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Le harcèlement au travail des auxiliaires vétérinaires : le dénoncer et le combattre

Crédit photo © thodonal - stock.adobe.com

Le harcèlement au travail est devenu une forme de violence fréquente, à tel point que trente pour cent des salarié·e·s français·e·s déclarent en être victimes, tous métiers confondus. Pouvant prendre de multiples formes, le harcèlement s’insinue également dans les cliniques vétérinaires, en occasionnant beaucoup de ravages sur la santé des victimes. Le stress du travail, les pressions vécues au quotidien mais également les conditions d’exercice, en petite équipe et en promiscuité, font malheureusement de l’entreprise vétérinaire un terreau fertile pour le harcèlement. Celui-ci doit pourtant être combattu férocement et pour cela, il faut connaître son adversaire ! Comment le harcèlement se manifeste-t-il chez les auxiliaires vétérinaires ? Comment agir si l’on est soi-même victime ?


Le harcèlement au travail, qu'est-ce que c'est ?

Le harcèlement moral répond à une définition officielle, qui le décrit comme un ensemble d’agissements répétés pouvant entraîner, pour la personne qui les subit, une dégradation de ses conditions de travail.

Le harcèlement peut aboutir chez la victime à une atteinte à ses droits et à sa dignité, une altération de sa santé physique ou mentale, ou une menace pour son évolution professionnelle.

Le harcèlement au travail n’implique pas nécessairement de lien hiérarchique entre la victime et le harceleur. Ainsi, on peut parler du harcèlement d’un employeur vétérinaire envers ses auxiliaires vétérinaires, d’un vétérinaire salarié envers d’autres membres de son équipe, ou même de harcèlement entre ASV. Le harcèlement peut également être exercé par ou sur un groupe de personnes.

 Le harcèlement moral est un délit, puni d’une peine pouvant aller jusqu’à deux ans de prison et 30 000 € d’amende.  

Comment reconnaitre les situations de harcèlement moral ?

Le harcèlement peut prendre la forme de gestes, paroles, comportements, écrits… répétés dans le temps et systématiques, aboutissant presque toujours à de graves troubles physiques et psychiques chez la victime. L’auteur des faits est généralement bien intégré dans la clinique et se sent suffisamment en confiance pour éventuellement justifier ses actions. Il est important de comprendre que la victime n’est, elle, pas harcelée parce qu’elle serait « faible » ou particulièrement « fragile ». Le harcèlement peut toucher tout le monde, et s’installer parfois de manière insidieuse.

Parmi les exemples, on peut citer :

  • La surveillance obsessionnelle de son salarié, en vérifiant tous ses gestes, repassant derrière lui (installation de caméras de surveillance sans le notifier, attitude suspicieuse, remise en cause du travail effectué…) ;
  • La surcharge volontaire de travail ou, plus rarement, la sous-charge en ne confiant plus aucune mission à l’ASV ;
  • Des violences physiques (jet d’instruments de chirurgie à la figure, objets renversés…) ;
  • Des réflexions déplacées, de l’humiliation (dénigrement devant les clients, infantilisation, insultes…) ;
  • Des propos ou actes connotés dans le cas du harcèlement sexuel (plaisanteries et propos obscènes, remarques sexistes, regards insistants, commentaires sur le physique…).

Le travail en clinique vétérinaire impliquant généralement de petites équipes et des rapports hiérarchiques simples, il peut vite devenir difficile « d’échapper » à son harceleur et d’en référer à d’autres personnes.

État des lieux du harcèlement dans les structures vétérinaires

 Actuellement, il n’existe pas encore d’étude française permettant d’évaluer la prévalence du harcèlement des ASV au travail, c’est-à-dire le nombre de cas de harcèlement chez les ASV. Cependant, on peut s’intéresser à ce qu’il se passe dans les pays voisins et tenter d’établir un parallèle.

Un grand sondage [1] a notamment été lancé en ligne en 2017 par les sites vetsurgeon.org et vetnurse.co.uk afin d’évaluer la fréquence des comportements problématiques en clinique vétérinaire au Royaume Uni. L’étude ne se permet pas de classer tous les comportements rapportés en harcèlement, tant il est délicat de faire la part des choses. Néanmoins, il a été demandé spécifiquement aux sondés de ne parler que des comportements répétés, par la même personne, et voués à nuire physiquement ou émotionnellement. Les personnes interrogées ont été 677 à déclarer avoir subi des comportements problématiques, dont 390 ASV. Chez ces derniers, les situations les plus fréquentes ont été de se faire rabaisser devant ses collègues (78%), se faire réprimander de manière répétée et injuste (71%), se rendre compte qu’on se fait critiquer derrière son dos (52%) et de se faire ignorer ou exclure de manière délibérée (48%). Dans cette étude, il est intéressant de noter que parmi les sondés, il était plus fréquent de se faire harceler par un autre ASV en tant qu’ASV (et même chose côté vétérinaire).

Beaucoup ont déploré des conséquences sur leur santé mentale : environ 40% des ASV interrogés ont évoqué des épisodes d’anxiété, de dépression voire de pensées suicidaires. Ils sont 25% à souhaiter quitter leur environnement de travail le plus rapidement possible, et 6,7% à envisager une reconversion professionnelle.

Une deuxième étude [2], japonaise cette fois, s’est intéressée à la violence vécue par les assistants vétérinaires travaillant en clinique. Les chiffres sont tout aussi alarmants : 40,5% des ASV interrogés ont vécu des actes de violence verbale, physique ou du harcèlement sexuel, et dans 63% des cas, ces violences étaient perpétuées au sein même de leur équipe.

Même si l’on peut se poser la question de la représentativité de ces études, elles ont le mérite de mettre le doigt sur un problème qui semble récurrent en pratique vétérinaire. Elles montrent également que la frontière entre harcèlement moral et violences d’autre nature est assez difficile à établir.

En France, le harcèlement moral des ASV est probablement sous-estimé, et mériterait qu’on lui consacre une étude spécifique. 

Que faire si je suis victime de harcèlement dans ma clinique ?

La première chose à faire consiste à prévenir son employeur. Il ou elle se doit en effet d’assurer la sécurité et la protection de tous ses salariés, et doit prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir tout agissement de harcèlement. Malheureusement, il n’est pas rare que l’employeur soit lui-même l’auteur des faits. L’ASV pourra alors se tourner vers un autre de ses patrons si la clinique comporte plusieurs associés, avec le risque que le dialogue soit délicat à établir. Dans ce contexte, il semble plus opportun de demander une procédure de médiation, dont le but est d’arriver à une entente entre les deux parties et à des solutions concrètes.

Dans certains cas, l’ASV peut également se tourner vers le Comité Social et Économique (CSE) Cela ne concerne que les grosses cliniques employant au moins 11 salariés, mais il s’agit d’un de ses rôles de se saisir de l’affaire en cas de faits de harcèlement rapportés.

Sinon, le salarié peut également contacter la médecine du travail (qui a un rôle de prévention contre le harcèlement) et alerter l’inspection du travail. L’agent de contrôle viendra vérifier les faits et pourra être amené à réaliser une enquête.

Le choix de porter plainte ou non dépend de nombreux facteurs, notamment de la gravité et de la durée du harcèlement, mais également de ses conséquences sur la santé mentale et physique de la victime. Il faut savoir que porter plainte va initier une série d’opérations administratives et judiciaires, qui peuvent s’avérer lourdes et contraignantes. Il sera conseillé de bien s’entourer pour y faire face le plus sereinement possible. Le salarié peut donc :

  • Saisir le conseil des prud’hommes : dans un délai de 5 ans après le dernier fait de harcèlement, en présentant des preuves directes ou indirectes. La procédure aura lieu contre l’employeur vétérinaire, même s’il n’est pas l’auteur direct du harcèlement ;
  • Saisir le juge pénal : en complément d’une plainte aux prud’hommes si l’employeur et l’auteur des faits sont poursuivis. Le délai est de 6 ans après le dernier fait de harcèlement ;
  • Saisir le Défenseur des droits : si le harcèlement moral paraît causé par un problème de discrimination basée sur un des critères punis par la loi (couleur de peau, sexe, âge, orientation sexuelle…).

Le harcèlement moral des auxiliaires vétérinaires est donc un sujet à prendre très au sérieux. Il s’agit d’un délit grave, encore trop peu dénoncé. Rappelons que l’employeur vétérinaire doit tout mettre en œuvre pour protéger ses salariés, et qu’il sera toujours responsable en cas de faits de harcèlement dans sa clinique, même s’il n’en est pas l’auteur. Les conditions d’exercice souvent difficiles et les relations d’autorité parfois complexes ne sont pas une excuse pour justifier le harcèlement au travail. En cas de difficulté, ne restez pas seul en parlez-en autour de vous ! Des associations d’aide comme France Victimes disposent d’un numéro vert joignable tous les jours.

 

Astrid de Boissière,
Vétérinaire

 

Ressources documentaires et bibliographiques :

[1] S. Everitt MRCVS, VetSurgeon.org & VetNurse.co.uk Behaviour in veterinary practice, 2011, [En ligne]. Disponible sur : https://www.vetsurgeon.org/news/b/veterinary-news/posts/vetsurgeon-survey-reveals-profound-impact-of-bullying-in-veterinary-practice [Consulté le 29 novembre 2022] ;

[2] S. Yukawa, M. Yukawa, A survey assessing the prevalence of in-hospital violence against veterinary nurses working in small animal hospitals. Open Vet J. 2022 Jul-Aug ; 12(4) : 430-433. [Consulté le 29 novembre 2022].

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