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Concilier allaitement maternel et travail en structure vétérinaire : c'est possible !

Crédit photo © Yama's pictures
Dès la découverte de votre grossesse (et parfois, même bien avant), les questions en tout genre se bousculent dans votre esprit. L’une d’elles est inévitable, d’autant plus que, si vous n’y songez pas vous-même, vos proches, vos médecins et même certaines personnes, pourtant pas si proches de vous, ne manqueront pas de vous la poser : désirez-vous allaiter votre bébé ? Et si, comme 70% des mères [1], vous initiez cet allaitement au sein dès la naissance de votre progéniture, combien de temps aimeriez-vous pouvoir continuer ? Alors que l’OMS recommande un allaitement exclusif au lait maternel jusqu’aux 6 mois de l’enfant, comment, en pratique, sera-t-il envisageable de tenir jusque-là, sachant que votre congé maternité, lui, s’arrête généralement 10 semaines seulement après la naissance ? On vous propose un tour d’horizon de ce qu’il faut savoir en matière d’allaitement et de reprise du travail.

Pourquoi allaiter et jusqu’à quand ?

Avant d’aller plus loin, n’oublions pas que le fait d’allaiter, ou pas, son enfant est bel et bien un choix. Votre choix, un choix personnel, à prendre tout au plus avec votre partenaire et vos médecins. Chacune fait comme elle veut, et parfois, ce qui n’est d’ailleurs pas toujours facile à encaisser, comme elle peut. La meilleure solution, pour vous et votre enfant, étant toujours la vôtre, celle qui vous convient et que vous pouvez assumer, tant physiquement que psychologiquement.

Et si, comme nous l’avons déjà évoqué, 70% des mères mettent en route un allaitement maternel à la maternité, la médiane de la durée totale de l’allaitement prédominant n’est que de 7 semaines [1] ! Il n’existe pas de données à ce sujet (ou alors elles sont bien cachées) mais, serait-il possible que nous, vétérinaires et ASV, soyons plus enclins à désirer allaiter et à prolonger cet allaitement le plus longtemps possible ? Notre formation, puis notre éventuel quotidien de praticien, nous poussent-ils dans cette direction ? Nous savons quelle est l’importance du lait maternel pour les chiots, chatons et autres poulains qui jalonnent notre parcours professionnel, mais qu’en est-il de notre lait à nous ? Quels sont les bénéfices potentiels de ces 6 mois d’allaitement maternel exclusif, prônés par l’OMS, et, relayés en France, par le Programme National Nutrition Santé (PNNS) [2].

De nombreuses études ont largement prouvé les effets positifs du lait maternel sur la santé du bébé : protection contre les infections, les allergies, contre l’obésité, le diabète, etc. D’autres études ont, quant à elles, révélé les bienfaits sur le développement psychoaffectif de l’enfant [2]. Mais au-delà des effets sur le bénéficiaire de l’allaitement, il est à noter un véritable intérêt pour la mère. L’allaitement favorise notamment la perte de poids postpartum, mais, en dehors de toute considération purement médicale, la poursuite de l’allaitement après une éventuelle reprise du travail, permettrait aux mères de mieux vivre cette séparation précoce d’avec leur enfant [3]. Et si nous poussons la réflexion encore plus loin : qui dit enfants moins malades et mères plus sereines, dit moins d’absentéisme de la mère et donc employeur qui y gagne ! A bien y réfléchir, la poursuite d’un éventuel allaitement, au-delà de la reprise de l’activité professionnelle, apporte donc des bénéfices à toutes les parties : enfants, mamans et employeurs !

Alors pourquoi la reprise du travail est-elle toujours vécue comme la plus grosse contrainte liée à l’allaitement (avant les douleurs et autres crevasses), et la principale cause d’arrêt précoce de celui-ci [3,4] ? Sûrement, parce que la mise en place, l’organisation pratique de la chose, semble complexe. Ajouter à ça, la crainte du regard des autres, la pression sociétale qui veut que l’on sépare notre vie professionnelle de notre vie privée, et tout est réuni pour faire douter les plus motivées d’entre vous. La bonne nouvelle, c’est que les choses bougent. Au sein des structures vétérinaires, comme dans toutes autres entreprises, il devient plus facile de faire valoir ses droits et de trouver des solutions qui vous permettront, si vous le souhaitez, de prolonger votre allaitement.

Comment faire, en pratique, pour prolonger l’allaitement maternel, au-delà du congé maternité ?

Comme évoqué dans l’épisode 3, sur le retour au travail, de notre trilogie sur la maternité en clinique vétérinaire, rien ne vous oblige à reprendre votre activité professionnelle à 100% dès la fin de votre congé maternité. De plus, quel que soit votre choix, si vous reprenez votre activité en tout ou en partie, vous avez la possibilité de bénéficier, jusqu’au premier anniversaire de votre enfant, de votre « heure d’allaitement », c’est-à-dire de 2 périodes de 30 minutes chacune, une le matin et l’autre l’après-midi, vous permettant d’allaiter votre enfant, ou, le cas échéant, de tirer votre lait. Évidemment la pause déjeuner vient compléter ces 2 temps particuliers.

Plusieurs possibilités s’offrent alors à vous. Si vous avez la chance que le lieu de garde de votre enfant soit suffisamment proche de la clinique (voire dans la clinique), vous pouvez vous rendre sur place pour l’allaiter. Notez tout de même, que certaines nounous et crèches refusent cette possibilité pour des raisons d’organisation ou de risque de jalousie des autres enfants. Une autre option est de mettre en place « des visites » de votre enfant dans votre structure, la personne qui le garde vous l’amenant au moment des tétées. Mais attention, là aussi, ce n’est pas toujours chose aisée. Il faut que les périodes de repas de bébé coïncident avec votre planning professionnel. La vie des structures vétérinaires étant soumise aux aléas des urgences et autres « sans rendez-vous », ce choix peut s’avérer générateur de stress pour la mère, pour l’équipe, pour l’accompagnant et pour l’enfant ! Reste alors la solution du tire lait.

Le tire lait, une fois qu’on a passé le côté « trayeuse », peut s’avérer votre meilleur allié durant votre aventure de mère allaitante. Il représente en effet, un bon moyen de continuer à nourrir bébé avec du lait maternel même quand maman n’est pas physiquement disponible. Il existe un nombre impressionnant de modèles disponibles à l’achat ou à la location (possiblement remboursée par la sécurité sociale et la mutuelle, sous conditions d’ordonnances d’une durée initiale de 10 semaines puis renouvelables par période de 3 mois). Tout médecin peut vous prescrire un tire-lait mais, n’hésitez-pas à vous renseigner auprès de votre sage-femme, qui peut, elle aussi, vous rédiger l’ordonnance nécessaire et, au passage, vous prodiguer de nombreux conseils pour faciliter cette expérience. Nous ne traiterons pas ici de comment utiliser son tire-lait, comment conserver son lait et comment le donner ensuite au bébé, nous vous conseillons pour cela de consulter un professionnel et, si vous voulez vous faire une idée, le site internet de la leche league sur lequel vous pouvez trouver une multitude d’informations.

Quoi qu’il en soit, que vous décidiez d’organiser des séances d’allaitement ou des séances de tire lait, dans tous les cas, ce qui est important c’est de s’organiser : de prévoir quand, où et comment vous allez permettre à votre projet d’allaitement de pouvoir se concrétiser :

  • Quand ? Cela dépend de vous et de votre employeur : quel est le bon moment par rapport à vos montées de lait ? Quel est le bon moment par rapport au planning ? Notez, que certaines d’entre vous, n’ont pas besoin de tirer leur lait en journée. Le fait de tirer et de stocker leur lait sur les périodes à domicile suffit à générer la quantité nécessaire pour couvrir les besoins de bébé. D’autres ne tireront pas leur lait et passeront à un allaitement mixte avec du lait maternisé. Si l’option tire lait n’est pas faite pour vous, cela ne vous oblige pas pour autant à renoncer à l’allaitement au sein !
  • Où ? Idéalement, dans une salle confortable, intime (on préserve sa pudeur et celle des autres !), propre bien sûr. On évite les toilettes, que trop de femmes ont utilisées par le passé, faute de mieux !
  • Comment ? Si vous devez utiliser un tire-lait, et que vous devez pouvoir l’amener de la maison au travail, pensez à favoriser un modèle facilement transportable. N’oubliez pas de prévoir les contenants pour stocker votre lait, et, si besoin, de quoi le transporter. Vous l’aurez compris, le maître mot du projet « concilier allaitement et travail », c’est l’organisation !

Que faut-il savoir avant de se lancer ?

Il y aurait tellement à dire… Chacune vivant les choses différemment, au regard de ses envies, de ses expériences et des conseils reçus. Quelques grandes lignes ressortent quand même [3] :

  • Il ne semble pas indispensable de préparer bébé à passer du sein au biberon avant le jour J. Bien sûr, il risque d’hésiter avant d’accepter ce changement, mais il est probable qu’il l’acceptera plus facilement si ce n’est pas maman qui propose ce biberon ! En fait, si maman est là, pourquoi ne pas avoir accès au sein ? Pour bébé, il est, semble-t-il, plus confortable de boire au sein systématiquement et quand il le désire, si maman est là ; et de boire au biberon, uniquement en son absence ;
  • Sachant que la lactation dépend de la stimulation des tétées, il est conseillé, afin d’éviter une chute de production, de stimuler régulièrement les glandes mammaires, éventuellement en tirant son lait même si, il n’est pas conservé. Le même conseil, diminuera les risques d’engorgement, ou de fuites impromptues parfois gênantes ;
  • Le fait de continuer à produire du lait pour votre enfant tout en reprenant votre travail, ne génèrera pas de fatigue supplémentaire. Bien au contraire, les hormones de la lactation induisent bien-être et relaxation, bien utiles dans cette période de transition entre congé maternité et retour au travail ;
  • Discuter de votre projet et de sa mise en place avec votre employeur bien sûr, mais aussi avec tous les membres de votre équipe, cela permet que chacun puisse exprimer ses besoins mais aussi ses craintes quant aux conséquences de votre choix. Vous éviterez ainsi, les malentendus et malaises éventuels et donc les conflits inutiles.

En un mot comme en cent, quel que soit votre choix d'allaiter ou de ne pas allaiter, le plus important, le secret de la réussite, c’est de savoir que travailler et allaiter durant la même période, si cela vous tient à coeur : c’est possible !

 

Manuelle Hoornaert
Vétérinaire & Rédactrice en chef

 

Ressources documentaires et bibliographiques :

[1] S. Wagner, C. Kersuzan, S. Gojard, C. Tichit, S. Nicklaus, B. Geay, P. Humeau, X. Thierry, MA. Charles, S. Lioret, B. de Lauzon Guillain. Durée de l'allaitement en France selon les caractéristiques des parents et de la naissance. Résultats de l'étude longitudinale française Elfe, 2011, [En ligne]. Disponible sur : https://www.santepubliquefrance.fr/docs/duree-de-l-allaitement-en-france-selon-les-caracteristiques-des-parents-et-de-la-naissance.-resultats-de-l-etude-longitudinale-francaise-elfe-2011 [Consulté le : 3 avril 2022] ;

[2] Comité de nutrition de la Société française de pédiatrie. Allaitement maternel, Les bénéfices pour la santé de l’enfant et de sa mère , [En ligne]. Disponible sur https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/allaitement.pdf [Consulté le : 3 avril 2022] ;

[3] C-S. Didierjean-Jouveau. AA 101 : Allaiter et travailler, c'est possible !, [En ligne]. Disponible sur https://www.lllfrance.org/vous-informer/fonds-documentaire/allaiter-aujourd-hui-extraits/1760-aa-101-allaiter-et-travailler-c-est-possible [Consulté le : 3 avril 2022] ;

[4] H. Souare. Thèse pour le diplôme d'état de docteur en pharmacie : Allaitement et travail : Enquête auprès de 270 mères actives, [En ligne]. Disponible sur https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-02150982/document [Consulté le : 3 avril 2022].

 

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