Fatigue chronique, douleurs persistantes, burn-out, accident du travail ou affection invalidante… Certaines situations de santé peuvent mener à une déclaration d’inaptitude professionnelle. Dans le secteur vétérinaire, les ASV sont régulièrement exposés à des contraintes physiques et psychologiques intenses. Lorsqu’un médecin du travail estime qu’un ASV ne peut plus exercer ses fonctions, même avec aménagement du poste de travail, une procédure d’inaptitude est déclenchée. Ce constat médical, qui fait suite à au moins un examen et à un dialogue tripartite entre le salarié, le médecin du travail et l’employeur, a des conséquences directes sur le contrat de travail. Mais attention : l’inaptitude ne signifie pas licenciement automatique ! L’employeur a l’obligation de chercher un reclassement adapté, dans les conditions définies par le Code du travail et la convention collective vétérinaire.
De son côté, le salarié peut accepter ou refuser les propositions de reclassement, ou en contester la pertinence. Il a aussi droit à des indemnités spécifiques en cas de licenciement.
Déclaration d’inaptitude : une décision médicale encadrée
L’inaptitude d’un ASV ne peut être prononcée que par le médecin du travail, à l’issue d’au moins un examen médical. Celui-ci peut intervenir après un arrêt de travail prolongé, un accident, une maladie professionnelle ou encore une visite de reprise. Le médecin peut également rendre un avis d’inaptitude lors d’une visite à la demande du salarié ou de l’employeur, si la situation le justifie.
L’inaptitude peut être totale (l’ASV ne peut plus exercer aucun poste dans l’entreprise) ou partielle (il peut exercer certaines fonctions à condition d’adaptations). Elle peut aussi être temporaire ou définitive. Le médecin du travail doit motiver sa décision dans son avis, en précisant si le salarié peut être reclassé et sous quelles conditions. Il doit également avoir échangé avec l’employeur sur les possibilités de reclassement et recueilli les observations du salarié.
Ce cadre légal est défini aux articles L.1226-2 à L.1226-4-3 du Code du travail. Il s’applique à tous les salariés, y compris les ASV, quelles que soient la taille et l’organisation de la structure vétérinaire.
Reclassement : une obligation avant toute rupture de contrat
Une fois l’inaptitude déclarée, le responsable de la structure ne peut pas licencier immédiatement. Il est d’abord tenu de rechercher une solution dite de « reclassement » : cela signifie proposer à l’ASV un aménagement de ses missions, adapté à ses capacités, en tenant compte des recommandations du médecin du travail.
Ce poste peut nécessiter un aménagement, un changement de missions (par exemple rester davantage à l’accueil plutôt qu’en soins) ou d’horaires. Il doit être proposé par écrit et faire l’objet d’une analyse individualisée. L’obligation de reclassement concerne aussi bien les postes en CDI qu’en CDD, à condition qu’ils soient compatibles avec l’état de santé du salarié. Lorsque l’entreprise compte au moins 11 salariés, le comité social et économique (CSE) doit être consulté sur les propositions de reclassement.
Si aucun aménagement n’est possible dans la structure ou si l’ASV refuse une proposition adaptée, l’employeur peut alors envisager un licenciement, mais il doit justifier l’impossibilité de reclassement. Ne pas respecter cette étape expose à des contentieux et à des indemnités supplémentaires à verser au salarié.
Prévenir l’inaptitude médicale en structure vétérinaire
Dans le secteur vétérinaire, les risques physiques (contention des animaux) et psychosociaux (stress, surcharge, tensions avec les clients) sont bien présents. Prévenir l’inaptitude, c’est d’abord miser sur la qualité de vie au travail : écoute, aménagements de poste, suivi médical régulier.
Les visites médicales obligatoires (embauche, périodiques, de reprise) sont des moments-clés pour repérer les situations à risque. L’employeur peut aussi solliciter une visite de pré-reprise en cas d’arrêt long, afin d’anticiper un éventuel reclassement ou aménagement.
Enfin, la communication au sein de l’équipe joue un rôle essentiel ! Informer les ASV sur leurs droits, faciliter le dialogue avec la direction et reconnaître les signes de fatigue ou de mal-être peuvent éviter bien des ruptures de contrat et préserver les compétences précieuses des équipes.
Licenciement pour inaptitude : dans quels cas est-il possible ?
Le licenciement pour inaptitude ne peut intervenir qu’en dernier recours, après avoir respecté les étapes précédentes : constat médical et recherche de reclassement.
Une fois ces obligations remplies, l’employeur peut notifier le licenciement, par lettre recommandée avec accusé de réception. La lettre doit mentionner précisément le motif d’inaptitude médicale, ainsi que les démarches de reclassement engagées.
Le salarié licencié pour inaptitude non professionnelle a droit à une indemnité légale de licenciement, équivalente à celle d’un licenciement classique. En revanche, si l’inaptitude est d’origine professionnelle (accident du travail ou maladie professionnelle), l’indemnité est au moins doublée. Dans tous les cas, le salarié a également droit à une indemnité compensatrice de congés payés.
Attention : un licenciement fondé uniquement sur l’inaptitude, sans recherche de reclassement préalable, est considéré comme abusif et peut être annulé par le conseil de prud’hommes.
Les droits du salarié inapte et ses recours
Être déclaré inapte ne signifie pas être sans recours. L’ASV a plusieurs droits à faire valoir, notamment celui de refuser une proposition de reclassement si elle est jugée inadaptée (ex. changement radical de planning et de missions, horaires non compatibles, dégradation des conditions de travail).
Il peut également contester l’avis d’inaptitude auprès du conseil de prud’hommes, dans un délai de 15 jours à compter de sa notification. La contestation doit porter sur les éléments médicaux ou sur le non-respect des procédures.
Pendant la période de recherche de reclassement, l’ASV n’est plus en arrêt de travail mais ne perçoit pas de salaire, sauf si l’inaptitude fait suite à un accident ou une maladie professionnelle. Dans ce cas, l’employeur doit verser une indemnité temporaire équivalente au dernier salaire, pendant un mois. Et si, à l’issue d’un mois, aucun reclassement ou licenciement n’a été notifié, l’employeur est tenu de reprendre le versement du salaire.
L’inaptitude médicale est donc encadrée par un cadre juridique clair, qui fait intervenir l’ASV, l’employeur et le médecin du travail. Certains recours sont possibles en cas de non-respect des différentes étapes, mais l’idéal reste de pouvoir en discuter afin de trouver un compromis, et surtout de prévenir les risques physiques et psycho-sociaux bien présents en structure vétérinaire.
Juliette Garnodier
Vétérinaire & rédactrice de contenu
Ressources documentaires et bibliographiques :
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Code du travail, articles L1226-2 à L1226-4-3. Disponible sur : https://www.legifrance.gouv.fr
- Convention collective nationale des cabinets et cliniques vétérinaires (IDCC 1875)