Il y a des moments dans la vie où l’on anticipe mal les choses. Et j’en ai fait les frais récemment. Au moment de la publication de notre article sur la probable future disparition des échelons pour les auxiliaires vétérinaires, je m’attendais à des réactions enthousiastes, ou du moins… positives de la part des ASV. Et voilà que, sur les réseaux sociaux, c’est la douche froide : une pluie de méfiance et de pessimisme, saupoudrée d’une pointe de cynisme.
Alors évidemment, si à la lecture de notre interview, vous avez ressenti de la crainte, de l’incompréhension ou de la colère, c’est forcément légitime. Et surtout : nous respectons vos sentiments.
Mais une question demeure : que s’est-il passé entre le moment où, à la rédaction de TÉMAvet, nous pensions porter une nouvelle plutôt positive et celui où vous l’avez reçue ? Une analyse s’impose, non ? Décryptons ensemble cette évolution qui mérite peut-être qu’on la regarde sous un autre angle.
Une évolution nécessaire et attendue depuis longtemps
Depuis bientôt quatre ans (mais qu’est-ce que le temps passe vite ?!), je suis de près et écris pour TÉMAvet sur la délégation d’actes vétérinaires aux ASV. Au fil des articles et des interviews, j’ai mesuré les attentes, les espoirs parfois déçus, et l’immense besoin de reconnaissance qui traverse la profession ASV.
Et s’il y a une chose dont je suis certaine, c’est qu’une évolution profonde du métier et de la reconnaissance des auxiliaires vétérinaires était devenue indispensable.
Alors pourquoi, au moment même où cette évolution se concrétise enfin, l’inquiétude reste-t-elle si forte ?
Retour sur un chantier qui avance… mais lentement
Nous n’allons pas retracer ici toute l’histoire de la délégation d’actes (vous retrouverez en fin d’article des liens vers nos dossiers complets), mais rappelons l’essentiel.
Après des années de négociations et de réflexions, la loi porteuse de la future délégation d’actes vétérinaires a enfin été promulguée le 24 mars 2025. À ce jour, nous attendons encore les décrets et arrêtés qui permettront sa mise en œuvre dans les établissements de soins vétérinaires (ESV). Initialement espérés pour octobre 2025, ils se font attendre.
Pourtant, sur le terrain, on y est presque : dans un futur proche, les ASV délégataires pourront légalement, sous la responsabilité et en la présence du vétérinaire, réaliser certains actes vétérinaires comme les injections, la pose de perfusion, la surveillance d'anesthésie, la pose de sondes urinaires, certains prélèvements… dès lors qu’ils auront été formés et certifiés pour ça.
Mais alors que cette revalorisation des actes praticables par les ASV se profile, une question cruciale se pose : celle de la revalorisation salariale.
La grille des salaires actuelle et ses échelons : un système à bout de souffle
C’est dans ce contexte d’arrivée imminente de la délégation d’actes vétérinaires au sein des ESV que nous avons décidé de mettre ce sujet à l’honneur dans les hors-série de l’été dernier de Vet’o micro dédiés aux ASV.
Et pour mieux comprendre le sujet et ce à quoi nous devons nous attendre, nous avons notamment donné la parole à Nathalie Blanc, élue et actuelle trésorière du Conseil national de l’Ordre des vétérinaires, et à David Quint, président du SNVEL. Deux épisodes riches qui méritent d’être écoutés ou réécoutés pour y voir plus clair quant à l’avenir des auxiliaires vétérinaires.
C’est également dans ces épisodes que l’on comprend qu’un remaniement en profondeur des grilles salariales des ASV est à l’étude. Une telle nouvelle ne pouvant passer inaperçue, nous avons donc tenu à redonner la parole à David Quint afin de clarifier les points essentiels en trois questions. Et pourtant, c’est là que l’inquiétude semble s'être amplifiée.
Il faut reconnaître que le climat général n’aide pas : tensions sociétales, incertitudes économiques, difficultés du secteur vétérinaire… Tout cela crée un terreau fertile pour le doute. Mais dans ce contexte sombre, ne peut-on pas, malgré tout, voir dans cette réforme un peu de lumière au bout du couloir ?
Une nouvelle classification : un changement qui mérite d’être expliqué
Si depuis des années, on entend parler d'un hypothétique échelon 6, en pratique, la classification par échelons ne semble plus convenir à grand monde notamment à cause de ce critère majeur qu’est jusque-là la formation initiale des auxiliaires. Et avec l’arrivée de la délégation d’actes, cette classification semble même devenir difficilement cohérente avec les réalités du terrain.
Alors pourquoi ne pas rebattre les cartes ?
Les organisations professionnelles vétérinaires semblent avoir choisi cette voie. Et ce choix a le mérite d’essayer de bâtir une classification plus en phase avec les compétences réelles des ASV.
Dans cette nouvelle approche :
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les auxiliaires vétérinaires seraient regroupés dans une seule catégorie métier parmi les six catégories d’emplois non vétérinaires définies au sein des ESV ;
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au sein de cette catégorie, chaque ASV se verrait attribuer des critères classants permettant d’établir un salaire minimal conventionnel ;
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ces critères pourraient vraisemblablement prendre en compte la formation initiale, mais aussi les formations complémentaires (délégation d’actes, CQP…), voire d'autres compétences acquises par exemple sur le terrain ainsi que les rôles réels de l'auxiliaire au sein de son poste.
Autrement dit : la formation initiale ne serait plus l’unique clé de la reconnaissance salariale.
Ce système permettrait également une évolution de carrière plus lisible, plus progressive, et surtout plus équitable.
Reste que beaucoup d’éléments doivent encore être précisés, et il serait prématuré de tirer des conclusions définitives.
Un appel à la prudence… mais aussi à l’espoir
Soyons clairs : tant que nous n’avons pas tous les éléments, il est légitime et raisonnable de rester prudent.
Personne n’a envie d’être déçu après des années d’attente.
Et oui, votre fiche de paie d’auxiliaire vétérinaire ne changera sûrement pas dès le mois prochain.
Mais pouvons-nous envisager que cette fois les choses bougent dans le bon sens ?
Pouvons-nous laisser une chance à cette réforme avant de la condamner ?
Je veux y croire. Peut-être naïvement — mais sincèrement.
Une chose est sûre : nous continuerons à vous informer, à décrypter, à interroger, et à donner la parole à toutes les parties prenantes avec l'espoir non dissumulé de voir les lignes bougées vers une reconnaissance des auxuliaires vétérinaires à la hauteur de leurs attentes.
Manuelle Hoornaert,
Vétérinaire & rédactrice en chef de TÉMAvet
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