Si les ASV interrogés par TÉMAvet au printemps dernier se sont montrés majoritairement enthousiastes et favorables à une telle loi, à condition que leurs compétences puissent être valorisées à leur justevaleur, qu’en est-il du côté vétérinaire ? Les témoignages des praticiens ont été eux aussi recueillis à la faveur d’une nouvelle enquête, qui a mobilisé 159 participants.
Entre impatience qu’un cadre légal puisse être posé et crainte d’un débordement, les vétérinaires interrogés ont pu exprimer leurs attentes mais également leurs réserves.
Apporter un cadre légal aux pratiques déjà en place
Cela ne surprendra personne, mais les vétérinaires n’ont pas attendu la loi pour confier à leurs ASV la réalisation de certains actes techniques qui leur sont normalement réservés. Dans de nombreuses structures vétérinaires, il est pratique courante que les ASV effectuent eux-mêmes les injections, prises de sang, voire de petites chirurgies (NDLR : attention, les actes chirurgicaux ne devraient pas entrer dans la liste des actes délégables). Maintenant qu’un cadre légal est enfin en train d’être posé, c’est un soulagement pour les vétérinaires, qui sont pour la grande majorité (97 %) prêts à déléguer officiellement certains actes.
Néanmoins, il ne s’agit pas d’approuver toute proposition sans réserve. Les vétérinaires attendent de la loi qu’elle pose un cadre clair, mais également que ces nouvelles pratiques puissent être justifiées par une montée en compétences des ASV concernés. En effet, l’ouverture à la réalisation de soins médicaux interroge sur un éventuel changement de leur statut.
Le parallèle est naturellement effectué avec la profession d’infirmier (bien que les personnes exerçant ce métier soient légalement responsables de leurs actes), mais aussi avec celle de « vet tech » ou « vet nurse », qui en est l’équivalent vétérinaire dans les pays anglo-saxons.
Les vétérinaires qui ont répondu à l’enquête souhaiteraient en effet que les ASV concernés par la loi puissent justifier d’une formation scientifique de qualité, voire d’un diplôme supplémentaire (NDLR : il est prévu que les ASV dits délégataires suivent une formation adaptée et passent un examen afin de valider leur certification). Néanmoins, cela ne doit pas ouvrir la porte à un débordement et certaines craintes ont également été exprimées par nos confrères et consœurs.
Définir des contours clairs pour préserver le lien vétérinaire-animal
Les vétérinaires ont globalement suivi, de près ou de loin, le dossier de la délégation d’actes aux ASV, preuve qu’il s’agit d’un sujet important et sensible. Le point central concerne bien évidemment la liste des actes effectivement délégables.
Selon les dernières versions de travail, la liste comprendrait les prises de sang, certains prélèvements, les injections, les soins de plaie (hors suture), le sondage urinaire, l’intubation, la surveillance anesthésique… Un ensemble cohérent et attendu pour 52 % des répondants.
Des réserves sont pourtant émises : 30 % sont surpris d’y trouver certains actes et près de 18 % auraient souhaité y voir figurer des actes plus techniques comme la castration de chat, les sutures ou la réalisation de radiographies.
Malgré l’enthousiasme global, il ne faut pas oublier les voix des vétérinaires réfractaires à cette loi. Derrière les doutes, ce sont en effet les peurs qui chuchotent. Il faut notamment entendre la crainte de perdre l’essence du métier vétérinaire et du lien direct entre soignant et animal.
Les actes, peu techniques mais tout de même rassurants et valorisants, ne sont pas nécessairement vus comme une contrainte. Au contraire, ils aident à souffler entre cas cliniques complexes et clients difficiles. Sans eux, certains vétérinaires ont peur de ne plus jouer le rôle que du diagnosticien, voire de « l’homme d’affaire », comme cela a été exprimé dans un témoignage libre.
Par ailleurs, certains expriment la peur d’un débordement des ASV : prise de confiance trop forte qui mènerait à des critiques des diagnostics et traitements des vétérinaires, manque de travail pour les praticiens ruraux qui seraient remplacés par des techniciens…
Il faut donc que la loi puisse répondre aux besoins des vétérinaires, sans faire oublier qu’ils restent seuls décisionnaires des pratiques mises en place dans leurs établissements de soin.
Investir du temps et de l’argent, mais pas à n’importe quelle condition
Le constat est très clair : les ASV souhaitent que leurs compétences puissent être valorisées. Afin qu’ils deviennent officiellement délégataires, une formation théorique et pratique puis une validation par examen sont envisagés.
Une majorité des vétérinaires répondants (92 %) seraient prêts à investir du temps ou de l’argent dans le processus, à condition qu’il s’agisse d’un investissement raisonnable pour certains. Par ailleurs, 77 % d’entre eux trouvent cela normal que les ASV délégataires soient mieux rémunérés et seraient prêts à le faire.
Une bonne nouvelle pour les ASV ! Les vétérinaires voient dans la délégation d’actes une façon de répondre au contexte actuel sous tension et de libérer du temps (et donc de l’argent) pour des tâches supplémentaires ou plus spécifiques, tout en valorisant leur expertise.
Seul l’avenir nous dira si les actes suivront les paroles ou non. Certains confrères se demandent en effet quelle valeur ajoutée apporterait la délégation d’actes, déjà largement pratiquée en coulisses. Augmenter les salaires nécessite en effet de la trésorerie et des efforts supplémentaires, ce qui peut être compliqué dans le contexte économique actuel.
Il semblerait donc que la délégation d’actes soit très attendue, aussi bien du côté ASV que du côté vétérinaire. Bien que l’enthousiasme et l’ambition collective soient là, le passage à la pratique suscite naturellement quelques réserves. La réforme saura-t-elle transformer les discours positifs en véritables changements de terrain ?
Astrid de Boissière,
Vétérinaire