si aucune mesure n'est prise, si les poulains continuent à être laissés en liberté et s'ils reçoivent une alimentation trop riche, cette inflammation des plaques de croissance peut entraîner une déformation en valgus ou en varus.

La prévention des troubles des membres commence par une alimentation et une vermifugation correctes de la jument. Un équilibre minéral et vitaminique est indispensable et permet une bonne calcification des plaques de croissance. Des plaques de croissance insuffisamment ossifiées sont moins résistantes et se déforment donc plus rapidement en cas de surcharge, ce qui entraîne une croissance tordue. Après la naissance du poulain, les membres doivent être évalués en permanence afin de pouvoir réagir immédiatement dès l'apparition d'une position anormale. Après tout, le développement de jambes droites ne peut que profiter au futur cheval de sport.

Déclaration de conflit d'intérêt

L’auteur déclare ne présenter aucun conflit d’intérêt qui pourraient influencer ou biaiser de manière inappropriée le contenu de l'article.

Bibliographie

Mise en ligne le : 21 mai 2025

La rédaction vous conseille

Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15