Le débat autour des retraites occupe une place centrale dans l’actualité sociale et économique. Vieillissement de la population, allongement de la durée de vie, déséquilibre entre actifs et retraités : autant de facteurs qui pèsent sur la pérennité des régimes de retraite en France. En 2024, l’âge moyen de départ à la retraite s’élevait à 63,6 ans, avec une durée moyenne passée en retraite estimée à plus de 24 ans, et le rapport actifs cotisants/retraités est tombé à 1,67. Ces tendances montrent plusieurs choses : l’âge effectif de sortie du monde du travail et de départ à la retraite progresse, la population retraitée est de plus en plus nombreuse, et la durée passée à la retraite s’allonge, particulièrement pour les femmes. Ces évolutions expliquent les réformes successives, visant à garantir l’équilibre financier du système tout en tenant compte de la diversité des statuts professionnels. Pour les vétérinaires libéraux, comme pour tout professionnel indépendant, cela signifie que les modalités de calcul (nombre d’années cotisées, régime de base et complémentaires, taux de cotisation, etc.) doivent être envisagées sur un horizon plus long, afin d’assurer une retraite suffisante et durable.
Les professions libérales disposent de régimes particuliers, distincts de ceux des salariés. Leurs droits diffèrent donc de ceux des autres professions libérales ou des salariés, tant en matière de taux de cotisations que de modalités de calcul de la pension. Comprendre ces spécificités est essentiel pour anticiper et sécuriser son avenir professionnel et personnel, d’autant plus que la durée de retraite tend à s’allonger.
Un système entièrement piloté par une caisse autonome
Les vétérinaires exerçant en libéral relèvent d’un régime spécifique piloté par la CARPV (Caisse Autonome de Retraites et de Prévoyance des Vétérinaires), qui gère à la fois le Régime de Base des Libéraux (RBL) pour le compte de la CNAVPL (Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales) et le Régime Complémentaire (RC) propres aux vétérinaires, ainsi qu’un Régime d’Invalidité-Décès (RID), offrant une protection supplémentaire en cas d’imprévu.
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Le régime de base fonctionne par points, comme pour la plupart des professions libérales. Les cotisations versées chaque année permettent d’acquérir un certain nombre de points en fonction du revenu professionnel déclaré.
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Le régime complémentaire obligatoire, spécifique aux vétérinaires, fonctionne également par points, mais les taux et tranches de cotisation diffèrent du régime de base. Chaque année, le vétérinaire verse une cotisation proportionnelle à son revenu, transformée en points.
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Le régime invalidité-décès, quant à lui, est une cotisation obligatoire parallèle aux retraites qui permet de garantir un capital décès pour les ayants droits et une pension d’invalidité en cas d’incapacité définitive d’exercice. C’est une spécificité importante, qui distingue la CARPV d’autres caisses professionnelles.
Comment sont calculées vos cotisations ?
Pour le RBL, les cotisations sont calculées sur le revenu professionnel net imposable BNC (après déduction des charges, mais avant impôts). Les montants sont divisés en tranches de revenus, comme pour les salariés, avec un plafond annuel de la Sécurité sociale (PASS).
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Tranche 1 : jusqu’à 1 PASS (47 100 € en 2025). 8,23 % sur la totalité de la tranche. Cette cotisation donne droit à des points de retraite.
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Tranche 2 : de 1 à 5 PASS (47 100 € → 235 500 € en 2025). 1,87 % sur la partie des revenus comprise entre ces deux seuils. Cette cotisation ouvre aussi des droits à points, mais à un rythme plus faible.
Exemple simplifié (revenu net = 80 000 €) :
- Tranche 1 : 47 100 × 8,23 % = 3 909 €
- Tranche 2 : (80 000 – 47 100) × 1,87 % ≈ 615 €
- Total RBL ≈ 4 524 €
Contrairement au RBL (calculé en pourcentage du revenu), le Régime Complémentaire (RC) est basé sur un système de classes. La classe de cotisation est déterminée en fonction de l’assiette (revenus non salariés). Chaque classe correspond à un montant de cotisation forfaitaire et à un nombre de points de retraite complémentaire acquis (dont la valeur de service est déterminée chaque année par le Conseil d’Administration) :
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Classe B (assiette jusqu’à ~76 364 €) → 16 points/an ;
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Classe C (~76 365–101 820 €) → 20 pts/an ;
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Classe D (≥101 821 €) → 24 pts/an.
Il existe une certaine liberté car il est possible de cotiser plus pour augmenter sa pension de retraite ou, au contraire, de cotiser dans une classe plus basse.
Enfin, le Régime Invalidité Décès (RID) est un régime de prévoyance, qui assure des prestations temporaires suite à un accident de la vie, sous réserve d’une cotisation annuelle forfaitaire. Là encore on distingue 3 classes :
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la classe MINIMUM est obligatoire (390 €) ;
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la classe MEDIUM, optionnelle, qui offre des garanties doubles de la classe minimum pour une cotisation double ;
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la classe MAXIMUM, également optionnelle, qui offre des garanties triples de la classe minimum pour une cotisation triple.
Comment est calculée votre pension ?
La pension annuelle de base est calculée ainsi :
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Pension de base = Nombre total de points acquis × Valeur du point au moment de la liquidation x Taux Pension
Le nombre de points acquis dépend des cotisations annuelles mais il existe des plafonds annuels de points. Le « taux plein » dépend soit de l’âge soit du nombre de trimestres.
Pour information, la valeur du point RBL en 2025 est de 0,6540 €
La pension complémentaire est calculée sur le même principe :
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Pension complémentaire = Nombre de points × Valeur du point complémentaire x Taux Pension
Pour information, la valeur de service du point RC en 2025 est de 39,50 €
Ce qui a changé avec la réforme
La réforme votée par le Parlement en 2023 contient des mesures concernant seulement le régime de base (RBL) mais qui peuvent néanmoins impacter de manière indirecte le régime complémentaire.
Les deux principales mesures sont :
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le relèvement progressif de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans ;
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l’augmentation, progressive elle aussi, du nombre de trimestres requis pour obtenir une retraite à taux plein, fixé à 172 trimestres pour celles et ceux nés après 1965.
À cela s’ajoutent deux mesures spécifiques destinées à préserver certaines catégories de cotisants :
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le dispositif de carrière longue, permettant de partir à la retraite plus tôt si vous avez cotisé au moins 5 trimestres avant la fin de l’année civile de vos 16, 18, 20 ou 21 ans ;
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la retraite pour inaptitude, autorisant un départ à 62 ans à taux plein, indépendamment du nombre de trimestres acquis.
Bon à savoir
- Il n’existe pas de solidarité interprofessionnelle : vous ne bénéficiez pas du minimum vieillesse (Aspa) à travers la CARPV.
- La retraite est strictement contributive : on ne touche que ce que l’on a cotisé.
- Le régime complémentaire constitue une part significative (environ 75 %) de votre pension de retraite, plus importante que le régime de base.
- Il est indispensable de vérifier vos périodes salariées si vous avez alterné salariat/libéral, car des droits sont à récupérer auprès des caisses correspondantes (Agirc-Arrco, CNAV, etc.).
- Ne sous-estimez pas l’impact de la décote car la pension complémentaire peut perdre beaucoup si vous partez trop tôt.
Décotes, surcotes… : ce qu’il faut retenir !
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Décote : si vous liquidez avant l’âge du taux plein applicable ou si vous n’avez pas le nombre de trimestres requis, une minoration s’applique : 1,25 % par trimestre manquant (RBL et RC suivent des mécanismes similaires).
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Surcote : si vous avez cotisé plus que les conditions d’obtention du taux plein, le montant de votre pension sera majoré (1,25 % par trimestre supplémentaire depuis la réforme). Cette majoration est plafonnée à 5 % du montant de votre retraire, à l’exception des trimestres validés au titre d’un évènement familial (congé maternité, congé parental, congé éducation, adoption, enfant porteur d’un handicap). Dans ce cas, les trimestres supplémentaires (au-dessus de 5 %) seront comptabilisés mais avec un taux de surcote de 0,75 %.
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Majoration famille : depuis le 01/09/23, une majoration de 10 % du montant de la pension de base (RBL) est appliquée pour les parents de 3 enfants et plus. C’était déjà le cas pour la pension complémentaire donc dorénavant, cette majoration est appliquée à l’ensemble des pensions.
L’importance des solutions complémentaires
Compte tenu du niveau souvent insuffisant des pensions issues des régimes obligatoires, il est recommandé aux vétérinaires libéraux d’anticiper en souscrivant des contrats de retraite supplémentaire (type PER individuel), des placements financiers ou immobiliers, ou des contrats de prévoyance privée pour renforcer la couverture décès/invalidité.
Il existe un certain nombre de leviers d’optimisation de sa retraite. On peut notamment :
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changer de classe de régime complémentaire : il est parfois possible de souscrire à une option supérieure (ex. opter pour classe D). Cela augmente vos cotisations mais aussi vos points annuels (effet à long terme). Cette option est encadrée (délai/conditions) par les statuts CARPV.
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procéder à un rachat de points / trimestres : la CARPV propose des possibilités de rachat (propositions personnalisées à partir de 55 ans pour points RC ; rachats de trimestres/années d’études via barème CNAVPL). Un rachat peut être rentable si vous partez tôt ou si vous êtes proches d’un palier significatif.
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prendre une retraite progressive : possibilité de liquider partiellement sa RC (jusqu’à 80 % des points acquis) tout en poursuivant une activité sous condition de revenus. Là encore, cette option est encadrée par la CARPV.
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repousser la liquidation : chaque trimestre travaillé au-delà du taux plein peut majorer la pension (surcote) — c’est un levier simple si vous pouvez retarder le départ en retraite.
La retraite des vétérinaires libéraux est basée sur un modèle contributif spécifique, peu solidaire mais flexible. Ce système repose sur un trépied : base, complémentaire obligatoire et prévoyance. Mais en pratique, seule une stratégie complémentaire permet d’assurer un revenu de remplacement satisfaisant. Prendre sa retraite nécessite donc anticipation et stratégie, notamment dans le choix de sa classe de cotisation. Pour garantir un niveau de vie satisfaisant à la retraite, il est conseillé de coupler ces dispositifs obligatoires à une épargne retraite volontaire.
Annabelle Orszag,
Vétérinaire
Ressources documentaires et bibliographiques :
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Guide Réforme Retraite 2023 par la CARPV. Disponible en ligne sur : https://www.carpv.fr/wp-content/uploads/2024/04/Guide-reforme-des-retraites_CARPV.pdf [Consulté le : 1 octobre 2925].