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Quel bail pour les locaux de votre clinique vétérinaire ?

Crédit photo @Михаил Решетников - stock.adobe.com
À quel bail votre activité vétérinaire peut-elle prétendre ? Bail commercial ou bail professionnel ? Dans quels cas ? Pour quelles raisons préférer l’un ou l’autre ? Avec quelles conséquences concrètes ? Ces questions sont fréquentes et les réponses à leur apporter ne doivent pas être négligées. Le contrat de bail est un outil juridique conçu pour protéger et sécuriser votre activité professionnelle pour les années (voire les décennies) à venir. On vous explique tout pour faire le bon choix de bail pour vos locaux d’activité.

Anamnèse et commémoratifs


Si vous n’êtes pas propriétaire de vos locaux, et sauf à ce que le confinement vous ait donné une irrépressible envie de faire toutes vos consultations en plein air, il va bien falloir en louer pour exercer votre activité. Cela peut paraître compliqué mais rassurez-vous, la loi, une fois n’est pas coutume, n’est pas si mal faite que ça pour vous.

Alors pourquoi un contrat particulier pour ces locaux ? Tout simplement parce que le législateur considère, à raison, qu’on ne loue pas des locaux dans lesquels on exerce son activité économique comme on louerait un utilitaire un week-end pour déménager. Votre activité de praticien vétérinaire reste avant tout une activité économique, qui crée de la richesse, de l’emploi, qui fait rentrer de l’impôt et des cotisations dans les caisses de l’État etc. Le législateur a donc tout intérêt ce que votre activité se maintienne et se développe plutôt qu’elle soit mise en péril par un propriétaire en quête d’un loyer un peu supérieur à l’actuel.

Les locataires sont ainsi considérés comme la partie à protéger et c’est pour cette raison que ces locations sont encadrées par deux contrats dits « spéciaux » : le « bail professionnel » et le « bail commercial ».


Bail commercial et bail professionnel : diagnostic différentiel


Le bail commercial a été conçu pour protéger le fonds de commerce du commerçant en lui garantissant notamment le droit au renouvellement de son bail lorsqu’il touche à sa fin. Bien que les vétérinaires ne soient pas commerçants, nous verrons qu’ils peuvent tout de même y prétendre. Il est donc très « fermé » (au sens de « cadré ») mais par conséquent très protecteur pour le locataire. Il a été créé parce qu’un élément essentiel à protéger est l’emplacement du commerce et la clientèle qui y est attachée. Le Code de commerce [1] impose donc logiquement au propriétaire bailleur de renouveler le bail commercial à son locataire à la fin du premier bail. S’il ne souhaite pas effectuer ce renouvellement, il doit indemniser son locataire à hauteur de son préjudice. Cette « indemnité d’éviction », fixée par un expert auprès des Tribunaux, est souvent si élevée qu’elle amène dans les faits assez régulièrement le propriétaire bailleur à finalement renoncer au départ de son locataire [2].

Le bail professionnel est, quant à lui, plus souple mais par conséquent moins protecteur en comparaison du bail commercial. Il concerne les activités qui ne sont ni commerciales, ni agricoles, ni industrielles. C’est le bail essentiellement conçu pour les locaux des professions libérales réglementées dont les vétérinaires font partie. Pourquoi un bail différent du bail commercial pour ces professions ? Car elles sont considérées comme ayant une clientèle plus spécifique et moins attachée à l’emplacement du local. On comprend aisément que le café et la boulangerie situés en face de la Gare ou sur la principale place du marché captent une importante clientèle du simple fait de l’emplacement et de leur vitrine. On comprend aussi aisément à l’inverse que le client qui se rend chez son médecin, son vétérinaire ou son expert-comptable a déjà en amont une bonne raison de s’y rendre et hésitera probablement moins à suivre son professionnel si les locaux de ce dernier se déplacent de quelques rues.
Cependant, si comme on l’a vu, le bail professionnel est le bail des professions libérales et le bail commercial est celui des commerçants, rien ne vous empêche « d’opter » pour la protection supérieure du bail commercial en fonction des effets recherchés et à la condition bien sûr que votre bailleur soit d’accord.


Traitement et effets secondaires


Les deux baux ont le même effet principal : fournir un cadre juridique protecteur du locataire pour les locaux dans lesquels il exerce son activité professionnelle. Alors pourquoi choisir un bail commercial plutôt qu’un bail professionnel ou l’inverse ? Parce que le cadre juridique et donc les « effets secondaires » sont différents. Votre choix devra alors dépendre de votre projet et de votre situation. En fonction des caractéristiques de chacun des baux, exposées dans le tableau ci-dessous, vous choisirez celui qui vous convient le mieux. Par exemple, un projet abouti et éprouvé (une clinique déjà existante et rentable) dont l’emplacement géographique est très important préférera un bail commercial pour son engagement dans le temps (bail 3-6-9 ans) et son droit au renouvellement. À l’inverse, le bail professionnel se prêtera mieux à un premier essai d’ouverture de cabinet vétérinaire pour « tester » une clientèle (bail résiliable à tout moment par le locataire).

Voici le tableau (non exhaustif) regroupant les principales caractéristiques et différences entre ces deux baux :

 

De l’importance de bien rédiger son bail commercial


Comme on l’a vu, le bail professionnel est fait par défaut pour les vétérinaires mais vous pouvez « opter » pour le bail commercial (par défaut celui des commerçants) afin de bénéficier de son régime plus protecteur, si votre bailleur est d’accord [4]. Deux conditions sont alors nécessaires pour que vous bénéficiez de l’option « bail commercial » :

  • L'absence d’un régime obligatoire plus protecteur pour la partie faible (le locataire), ce qui est le cas ici pour vous puisque le régime du bail professionnel est moins protecteur que celui du bail commercial.
  • La rédaction d’une clause précise stipulant que « les parties s’engagent à soumettre le présent bail au régime du bail commercial en application du décret du 30 septembre 1953 même si les conditions objectives d'application de ce régime ne sont pas remplies » [5].

C’est parce qu’il s’agit d’une option, dont vous ne bénéficiez pas « par défaut » (puisque vous n’êtes pas commerçant) qu’il est impératif de bien rédiger votre bail. À ce titre, de la même manière que vous dites à vos clients de ne pas taper les symptômes de leur animal dans la barre de recherche Google, le meilleur conseil qu’un juriste puisse vous donner est de ne pas utiliser de modèle gratuit sur internet.

À noter : si votre bail commercial ne contient pas de clause aussi claire mais s’il contient suffisamment d’indices démontrant que vous souhaitiez bien bénéficier du régime « bail commercial », le juge pourra tout de même vous en accorder la protection (mais cela reste quelque chose qui n’est pas accordé facilement) [6]. Par exemple, le seul fait d’écrire « bail commercial » en haut du contrat, ou la seule référence à certains articles du décret du 30 septembre 1953 ne sont pas suffisants pour obtenir du juge la protection du bail commercial [7].
 

Les baux sont du Droit, demandez conseil à un juriste


Demanderiez-vous à un confrère vétérinaire de vous opérer du cœur ? Moi non plus… Feriez-vous appel à un chirurgien cardiaque ? Moi oui. Le Droit en général (et particulièrement le droit du bail commercial) est une matière dense, complexe et mouvante, et qui regorge d’exceptions, de conséquences comptables ou fiscales. Par exemple, si personne (ni bailleur, ni locataire) ne se manifeste à l’issue des 9 ans du bail commercial, le bail est automatiquement prolongé. On parle de « tacite prolongation », (différente de la « tacite reconduction » du bail professionnel qui implique un réengagement sur 6 ans), c’est-à-dire qu’on ne repart pas sur un 3-6-9. S’ouvre alors un cortège de complexités sur les délais de préavis à respecter pour annoncer son départ dans les temps. Il s’agit là de la source de contentieux la plus fréquente et la plus couteuse en la matière…

Autre point important à noter : la loi ne fixe pas tout et beaucoup d’enjeux financiers dépendent des petites lignes du bail : répartition des charges (ravalement de la façade des locaux, entretien des parties communes etc.), répartition des taxes (taxe foncière, taxe d’ordure ménagère) etc. Un bail bien négocié et correctement rédigé peut vous faire économiser des sommes importantes. À ce titre, les honoraires de votre conseil s’avèreront être un très bon investissement.
 


Pour conclure et surtout pour vous assurer une protection juridique efficace de vos locaux d’activité, analysez votre projet pour définir celui qui convient le mieux. Ensuite, entourez-vous de professionnels pour bien le négocier, correctement le rédiger, le gérer sans erreur tout au long de sa vie, et vous en défaire au meilleur moment et à moindre frais.

 

Gautier Slove,

Juriste spécialisé en immobilier d'exploitation

 

Ressources documentaires et bibliographiques

[1] Articles L145-8 à L145-12 du Code Commerce. Disponible en ligne sur : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc [Consulté le 3 novembre 2022] ;
[2] Décret n°53-960 du 30 septembre 1953 réglant les rapports entre bailleurs et locataires en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyer d'immeubles ou de locaux à usage commercial, industriel ou artisanal. Disponible en ligne sur : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000675530 [Consulté le 3 novembre 2022] ;
[3] La loi PINEL du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises impose que les grosses réparations édictées à l’article 606 du Code civil soient à la charge du bailleur. Cela est valable pour tous les baux ou renouvellement de baux postérieurs à cette date ;
[4] Cf. ces décisions de justice anciennes : Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile en date du 6 juillet 1982 (Bull. civ. III, no 167) ; ou encore Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile en date du 20 mars 1984 (ibid. III, no 71) ;
[5] Cf. Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile en date du 4 mars 1987 (Bull. civ. III, no 38) ; ou Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile en date du 20 juin 1990 (ibid. III, no 152) ;
[6] Pour vérifier si les clauses de votre bail peuvent le faire qualifier de bail commercial : Dalloz, Répertoire de droit immobilier 2022 ; section Bail commercial, par Marie-Pierre DUMONT-LEFRAND ;
[7]. (Civ. 3e, 18 janv. 2005, Rev. loyers 2005. 201).

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