Gestion du stress, communication, empathie, adaptabilité : ces « soft skills » ne sont plus un simple bonus, mais de véritables leviers de réussite, aussi bien dans la relation avec les clients que dans le travail en équipe.
Plébiscitées par les recruteurs, ces compétences comportementales deviennent incontournables pour évoluer sereinement dans un monde vétérinaire en pleine mutation.
Dans notre quotidien, professionnel comme personnel, certaines aptitudes semblent aller de soi. Sans même y penser, elles conditionnent la fluidité de nos journées autant que la qualité de nos relations.
Un vétérinaire mixte qui jongle entre une césarienne en urgence et la première visite d’un chiot a développé, au fil des années, une adaptabilité précieuse, loin d’être anodine.
Et que dire du praticien qui accompagne un propriétaire effondré lors d’une euthanasie ? À cet instant, ce ne sont pas uniquement les connaissances médicales ni les gestes techniques qui importent, mais bien l’empathie, l’écoute active, la justesse des mots et de l’attitude face à l’émotion de l’autre. Même lorsqu’il s’agit de s’engager dans un acte chirurgical jamais réalisé, dont on sait qu’il sauvera un animal, il faut mobiliser bien plus que ses compétences professionnelles : une forme de courage, une audace, proche de celle de celui qui court son premier marathon sans aucune certitude, si ce n’est l’envie de progresser.
Ces aptitudes, souvent discrètes mais qui façonnent profondément notre manière d’exercer, relèvent d’un registre que l’on appelle aujourd’hui les « soft skills ». Et lorsque, face à un stagiaire de 3ème, on évoque la flexibilité, l’empathie et la curiosité comme qualités nécessaires pour devenir vétérinaire, on parle déjà d’elles, sans toujours le savoir.
Des qualités essentielles bien plus qu’un nouveau concept à la mode
Les soft skills, de plus en plus évoqués dans les contextes de recrutement ou de management, demeurent encore flous pour beaucoup. Contrairement aux « hard skills » validées par des diplômes, les soft skills concernent nos capacités humaines : notre faculté à interagir, à nous adapter, à réagir avec pertinence dans des situations complexes. Longtemps reléguées au second plan, elles sont aujourd'hui reconnues comme des facteurs d’efficacité, de bien-être et de performance durable.
Les soft skills ne sont ni des dons innés ni le simple fruit d’une bonne éducation. Ils forment un ensemble composé des traits de caractère, de la maturité émotionnelle et de compétences acquises. Certaines personnes naissent avec une aisance relationnelle naturelle, un optimisme contagieux et une capacité unique à rassembler. D’autres développent, au fil des années et de leur vécu, la confiance en soi et la résilience qu’elles n’avaient pas au début de leur carrière. D’autres encore apprennent à s’organiser, à ne pas se laisser submerger par l’urgence, à écouter de manière active.
Ils ne sont pas à confondre avec les « mad skills », ces talents hors du commun mis en avant dans un CV pour se démarquer : passion artistique, sport de haut niveau, engagement associatif. Ces qualités ont aussi leur place, bien sûr, mais elles répondent à une autre logique. Là où les mad skills attirent l’attention, les soft skills eux, sont plus discrets, plus constants, et infiniment précieux dans notre quotidien professionnel.
Quand la compétence ne suffit plus
Si la flexibilité, l’intégrité, l’autonomie et la curiosité ont toujours été des atouts précieux dans notre profession aussi riche que complexe, l’évolution de la profession a mis à jour d’autres compétences tout aussi utiles à acquérir ou à entretenir. Et ce n’est pas un phénomène isolé à la seule profession vétérinaire. Pour preuve, l’adaptabilité, présente dans le top 12 du baromètre des soft skills en 2021, a été détrônée en 2023 par le sens du collectif [1]. Et effectivement, si on imaginait auparavant volontiers le praticien seul, arpentant les routes de campagne, dispensant son savoir de ferme en ferme, avec une autorité naturelle, presque tacitement acceptée, cette époque ne reflète plus vraiment la réalité d’aujourd’hui.
Le praticien ne travaille plus de manière isolée, mais au sein d’équipes pluridisciplinaires, en interaction constante. Il ne suffit plus de bien faire son travail : il faut savoir le faire avec les autres. La communication devient centrale. Pas seulement pour éviter les tensions, mais pour construire une dynamique d’équipe durable, cohérente et efficace.
Cette exigence se retrouve aussi dans la relation avec les propriétaires d’animaux, qui arrivent souvent en consultation armés de leurs lectures sur Internet, de leurs doutes, de leurs convictions. Le vétérinaire doit alors convaincre, expliquer, même parfois éduquer.
De plus, ce que les clients perçoivent est loin de tenir uniquement à la qualité des soins. Ils se souviendront davantage d’un sourire, d’un ton rassurant, d’une capacité à écouter malgré le retard. On peut avoir été major de promo, avoir lu tous les articles sur la PIF, si l’on oublie d’accueillir un client avec humanité, le lien est rompu.
Face à l’IA et à la transition écologique : le retour du facteur humain
L’intelligence artificielle s’invite déjà dans nos pratiques. Des outils comme VetAlly® permettent par exemple d’optimiser la rédaction de nos comptes-rendus ou ordonnances ainsi que de nous assister dans notre démarche diagnostique. Mais si l’IA améliore notre efficacité, elle ne saura jamais écouter un client inquiet, désamorcer un conflit ou accompagner un jeune confrère en difficulté. Plus nos outils se perfectionnent, plus nos qualités humaines prennent de la valeur.
La transition écologique, elle aussi, redéfinit nos repères. Elle demande de la créativité et une capacité à revoir nos façons de faire. Dans ce contexte mouvant, les soft skills ne sont plus accessoires : elles deviennent les fondations de la pratique vétérinaire de demain.
Mieux se connaître pour mieux travailler
Dans le monde professionnel, les soft skills peuvent être regroupés en six grandes catégories : la communication, les compétences interpersonnelles (capacité à interagir positivement), le leadership (instauration de respect, confiance et de motivation auprès de ses équipes), les capacités d’apprentissage et enfin les compétences intrapersonnelles tournées vers soi-même comme la réflexion, l’imagination ou la résolution de problèmes complexes.
Si le baromètre annuel des soft skills [1] met en lumière des tendances générales, chaque métier a ses spécificités et nécessite des qualités particulières. Chez les vétérinaires, l’identification des soft skills clés dépend aussi de la vision personnelle du métier, aujourd’hui comme demain.
Certaines compétences sont partagées avec nos collègues ASV (lire notre article Auxiliaire vétérinaire : l'importance des soft skills lors de vos recherches d'emploi), mais d’autres sont propres à notre profession. Si l’on devait en retenir deux par catégorie, le top 12 des soft skills vétérinaires pourrait être : écoute active et communication orale, flexibilité et gestion des conflits, sens des responsabilités et prise de décision, autonomie et curiosité, gestion du stress et esprit critique.
Il est souvent difficile de faire son auto-analyse. Revenir sur ses expériences, interroger son entourage ou réaliser un bilan de compétences peut aider à identifier ses qualités, à les valoriser et à en développer d'autres. Dans une profession aussi exigeante physiquement que mentalement, développer ses soft skills est un levier essentiel pour préserver sa santé mentale.
De la théorie à la pratique
Que ce soit à l’écrit (CV, petites annonces) ou à l’oral (entretiens, stages), chaque étape du parcours professionnel est une occasion de valoriser ses soft skills. Côté employeur comme salarié, ces compétences humaines sont aussi cruciales que les compétences techniques. Un candidat souriant, ponctuel, capable de mettre en avant ce que ses expériences lui ont apporté humainement, attirera l’attention. Inversement, un employeur bienveillant, attentif au bien-être de ses équipes, qui fait preuve de leadership, d’enthousiasme et de créativité dans la gestion de sa structure saura se démarquer lorsqu’un candidat hésite entre plusieurs cliniques.
Mais la question des soft skills ne se limite pas à l’embauche. Une structure vétérinaire, c’est avant tout une équipe composée de vétérinaires, d’ASV, parfois de personnel non soignant, issus d’horizons divers. Chacun y joue un rôle essentiel et souvent implicite pour maintenir l’équilibre collectif : celui qui dynamise les événements d’équipe, celui qui apaise les tensions, ou celui qui propose toujours de nouvelles idées : une formation, un post sur les réseaux sociaux, une trousse de secours pour les vacances…
Savoir écouter ce « bruit de fond », ces signaux discrets de la vie d’équipe, est essentiel pour comprendre, valoriser… et fidéliser. Mettez à profit les entretiens annuels pour verbaliser vos réflexions avec les membres de l’équipe, les féliciter mais aussi écouter leurs éventuels besoins de formation dans ce domaine.
Personne n’a toutes les compétences, mais soft skills et compétences techniques se complètent. Les premières, souvent discrètes, se cultivent autant que les secondes. Pour exercer avec justesse et relever les défis à venir, il est essentiel de valoriser ses atouts humains, d’identifier ses axes de progrès et de s’engager dans un apprentissage continu. Les soft skills sont le socle invisible mais fondamental de notre pratique professionnelle.
Anne-Sophie Richard,
Vétérinaire
Ressources documentaires et bibliographiques
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[1] Todo skills. Résultats du baromètre des soft skills 2023, [En ligne]. Disponible sur : https://www.todoskills.com/resultats-du-barometre-des-soft-skills-2023/ [Consulté le : 14 juillet 2025].