ASV : enceinte et en poste, comment gérer ?

Un test puis une prise de sang l'ont confirmé ! Bébé est en route ! Quelle belle nouvelle ! Après l'excitation, les questions affluent et elles sont nombreuses... Allaitement ou biberon ? Quelle décoration pour la chambre ? Quel prénom ? Et puis d'un coup, on se demande comment va se passer la gestion de cette grossesse au travail. Faut-il l'annoncer tout de suite ou attendre ? Comment faire une contention avec un ventre tout rond ? Et comment faire avec les produits à risque ?
Lorsqu'on attend un enfant, il est normal de se poser des questions sur sa sécurité au travail notamment en tant qu’auxiliaire vétérinaire. Toutes les futures mamans souhaitent avoir une grossesse paisible et pour cela, il est essentiel de s'informer sur les risques présents dans l'environnement professionnel.
Certes la présence d'une ASV enceinte au sein d'une équipe nécessite quelques adaptations au niveau de l'organisation et la répartition des tâches mais cela est essentiel pour la préserver d’éventuelles complications ou désagréments liés au travail.
Entre formalités et petites astuces pour améliorer son confort, on peut vite se sentir un peu perdue.
Voici quelques pistes afin de vous aider à vivre cette grossesse sereine et épanouie au travail !

Que dit la loi ?

Concernant l'annonce de la grossesse, la loi ne fixe aucune règle. Libre à vous de l'annoncer tout de suite ou d'attendre un peu. La seule règle à suivre est de prévenir votre employeur avant de partir en congé maternité (bien qu'il y ait de forte chance qu'il ou elle le remarque avant...).

L'annonce à l'employeur peut être redoutée. En effet, bien que la plupart d’entre eux se réjouissent pour leur ASV, une telle situation leur demande des adaptations. Il va falloir anticiper l'absence lors du congé maternité et/ou parental, ainsi il est préférable de ne pas annoncer sa grossesse au dernier moment. Cependant, le premier trimestre pouvant être délicat, rien ne vous oblige à en parler de façon précoce.

La législation prévoit une autorisation d'absence afin d'assister aux rendez-vous obligatoires cités dans l'article L. 21-22-1 du code de la santé publique. Ces absences n’entraîneront pas de perte de salaire et ne seront pas décomptées du temps de travail [1].

Pour les ASV en poste de nuit, une possibilité de passage à un poste de jour peut être prévue sur avis médical. Le Code du travail regroupe toute la législation sur la grossesse au travail. Il est utile de le consulter afin de s'informer sur ses droits et sur les démarches à effectuer.

Afin de prendre toutes les précautions et de s'informer au mieux sur tous les risques, le site de l'INRS est vraiment détaillé et permettra aux femmes enceintes de vivre leur grossesse en clinique vétérinaire de façon plus sereine. Le site du CRAT est également utile pour tout savoir sur les spécialités médicamenteuses. Le médecin du travail est également un bon interlocuteur pour toute future maman en milieu professionnel.

ASV, un métier qui peut être sportif !

Les efforts physiques liés aux tâches des ASV peuvent être problématiques lorsqu'on est enceinte. En effet, les ASV sont souvent amenées à porter des charges lourdes (animaux, sacs d'alimentation ou matériel). Les douleurs de dos sont fréquentes pendant la grossesse alors il est indispensable de veiller à prendre soin de celui-ci au maximum. Bien sûr, cela ne veut pas dire ne plus bouger et rester assise, au contraire, le mouvement aide souvent, mais il vaut mieux laisser sa place lorsqu'il s'agit de ranger une cargaison de sacs de croquettes de 20kg chacun. Un diable peut être utile au déplacement des grosses charges. Les ceintures de grossesse peuvent aider à soulager les douleurs lombaires des ASV qui restent toute la journée debout.

Autre aspect important du rôle d'ASV : la contention. En effet, même si pour la plupart ce métier est passionnant grâce à la proximité avec les animaux, eux n'apprécient généralement pas de venir en clinique. Certains actes peuvent nécessiter une contention ferme. Certains griffent, mordent, se débattent... Rien de bien engageant, encore plus avec un gros ventre encombrant ! Alors si possible, l'ASV enceinte passe son tour pour éviter une blessure ou un effort physique trop important. Si celle-ci travaille seule, il faut discuter avec le vétérinaire d'éventuels protocoles de contention chimique qui permettront de mettre tout le monde en sécurité.

Les risques chimiques et radiographiques

La structure vétérinaire doit également s'assurer que la radiographie ou toute autre source de radiations ionisantes n’entraîne pas un risque pour l'ASV enceinte. Ainsi, un contrôle strict de la dosimétrie est nécessaire afin de vérifier qu'elle n'y est pas exposée.

La contention des animaux lors des examens radiographiques est proscrite pour les femmes enceintes, aussi bien ASV que vétérinaire [2].

Voilà pourquoi certaines doivent parler de leur état précocement. Il faut également être vigilant lorsqu'il y a un risque de grossesse mais que celle-ci n'est pas encore confirmée. Dans ces cas-là, il faut se faire remplacer pour ce type d'examen. Il est encore une fois compréhensible de ne pas annoncer une grossesse toute récente à toute l'équipe mais peut être est-il possible d'en parler à une collègue de confiance qui pourra vous relayer.

Les produits dangereux sont particulièrement présents en clinique vétérinaire. Des précautions sont à prendre lors de leur utilisation surtout pendant la grossesse.

Les produits d'hygiène contiennent de nombreux composants qui peuvent être irritants et nocifs. Il est important lorsqu'on est enceinte de vérifier l'étiquette du produit afin de vérifier si sa manipulation n’entraîne pas de risque pour le fœtus ou la mère.

Les antiseptiques à base d'iode, par exemple, ne doivent pas être manipulés de façon répétée par une ASV enceinte. Ces produits sont pourtant fréquemment utilisés pour l’asepsie lors des interventions chirurgicales et leur remplacement par des formules à base de chlorhexidine est vivement conseillée en ces circonstances.

La manipulation des flacons et des seringues ayant contenu des produits anesthésiants doit être réalisée avec prudence. Il en est de même pour les produits abortifs.

Attention également lors de soins aux animaux sous traitement hormonal (ex : chats traités pour l'hyperthyroïdie), des gants seront alors obligatoires lors de leur manipulation et pour l'administration des médicaments.

De plus, de nombreuses cliniques sont désormais équipées en anesthésie gazeuse fonctionnant avec de l'isoflurane. Le remplissage des cuves ne doit pas être réalisé par une ASV enceinte. En effet, les vapeurs sont néfastes pour le futur bébé. Lors d'une assistance chirurgicale, il est nécessaire de s'assurer du bon fonctionnement du circuit et de veiller à l'absence de fuites. La ventilation de l'espace de chirurgie et l'intubation des animaux est également primordiale [2].

Afin d'assurer encore plus de sécurité lors de l'utilisation d'anesthésiques volatils un masque à filtres est un bon moyen de protection supplémentaire lorsqu'il n'est pas possible de faire autrement. Le mieux étant tout de même de limiter l'accès du bloc chirurgical afin de ne prendre aucun risque.

Et enfin, on veillera à ce que l'ASV ne soit pas exposée à des produits anti-cancéreux et ne s'occupe pas des animaux sous chimiothérapie [3].

Et le risque infectieux alors ?

La proximité avec les animaux entraîne inévitablement un risque de zoonose accru lorsqu'on exerce en clinique vétérinaire. La prudence doit donc être de mise lorsqu'on est enceinte.

LA grande crainte : la toxoplasmose !

C'est la première zoonose à laquelle on pense lorsqu'on attend un enfant et à juste titre, les risques sont bien réels : avortements, naissance prématurée, troubles neurologiques chez le fœtus...

Il est primordial de vérifier le statut sérologique d'une future maman travaillant en clinique vétérinaire.

La toxoplasmose est une parasitose due à Toxoplasma gondii. Ce dernier peut contaminer l'humain de plusieurs façons.

Tout d'abord par voie orale : le chat excrète des oocytes dans ses selles qui deviennent contaminants après 24h dans le milieu extérieur. Ils peuvent donc contaminer les aliments, l'eau ou les mains qui entrent en contact avec des déjections puis seront ingérés.
Ensuite, lors de l'ingestion de viande contaminée crue ou mal cuite. En effet, la viande d'ovins, porcins et même bovins peut contenir des bradyzoïtes. Cette forme du parasite s'enkyste dans les muscles de ces hôtes et sont ensuite consommés par l'humain.
Et enfin, les tachyzoïtes peuvent contaminer le fœtus en passant la barrière placentaire [4].

Les cliniques vétérinaires font partie des professions à risque pour la toxoplasmose, le contact avec les déjections de chats étant fréquent lors des soins.

Si une ASV enceinte est séronégative à la toxoplasmose, elle doit éviter au maximum le nettoyage des litières. Le port de gants jetables est vivement recommandé mais l'idéal est tout de même de laisser une collègue qui n'est pas à risque s'en charger. De plus, les litières doivent être nettoyées le plus rapidement possible après l’émission de selles, évitant ainsi de laisser à d'éventuels oocytes le temps de maturer dans le milieu extérieur.

Il est également important de se laver les mains fréquemment et le port des gants est fortement recommandé lors des soins sur les chats [2]. Une tenue spécifique lors du contact avec les animaux est également un bon moyen d'éviter de transporter le parasite sur soi.

Même si le risque reste faible, la contamination en milieu vétérinaire ne doit pas être écartée. En cas de séronégativité, la femme enceinte sera surveillée mensuellement. Cette surveillance ainsi que des mesures d’hygiène et une bonne information de la population ont permis de faire chuter drastiquement les contaminations.

Pour les femmes travaillant avec les NAC, les manipulations avec des gants sont indispensables. En effet, les rongeurs, oiseaux et reptiles sont à risques de transmettre des zoonoses qui peuvent être graves pour la maman ou le fœtus.

De façon générale, on évitera de confier à une ASV enceinte une contention qui peut devenir sportive afin d'éviter toute morsure ou griffure qui pourrait ensuite s'infecter [5]. Mieux vaut prévenir tout accident et se contenter de papouiller les gentils petits patients qui viennent chercher une friandise au comptoir et ne pas s'approcher des fauves pour un temps.

Que ce soit un premier enfant ou que la fratrie s'agrandisse, chaque grossesse est unique et pleine de moments précieux qu'il faut prendre le temps de savourer. Elle chamboule le corps, mais aussi l'esprit et dans une moindre mesure elle peut aussi légèrement bousculer l'organisation d'une équipe d'ASV.

Il est essentiel, une fois l'annonce faite, de se réunir en équipe afin de discuter ensemble des moyens qui doivent être mis en place. Cela peut bousculer un peu les protocoles ou modifier la répartition des tâches mais c'est important afin de préserver la santé de la maman et du bébé.

Alors, mesdames, soyez informées afin de vivre l'attente de votre tout petit en étant détendue et épanouie !

Charlotte Vigreux,
Auxiliaire Spécialisée Vétérinaire

Ressources documentaires et bibliographiques :

[1] Code du travail. [En ligne] Disponible sur : https://code.travail.gouv.fr/themes/femme-enceinte-maternite [Consulté le 9 janvier 2023] ;

[2] ROUSSEL C., BARRET G. Conditions de travail et risques professionnels dans les cliniques vétérinaires, 2003, [En ligne] Disponible sur : https://www.inrs.fr/media.html?refINRS=TF%20123 [Consulté le 9 janvier 2023] ;

[3] BENOIT J., PONCE F., FALCY M., ET KECK G. Anti-cancéreux en médecine vétérinaire. Risques liés à leur utilisation et prévention, 2008, [En ligne] Disponible sur : https://www.inrs.fr/media.html?refINRS=TF%20173 [Consulté le 9 janvier 2023] ;

[4] Fiche INRS « Zoonoses ». [En ligne] Disponible sur : https://www.inrs.fr/risques/zoonoses/prevention.html [Consulté le 9 janvier 2023].