Mais que peut-il bien se passer pendant toutes ces années ? À travers son parcours atypique, Valérie est le témoin privilégié de l’évolution du métier mais également de la société. Elle a vu la clinique qui l’a embauchée grandir et la relation entre l’humain et l’animal se transformer. Entre pointe de nostalgie et affection tendre et sincère pour les animaux, elle nous livre un témoignage précieux et inspirant.
Les débuts inattendus d’une vocation d’auxiliaire vétérinaire
Rien ne prédisposait particulièrement Valérie à revêtir la blouse d’auxiliaire vétérinaire. Avant-dernière d’une fratrie de six, elle grandit librement dans le Sud de la France. Elle côtoie régulièrement des animaux, sans envisager son avenir professionnel à leur contact. Peu épanouie à l’école, elle quitte le collège pour rejoindre une formation professionnalisante dès ses 15 ans. Très manuelle, Valérie s’imagine rejoindre une école de micromécanique mais son dossier est refusé, au seul motif de son appartenance au genre féminin !
Elle se dirige alors vers une école ménagère destinée aux jeunes filles, une formation qui pourrait s’apparenter à un lycée technique. Là-bas, elle s’initie aux tâches administratives, tout en apprenant à faire de la couture, de la cuisine ou bien du ménage… Il faut remettre cela dans le contexte de l’époque, à savoir la fin des années 70. Vestige du patriarcat, cette formation n’existe bien sûr plus aujourd’hui. Néanmoins, Valérie s’y plaît et ne tarde pas à se hisser tout en haut du classement.
À la fin de cet enseignement qui aura duré trois ans, elle est titulaire d’un CAP Employé Technique de Collectivité. Pendant un an, elle reste inscrite à l’ANPE, l’ancêtre de Pôle Emploi et France Travail. À l’époque, il fallait y pointer tous les quinze jours. C’est finalement le hasard qui mènera Valérie à pousser la porte d’une structure vétérinaire. On lui apprend au détour d’une conversation que le vétérinaire récemment installé dans le bas de la ville cherche une assistante. Alors, aussi simplement que cela, elle devient le bras droit du docteur vétérinaire B.
ASV dans les années 80 : médecine à l’ancienne et débrouillardise
Lorsque Valérie prend ses fonctions, nous sommes au début des années 1980. La médecine vétérinaire se développe mais ne connaît pas encore l’essor qui la porte aujourd’hui. On confie à Valérie des tâches diverses, du ménage à la contention des animaux, en passant par la gestion des stocks, l’accueil des clients et même la vaisselle, pour soulager le vétérinaire qui habitait alors sur place. Native de la ville où s’est installée la clinique, elle y croise régulièrement ses connaissances.
Qui dit années 80 dit médecine à l’ancienne : fiches clients sur papier bristol, films radiographiques à développer dans des bains, stérilisation des instruments de chirurgie directement sur le plateau avec de l’alcool à brûler… Les rares prises de sang étaient envoyées au laboratoire et analysées le lendemain, l’alimentation pour animaux domestiques était peu développée (des rations ménagères étaient couramment prescrites) et les médicaments étaient moins nombreux, principalement des injectables utilisés en consultation. Difficile à imaginer aujourd’hui alors que tout se fait maintenant sur place et rapidement.
Avec le temps, l’équipe change et s’agrandit : Valérie voit passer d’autres vétérinaires, la clinique déménage dans d’autres locaux, et d’autres ASV viennent compléter l’équipe. Valérie, elle, reste fidèle au poste !
Le métier d’ASV face au changement : s'adapter à un monde qui évolue très vite
Il n’est un secret pour personne que la place de l’animal de compagnie a changé ces dernières années, tout comme les attentes des propriétaires. En parallèle, la façon de travailler a évolué également : les années 2000 connaissent l’essor de l’informatique et l’apparition des logiciels de gestion. De plus en plus de tâches sont gérées depuis un ordinateur et ce qui était valable hier ne l’est plus forcément aujourd’hui. Nouvelles machines, mise à jour des systèmes informatiques, apparition des réseaux sociaux… Il n’est pas toujours évident pour Valérie de s’adapter à ce monde en mutation et à ses exigences.
Ce décalage la fragilise et en 2011, elle est arrêtée pour six semaines à la suite d’un burn-out. Elle qui n’avait jamais levé le pied à l’exception de ses congés maternité voit les signaux de son corps comme un message d’alerte. Les ASV aussi peuvent être touchés par l’épuisement professionnel : perfectionnisme, dévouement et forte conscience professionnelle sur un fond de surcharge de travail peuvent faire basculer les choses.
À sa reprise, Valérie repart de plus belle. C’est en toute fin de carrière qu’elle a préféré se consacrer à la partie du métier qui lui plaît le plus comme l’aide en chirurgie, le soin aux animaux hospitalisés, mais aussi toutes ces petites tâches invisibles qui améliorent la vie de la clinique : petites réparations, bricolage… Une façon pour elle d’utiliser ses compétences innées au service des autres et de donner du sens à son métier.
L’heure de la retraite approche maintenant pour Valérie, une étape bien méritée après toute une vie passée au service des clients et des animaux. Elle laissera un souvenir impérissable à la clinique qui l’a toujours connue et qui gardera en mémoire sa débrouillardise et sa grande gentillesse.
Propos recueillis par Astrid de Boissière,
Docteure vétérinaire