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Parcours de vétérinaires aidant.e.s- Episode 3 : Partager la charge de l’aidance

Crédit photo @ fivan - stock.adobe.com
Dimanche 6 octobre dernier se tenait la journée nationale de l’aidance. Deux jours après, France Télévision diffusait en prime time un film suivi d'une émission débat sur le thème :  Aidants, il est temps de les aider  [1]. Les pouvoirs publics ne s’y sont pas trompés, le sujet est d’importance. Souvent perçu·e·s comme des wonder wo·men infaillibles, les aidant·e·s sont pourtant exposé·e·s à une lourde charge - émotionnelle, financière, physique - aux répercussions insidieuses. Parfois isolé·e·s, souvent surmené·e·s, nombreux sont ceux et celles qui s’oublient, perdant de vue l’idée qu’eux·elles aussi peuvent avoir besoin d’être accompagné·e·s.  

Pour ce dernier volet, nous avons redonné la parole à Amélie Kpadé et Maureen Dumoulin, vétérinaires et aidantes au quotidien. Elles nous ont livré un versant plus intime de leur parcours, revenant sur la manière dont ce rôle les a ébranlées. Car si leurs histoires sont différentes, la trace, elle, est indélébile.  

Une charge à risque(s)   

Les aidants sont tels des icebergs. Il y a ce que la société perçoit d’eux, leur vie émergée, à mille à l’heure. Puis, sous l’épaisse couche de glace, endurcie par le temps, subsiste tout ce qu’ils ou elles taisent : la fatigue, l’angoisse, l’abandon de soi, le poids que ce rôle représente mais qu’ils acceptent, par devoir.  

De nombreuses études épidémiologiques attestent ainsi des conséquences délétères que peut engendrer l’aidance sur la santé physique et psychique des personnes concernées. Face à l’exigence qu’impose l’accompagnement d’un proche malade, handicapé ou en perte d’autonomie, les aidants voient leur vie considérablement chamboulée. Peu de temps libre, moins de loisirs, quant aux vacances...  Vous rencontrez des gens résolus à prendre soin d'eux mais qui, au dernier moment, renoncent à leurs congés parce qu'ils ne veulent pas laisser leur proche seul ou parce qu'ils se disent que leur propre état d'épuisement n'est rien comparé à ce que leur proche endure  témoigne la Dre Hélène Rossinot, médecin spécialiste de santé publique [2]. Le poids émotionnel, conséquent, s’alourdit alors du sceau de la culpabilité.  

D’après une enquête menée en 2018 auprès d’un échantillon représentatif de la population française, 38% des aidants interrogés déclaraient ainsi présenter un état de stress et d’anxiété durable, 32% une altération de la qualité de leur sommeil et 30% des douleurs physiques fréquentes. Plus problématique encore, 31% admettaient avoir délaissé leur santé par manque de disponibilité, les exposant à certaines maladies plus sérieuses [3].  

Un statut d’aidant, des situations d’aidance 

Outre ce constat, la charge “ ressentie ” est toutefois un déterminant majeur à considérer. Les caractéristiques des situations d’aidance varient et peuvent en effet être appréhendées différemment. Malgré la fatigue, le manque de temps libre, Amélie et sa famille ont su trouver l’équilibre qui leur convient. Avec le recul, elle mesure ce que ce statut lui a apporté :  Avec l’autisme de Quentin est partie la pression de la performance que je ressentais vis à vis du métier, de la société. Je me suis rendu compte que je ne pouvais pas être à la fois une mère et une femme parfaites, une entrepreneuse ambitieuse, une vétérinaire infaillible. Je m’autorise à être plus moi-même. Ma vie aurait-elle été plus simple ? Certainement. Plus belle ? Je ne suis pas sûre ”.  

Durant trois ans, Maureen a placé Fabien au cœur de ses priorités. Face à la maladie, omniprésente, elle se souvient de l’anxiété, de la tristesse, de la culpabilité ressenties. Quatre ans après son décès, elle confesse :  Je me suis oubliée durant cette période, c’est vrai. Les quelques fois où j’ai essayé de prendre du temps pour moi, ça a été compliqué pour Fabien. Or, c’était lui qui importait” . A posteriori, elle constate aussi à quel point cette épreuve l’a changée, par la force des choses. Un cheminement qu’elle a initié en temps voulu, non sans y avoir été aidée.  

Savoir se faire accompagner 

 Il faut vous faire aider, ne prenez pas la charge toute seule, m’a dit un médecin  se rappelle Maureen. Des mots qui sonnent comme un leitmotiv pour ceux et celles qui soutiennent, d’une manière ou d’une autre, les 11 millions d’aidants que la France réunit.  Il est capital de leur donner de la visibilité, de continuer à développer des structures, des aides pour les accompagner et prévenir leur épuisement, leur isolement  insiste Morgane Hiron, déléguée du collectif Je t’Aide et intervenante sur l’émission de France Télévision du 8 octobre dernier.  

Des dispositifs de plus en plus nombreux dont beaucoup d’aidants n’ont toutefois pas connaissance, faute d’informations mises à leur disposition. C’est ce que révèle le baromètre Aidant.e.s 2024 publié par le collectif Je t’Aide, en lien avec l’institut de sondage BVA4. Si les structures associatives semblent relativement bien connues, ce n’est pas le cas des plateformes de répit, pourtant à même d’offrir divers services, du relai informatif et administratif à des formations ciblées. Un manquement que compte enrayer le gouvernement grâce à son plan de “ stratégie de mobilisation et de soutien pour les aidants 2023-2027 ", présenté il y a de ça une année. 

Au-delà du soutien indéfectible de leurs proches, Amélie et Maureen ont cheminé seules, à défaut d’avoir été orientées au bon moment ou d’en avoir ressenti le besoin. Pour ne pas faire de sa situation un tabou, Amélie a choisi de parler. Ses collègues, ses clients, tous sont au courant  " Ça m’a beaucoup aidé. Quand je dois m’absenter quelle que soit la contrainte, les gens sont plus conciliants, compréhensifs, flexibles. Je me sens beaucoup plus proche d'eux ”. 

Pour Maureen, le besoin d’être épaulée s’est fait sentir tardivement, bien après le décès de Fabien.  J’avais décidé que mon deuil durerait un an. À l’issue de ce cycle, ça a été très compliqué. J’ai mis beaucoup de mouchoirs sur ma tristesse et je me suis confrontée à une vraie remise en question, tant personnelle que professionnelle ”. Maureen rencontre alors Coline Musel, vétérinaire et coache en accompagnement des femmes vétérinaires. Un travail “ salutaire ” qui lui a offert des “prises de conscience incroyables” et permis de s’écouter réellement, in fine.  


Ainsi se termine cette trilogie d’articles. Merci à Amélie et Maureen d’avoir accepté de témoigner, se faisant la voix de ceux et celles qui partagent ce statut, dans toute la variété de situations que l’aidance revêt. Malgré un parcours différent, toutes deux mesurent l’enrichissement que ce rôle d’aidantes leur a apporté, “ un supplément d’humanité ” qu’elles continuent d’insuffler à leur famille, leurs ami·e·s, leur patientèle. Les aidant·e·s nous entourent, n’oublions pas d’être à leur écoute. Personne n’est à l’abri de le devenir un jour, par le fruit de la destinée.    

 

Propos recueillis et mis en forme par Amandine Violé 
Vétérinaire

 

Ressources documentaires et bibliographiques : 

[1] Le Point, article publié le 06/10/2023 à l’occasion de la journée des aidants [En ligne], disponible sur : https://www.lepoint.fr/sante/les-aidants-doivent-s-autoriser-a-prendre-soin-d-eux-06-10-2023-2538247_40.php 

[2] Enquête menée par l’institut BVA pour la Fondation April en 2018, [En ligne], disponible sur : https://www.bva-xsight.com/wp content/uploads/2018/10/Infographie_FondationAPRIL_BVA.pdf 

[3] Baromètre Aidant.e.s 2024, [En ligne], disponible sur : https://associationjetaide.org/2024/09/24/sortie-du-barometre-aidant%c2%b7es-2024-du-collectif-je-taide/ 

 

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