Après plusieurs années de concertation, la branche vétérinaire s’apprête à franchir une étape importante avec la fusion des conventions collectives des praticiens salariés et des auxiliaires. Cette refonte vise à simplifier et sécuriser le cadre social de la profession. Pour mieux comprendre, on a posé nos questions à David Quint, président du SNVEL.
Depuis quelque temps, on entend parler de la fusion des conventions collectives de l’écosystème vétérinaire. En pratique, d’où part-on et vers quoi va-t-on ?
Actuellement, Il existe deux conventions collectives pour notre branche : la convention collective nationale des vétérinaires praticiens salariés (IDCC 2564) qui s’applique aux vétérinaires, et celle des cabinets et cliniques vétérinaires (IDCC 1875) qui s’applique à tous les autres salariés des établissements de soins vétérinaires.
La nouvelle convention collective nationale des établissements de soins vétérinaires remplacera ces deux textes. Elle instaurera un socle commun de règles, tout en conservant des spécificités pour les vétérinaires et pour les salariés non vétérinaires dont les auxiliaires (travail de nuit, astreintes, période d’essai, préavis, etc.).
Qui a porté cette fusion et pourquoi ? Quels en sont les objectifs ?
Cette réforme s’inscrit dans le cadre de la loi Travail « El Khomri » (2016), qui visait à réduire le nombre de conventions collectives en France.
Pour la branche vétérinaire, l'idée était de fusionner les deux conventions existantes afin d'éviter une fusion « forcée » aboutissant à une convention collective trop différente.
Nous avons travaillé pendant 5 ans avec les syndicats représentatifs des salariés de la branche pour mettre à jour et sécuriser cette nouvelle convention collective, en précisant de nombreuses notions qu’il était devenu nécessaire d’expliciter (sur le forfait jours, la modulation, etc.). Nous avons également clarifié de nombreux points qui suscitaient des questions, en ajoutant des exemples : les règles de versement des majorations, la prime d’ancienneté, les congés payés et pour évènements familiaux…
Qu’est-ce que ça va changer concrètement pour les « usagers » de ces CC ? Est-ce juste une fusion formelle ou y a-t-il des évolutions de fond notables ?
L'une des modifications les plus significatives concernera la clarification des gardes et astreintes, un domaine qui était auparavant souvent sujet à interprétation et reposait sur le « bon sens ».
Le terme « garde » disparaîtra pour être remplacé par des définitions plus précises : astreinte, astreinte dérangée, et travail pour les structures ouvertes 24 heures sur 24. La nuit et le dimanche seront considérés comme du temps de travail effectif, et non plus comme de la « garde ».
Pour les salariés vétérinaires en forfait jours, les astreintes ne seront plus basées sur des forfaits de 6 ou 12 heures, mais seront rémunérées à l'heure réelle d’astreinte effectuée.
Ce sera la fin du forfait jours de nuit : il ne sera plus possible d’être en forfait jours et travailleur de nuit, car cela entraîne de nombreux problèmes d’interprétation. Par exemple, la notion de « pause méridienne » utilisée dans le calcul du forfait jours n'est pas adaptée au travail de nuit.
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Les horaires de travail
Plusieurs aspects des horaires et du forfait jours ont été adaptés dans cette nouvelle CC.
Il sera désormais possible de réaliser les 35 heures hebdomadaires sur 3 jours (par exemple, 3 fois 12 heures), ce qui n'était pas autorisé par l'ancienne convention.
Pour les non-vétérinaires, le plafond des heures supplémentaires passera de 180 à 220 heures par an.
La convention permettra aux employeurs de choisir la période de référence pour le calcul du forfait jours et des congés payés. Il sera possible d'opter pour une période du 1er juin au 31 mai ou du 1er janvier au 31 décembre, ce qui simplifiera grandement la gestion.
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Le forfait jours
Le forfait jours a été largement détaillé pour apporter un cadre clair, et des réponses aux questions qui se posaient : à propos des années incomplètes, des absences, de la valeur d’une journée. Il sera également ouvert aux cadres autonomes non vétérinaires. Ces modifications impliqueront d’ailleurs de signer un avenant avec les salariés au forfait jours.
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Les majorations pour le travail de nuit, le dimanche et les jours fériés
Les majorations seront harmonisées et clarifiées.
Les auxiliaires verront leurs majorations pour les nuits, dimanches et jours fériés passer de 15 % à 20 %, les alignant ainsi sur les vétérinaires.
La nouvelle convention clarifie les règles pour éviter les cumuls excessifs de majorations, qui pouvaient auparavant atteindre jusqu'à 215 % en raison d'une mauvaise rédaction.
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Le compte épargne temps
Alors que l'accès au CET était auparavant réservé aux vétérinaires, les ASV y auront accès. Cependant, son cadre a été beaucoup mieux défini pour éviter les dérives, et son utilisation nécessitera l'autorisation de l'employeur.
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La clause de non-concurrence
La nouvelle convention stipulera clairement que la clause de non-concurrence est facultative. Auparavant, même si elle n'était pas inscrite dans le contrat, sa présence dans l'ancienne convention collective pouvait créer un risque juridique pour l'employeur. Avec la nouvelle version, pour qu'elle soit applicable, elle devra impérativement être mentionnée dans le contrat de travail et prévoir des contreparties définies.
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La prévoyance
La prévoyance a été repensée pour offrir une couverture alignée à 82 % du salaire brut pour tous les salariés (contre 80 % pour les ASV et 90 % pour les vétérinaires auparavant). L’objectif est de couvrir environ 100 % du salaire net pour l’ensemble des professionnels. Cette harmonisation n’entraînera aucun surcoût pour les employeurs, grâce à une optimisation des cotisations sociales. Elles sont partiellement exonérées du fait que les salariés prennent en charge la partie de la cotisation qui correspond à la prestation arrêt maladie. Cette solution a été suggérée par un actuaire avec lequel la commission paritaire travaille depuis plusieurs années.
En outre, le capital décès (à hauteur de 300 % du revenu annuel) et le complément de maternité seront désormais étendus aux non-vétérinaires, alors qu'ils étaient auparavant réservés aux vétérinaires.
Quand cette fusion sera-t-elle effective ?
La nouvelle convention a été soumise à la Direction générale du travail (DGT) pour validation et extension en juillet dernier, juste avant les vacances.
Son applicabilité dépendra du moment de la réponse de la DGT. Le principe est qu'elle sera applicable au 1er janvier de l'année suivant l’extension. Par exemple, si la DGT répond avant la fin de cette année, elle sera applicable au 1er janvier 2026. Si la réponse n'intervient qu'en 2026, l'application se fera au 1er janvier 2027.
Cette date du 1er janvier a été choisie pour des raisons de simplification, évitant ainsi des changements en cours d'année, et pour laisser le temps nécessaire aux employeurs de s'informer et de réaliser les modifications contractuelles éventuelles.
Y a-t-il d’autres évolutions à attendre autour de cette nouvelle convention ?
Cette refonte a également suscité une réflexion plus large sur d’autres aspects, notamment la grille de classification des métiers non vétérinaires et non ASV (fonctions supports, techniciens spécialisés, etc.).
Cette fusion des conventions collectives marque une étape importante pour la branche vétérinaire. En clarifiant les règles et en harmonisant les pratiques, elle vise à offrir un cadre plus lisible et plus équitable à l’ensemble des équipes.
Merci à David Quint, président du SNVEL, pour ses éclairages sur les enjeux et la mise en œuvre de cette réforme.
La rédaction