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Les traitements médicaux et chirurgicaux des déviations angulaires des poulains (Fiche 2/2)

Dimitri Kadic, DMV, Spécialiste en chirurgie équine, Dip. ACVS/ECVS

Si nous avons passé en revue les différentes formes de déviations des membres du poulain et leurs origines (congénitales ou acquises), dans notre fiche précédente, qui s’intéressait particulièrement aux déformations dans le plan sagittal, liées à des anomalies tendineuses, cette seconde fiche est consacrée aux options thérapeutiques lors de déviations angulaires (DA) des membres, c’est-à-dire aux déformations observées dans le plan frontal, comme les jambes en X (valgus) ou en O (varus), fréquentes en période néonatale, en particulier au niveau du carpe.

Ces déviations ne sont pas de simples défauts esthétiques : elles compromettent l’équilibre biomécanique du jeune équidé et peuvent hypothéquer son avenir sportif. Une fois le diagnostic posé – idéalement le plus précocement possible – se pose la question de la prise en charge : traitements médicaux ou chirurgicaux ont un objectif clair, restaurer un alignement fonctionnel des membres avant la fermeture des plaques de croissance.

La prise de décision

L’évaluation de la sévérité de la déviation (angle), de l’âge du poulain et de la localisation articulaire peuvent guider la stratégie thérapeutique à adopter :

  • déviation < 5° et poulain < 2 semaines : surveillance possible et traitement conservateur. Les légères déviations chez les poulains nouveau-nés immatures (prématurés) sont principalement dues à des faiblesses ligamentaires (hyperlaxité) ou à un squelette insuffisamment durci et minéralisé (photo 1). Un repos stable temporaire, éventuellement associé à un bandage en forme d'attelle, est suffisant pour obtenir une guérison spontanée.

  • dmodérée (5–10°) : correction médicale active.

  • déviation > 10° ou > 4 semaines : discussion chirurgicale.

 

Les options thérapeutiques médicales

En pratique, les déviations angulaires significatives chez les poulains âgés de quelques semaines sont généralement le résultat de troubles de la croissance au niveau des plaques de croissance, également appelées physes.

La surcharge de ces plaques de croissance fragiles peut entraîner une inflammation, voire une fracture. Il en résulte une croissance asymétrique et, progressivement, l’apparition d’un membre tordue (en X ou en O). Si la croissance à l'intérieur de la plaque de croissance est plus importante qu'à l'extérieur, la jambe grandit progressivement en forme de X, en valgus. À l'inverse, si la partie de la plaque de croissance située à l'extérieur croît plus vite que celle située à l'intérieur, la jambe prend l'aspect d'un O, en varus.

Les cas mineurs peuvent être traités par un parage correctif des pieds (paroi interne plus courte sur les jambes O ; paroi externe plus courte sur les jambes X). Au début, même dans les cas les plus graves, des tentatives conservatrices peuvent être envisagées pour essyaer de corriger la déviation positionnelle. Dans ce cas, des chaussures orthopédiques adhésives peuvent faire des miracles.

Dans le cas d'une déviation en varus (jambe O), la chaussure doit être installée avec une extension sur la paroi externe (photo 2 - à gauche). Dans le cas d'une déviation en varus (jambe X), une extension vers l'intérieur est prévue (photo 2 - à gauche). Quel que soit le traitement choisi, le poulain doit être mis au repos jusqu'à ce que la déviation de l'appui soit corrigée.

D'autres options conservatrices peuvent être envisagées en complément des mesures classiques, notamment dans les cas modérés ou lorsque la chirurgie est différée.

L’utilisation des ondes de choc extracorporelles (ESWT) a été explorée chez les poulains atteints de déviations angulaires, notamment du carpe. Certaines études suggèrent une amélioration de l’alignement articulaire après quelques séances (en général deux à trois), mais les effectifs étudiés restent faibles et les résultats doivent être interprétés avec prudence. L’hypothèse physiopathologique avancée repose sur un effet biomodulateur des ondes sur la croissance physéale, en ralentissant potentiellement la croissance sur le côté ne présentant pas de retard de croissance. Le protocole consiste généralement à appliquer les impulsions à l’aide d’une sonde extracorporelle positionnée directement sur la face convexe de l’articulation concernée, avec un gel conducteur pour optimiser la transmission. Le traitement est réalisé sans anesthésie générale, mais une sédation légère peut être nécessaire selon le tempérament du poulain.

Le K-taping, quant à lui, repose sur l’application de bandes élastiques sur la face convexe de la déviation afin de moduler la posture et les contraintes mécaniques. Bien que des résultats positifs aient été rapportés dans certaines observations cliniques, le manque de protocoles standardisés et le nombre limité d’études rigoureuses ne permettent pas à ce jour de conclure à une efficacité démontrée. 

Enfin, les bandages, utilisés notamment sous forme d’attelles souples ou rigides, peuvent être utiles en cas d’hyperlaxité articulaire ou d’immaturité osseuse, pour stabiliser temporairement l’axe du membre. Leur usage nécessite cependant une grande prudence afin d’éviter des pressions inappropriées ou un appui inégal pouvant aggraver la déformation.

 

Points clés

  1. L’intensité de la déviation angulaire, l’âge du poulain et la localisation articulaire guident le choix du traitement.
  2. Les cas légers peuvent guérir spontanément avec repos, bandage ou parage correctif.
  3. Les traitements médicaux reposent essentiellement sur l'usage de ferrures orthopédiques et d'attelles.
  4. En cas d’échec du traitement conservateur, ou lors des cas sévères, deux options chirurgicales existent : le pontage transphysaire et l’élévation périostée.
  5. Une correction précoce est essentielle pour éviter des boiteries et de l’arthrose à l’âge adulte.

 

 

Les options thérapeutiques chirurgicales

Dans les cas graves, lorsque la prise en charge conservatrice s'avère insuffisante, il peut être nécessaire de bloquer temporairement la croissance du côté qui grandit trop vite jusqu'à ce que le membre soit à nouveau droit ou de favoriser la croissance du côté qui présente un retard de croissance.

1. Vis et pontage transphysaire

Cette chirurgie consiste à placer une vis à travers la plaque de croissance pour inhiber temporairement la croissance du membre du côté le plus long. Il s'agit d'une intervention courte qui ne nécessite qu'une petite incision de 5 mm. La vis est alors insérée par guidage radiographique à travers la physe (photo 3).

Une autre technique chirurgicale, qui repose sur le même principe, consiste à créer un pont par-dessus la physe en plaçant une vis au-dessus et une autre au-dessous de la plaque de croissance, puis à relier ces deux vis avec un fil de cerclage.

Légende : déformation très sévère du carpe traitée par pontage transphysaire.
Crédit photo : @ Equitom

Après l'opération, le membre dévié se redresse progressivement en l'espace de 2 à 4 semaines. Une fois que celui-ci présente un aplomb correct, le matériel chirurgical doit être retirée pour éviter une surcompensation dans l'autre sens !

Dans tous les cas, pour obtenir des résultats optimaux et rapides après une intervention chirurgicale, il faut intervenir suffisamment tôt.

2. L'élévation périostée

L’élévation périostée est une technique chirurgicale simple et peu invasive, utilisée pour stimuler temporairement la croissance du côté le plus court de l’os. Elle consiste à décoller le périoste sur la face concave de la déviation, juste au-dessus de la plaque de croissance, à l’aide d’une petite incision d’environ 2 à 3 cm. L’intervention est rapide, ne nécessite généralement pas de pose de matériel, et peut être réalisée sous anesthésie générale brève ou anesthésie locale renforcée par une sédation.

Cette technique agit en libérant la physe des contraintes du périoste, favorisant ainsi une croissance accélérée du côté opéré. Elle est souvent indiquée chez les poulains jeunes présentant une déviation modérée et une croissance résiduelle suffisante.

Dans les semaines qui suivent, une amélioration progressive de l’alignement est attendue. Toutefois, les résultats sont parfois plus lents et moins marqués que ceux obtenus avec le pontage transphysaire. Dans certains cas, les deux techniques peuvent être associées pour un effet plus équilibré. Comme toujours, plus l’intervention est réalisée tôt, meilleur est le pronostic.

Sur le terrain, il est très important de corriger les déviations angulaires graves. Si elles ne sont pas corrigées, les poulains peuvent présenter de graves déformations en X ou en O qui exerceront par la suite, à l'âge adulte, un stress anormal sur les articulations pouvant conduire à une arthrose sévère précoce et à des boiteries.


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Déclaration de conflit d'intérêt

L’auteur déclare ne présenter aucun conflit d’intérêt qui pourraient influencer ou biaiser de manière inappropriée le contenu de l'article.

Bibliographie

 

Mise en ligne le : 21 mai 2025

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