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Vétérinaires et parents : faut-il montrer la réalité du métier à ses enfants ?

Crédit photo @ gpointstudio - Shutterstock.com
Grandir aux côtés d’un parent vétérinaire, c’est être exposé très tôt à une réalité singulière. Il n’échappe pas aux enfants que le vétérinaire n’est pas seulement celui qui guérit les animaux. Il incarne également la main qui les opère, le médecin qui se pose en témoin de leur souffrance, leur donne la mort parfois. Autant de situations délicates susceptibles d’occasionner de multiples questions, mais aussi d’attiser leur curiosité.

En tant que parent praticien, on fait face à un enjeu éducatif : dans quelle mesure peut-on exposer son enfant aux réalités brutes de son métier (maladie, sang, reproduction, mort…) ? Comment l’accompagner dans la découverte de ces étapes inhérentes à la vie tout en posant un cadre rassurant ? C’est ce que nous allons tenter d’explorer.

Grandir dans les coulisses du métier vétérinaire

Les enfants de vétérinaires sont, peut-être un peu plus tôt que les autres, exposés aux réalités du vivant. Même si l’on peut être tenté de cloisonner vie personnelle et vie professionnelle, le métier finit inévitablement par s’inviter à la maison. En effet, les enfants, qui sont naturellement curieux, demanderont vite à passer en coulisses et à découvrir l’environnement de travail de leurs parents. Les occasions ne manquent d’ailleurs pas : en cas de nounou malade ou de mouvement de grève à l’école, il n’est pas rare qu’ils transitent par le cabinet ou la clinique, le temps de trouver une solution de garde.

D’autres situations peuvent également se prêter aux interrogations : douces odeurs persistantes en rentrant après un vêlage compliqué, taches de sang sur les vêtements malgré nettoyage… Ces petits détails n’échappent pas aux enfants, qui ont le don de relever les situations un peu gênantes et de poser des questions pointues.

Ainsi, ces situations du quotidien sont l’occasion d’aborder les sujets délicats, voire de les y confronter directement. Faut-il pour autant tout dire et tout montrer ? Le métier expose à la maladie, à la souffrance animale, au deuil, à la vue du sang, à la reproduction… Autant de scènes que l’on peut rencontrer dans la nature, d’autant plus que l’on vit à la campagne. Ce qui change, c’est qu’elles sont, en quelque sorte, concentrées au même endroit et répétitives lorsqu’on pousse la porte d’une clinique vétérinaire. Mais que gagne, ou risque, l’enfant face à ces expositions répétées ?

Exposition au métier et développement de l’enfant : qu’en attendre ?

Montrer son métier et pouvoir en parler ouvertement à ses enfants peut être source d’une infinie richesse. Du fait de sa connexion directe au vivant, la profession vétérinaire permet d’aborder certains sujets généraux, comme le cycle de la vie, les besoins de certaines espèces ou le lien à la terre et à l’alimentation. C’est aussi une ouverture à la science et donc l’occasion d’attiser la curiosité des plus jeunes tout en développant leur esprit critique.

En laissant ses enfants observer la réalité brute du métier, on leur inculque un système de valeurs fortes : prendre soin, accompagner dans la maladie, être responsable des autres, écouter attentivement…

Le quotidien vétérinaire est également un terreau fertile pour le développement de l’empathie. À condition de poser un cadre sécurisant et explicatif, exposer ses enfants à la souffrance animale les aide à repérer la vulnérabilité chez les autres êtres vivants. L’enfant comprend que les animaux sont des êtres sensibles, avec des besoins spécifiques.

En adoptant la posture du médecin, on valorise le soin, l’accompagnement du patient et la prise en compte de sa douleur. Le dialogue et les discussions qui pourront en découler renforcent la capacité des enfants à décoder et à réguler les émotions. Il s’agit d’un modèle de comportement empathique fort, sur lequel ils peuvent prendre exemple.

Néanmoins, il s’agit de faire preuve de bon sens et de s’adapter à l’âge et à la sensibilité de chaque enfant. En cas d’exposition à des scènes nouvelles, il faudra être vigilant à l’apparition des changements du comportement chez son enfant : signes d’anxiété, troubles du sommeil, cauchemars ou jeux symboliques. Le risque, particulièrement chez les plus jeunes, est d’assister à une forme de confusion (entre « faire mal » et « soigner » par exemple) ou même de désensibilisation.

À ce jour, il n’existe aucune étude prouvant que les enfants des vétérinaires (ni même des médecins) seraient plus affectés que les autres dans leur développement et dans leur compréhension des réalités médicales. La prudence et la mesure restent donc de mise.

Le rôle central des parents vétérinaires : accompagner, protéger et expliquer

L’âge de l’enfant peut servir de repère aux parents qui choisiraient de montrer les coulisses de leur métier. Les explications sont également adaptées à leur niveau de compréhension et à leur sensibilité.

Avant 5 ou 6 ans par exemple, l’enfant ne saisit pas encore que la mort est irréversible. Ce concept devient plus clair pour lui entre 6 et 9 ans. Il peut également comprendre le principe de causalité. On pourra alors commencer à introduire les notions de vieillesse, de maladie… En employant des mots simples et en rassurant beaucoup.

Entre 9 et 12 ans, l’enfant est capable de plus de distance et commence à s’intéresser aux sciences. C’est à partir de cet âge que l’on peut commencer à montrer des actes médicaux simples, comme l’auscultation. À l’adolescence, après discussion et avec l’accord de l’enfant, il est envisageable de montrer progressivement le métier dans sa globalité, ce qui comprend les actes plus invasifs comme la chirurgie.

Quoi qu’il arrive, la posture de l’adulte est déterminante. Il s’agit de poser un cadre sécurisant et de s’adapter à l’enfant, en lui fournissant des explications simples, sans rentrer dans des détails qui n’auraient pas été demandés. Il est important de mettre les mots sur ce qui a été vu, tout en rassurant et en adoptant une vision positive  : « l’animal souffre mais nous allons le soulager », « l’opération va le soigner ». Ainsi, on valorise le soin et le respect de l’animal et de ses besoins.

Bien sûr, l’enfant a besoin que l’on reste à son écoute. Il n’est donc pas question de forcer, mais bien de l’accompagner et lui ouvrir délicatement la porte des scènes un peu brutes.


Finalement, il s’agit comme souvent d’une question d’équilibre. Exposer son enfant aux réalités du métier, c’est lui donner la chance de mieux comprendre le vivant, d’affiner son empathie et développer son sens des responsabilités. Mais encore faut-il savoir se mettre à sa hauteur, anticiper ses inquiétudes et le rassurer. C’est dans cette posture bienveillante que les moments les plus délicats se transforment en véritables occasions d’apprentissage.

 

Astrid de Boissière, 
Vétérinaire  

 

Ressources documentaires et bibliographiques : 

  • [1] Schonfeld DJ, Demaria T, Nasir A, Kumar S; Committee on psychosocial aspects of child and family health ; council on children and disasters. Supporting the Grieving Child and Family : Clinical Report. Pediatrics. 2024 Jul 1;154(1) [Consulté le : 21 août 2025] ;

  • [2] Geerdts MS, Van de Walle GA, LoBue V. Daily animal exposure and children's biological concepts. J Exp Child Psychol. 2015 Feb;130:132-46. [Consulté le : 21 août 2025].

 

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