Se connecter

Comment concilier travail et parcours PMA en tant que vétérinaire ?

Crédit photo @ k - stock.adobe.com
Le parcours pour concevoir un enfant n’a pas toujours tout d’un voyage tranquille. En France, de nombreux couples sont confrontés à l’infertilité, et les chiffres ne cessent d’augmenter. Le recours à la Procréation Médicalement Assistée (PMA) est alors vu comme une solution possible pour répondre au désir parental, quand l’accès à la maternité se fait attendre ou n’est pas possible dans d’autres conditions.

Se lancer dans une telle démarche n’a rien d’anodin. Les personnes qui entament un parcours PMA savent qu’elles s’engagent dans des procédures difficiles, potentiellement longues. Les vétérinaires, au même titre que les autres, sont concerné·e·s. Au-delà des chamboulements physiques et psychologiques que le recours à la PMA peut provoquer, il est logique de se demander ce que cela va impliquer du côté professionnel. Comment concilier les deux et organiser son emploi du temps ? Faut-il l’annoncer à ses collègues ? À l’inverse, quelle attitude adopter quand quelqu’un de son équipe se confie sur le sujet ?

La Procréation Médicalement Assistée, qu’est-ce que c’est ?

La PMA est un ensemble de techniques médicales qui sont proposées à des personnes qui éprouvent des difficultés à avoir des enfants ou qui ne peuvent pas en avoir. Elle s’adresse aux couples (couple hétérosexuel ou couple de deux femmes) ainsi qu’aux femmes seules. En France, la limite d’âge pour y recourir est de 43 ans pour la femme (45 en l’absence de ponction d’ovocytes) et de 60 ans pour l’homme.

On estime qu’environ 3,3 millions de personnes en France sont touchées par l’infertilité ou l’hypofertilité, soit environ 1 couple sur 4 [1]. Statistiquement, on côtoie donc des personnes qui vivent ces difficultés. Le recours à la PMA n’est pas systématique, mais actuellement environ 1 enfant sur 301 nait à la suite de PMA. Les troubles de la fertilité n’ont donc rien d’une situation exceptionnelle, d’autant plus que ceux-ci sont en hausse depuis plusieurs années. En cause : un recul de l’âge de la maternité (il est en moyenne de 28,9 ans en 2020 contre 24 en 1975 [2] ; or la fertilité féminine diminue après 30 ans, et encore plus nettement après 35 ans), mais également l’environnement (exposition aux polluants et aux perturbateurs endocriniens). Bien sûr, et ce ne sera pas une surprise pour les vétérinaires qui connaissent bien la problématique, l’infertilité peut toucher aussi bien les hommes que les femmes. D’ailleurs, la concentration des spermatozoïdes dans le sperme a diminué de 50% chez les hommes des pays industrialisés entre 1973 et 2011.

Ainsi, de nombreuses personnes sont touchées par le sujet, hommes et femmes. Les vétérinaires, qui s’engagent dans des études longues et qui privilégient naturellement leur carrière pendant leurs premières années d’exercice, peuvent accéder à la parentalité un peu plus tard que la moyenne. Une enquête Insee met bien en évidence que chez les cadres, l’âge moyen à l’accouchement est de 33 ans, contre 30 ans dans la population d’ensemble [3]. Or, malheureusement, le temps est un facteur important en matière de fertilité.

Pour mieux comprendre ce à quoi les vétérinaires en parcours PMA sont confrontés, il est nécessaire de savoir ce que cela implique réellement. Les femmes, particulièrement, vont passer par un ensemble d’examens plus ou moins invasifs, puis subir des protocoles hormonaux lourds, parfois à répétition. Celles et ceux qui le vivent parlent d’épreuve physique et psychologique très stressante, avec des retentissements intenses sur toutes les sphères de leur vie.

Vétérinaires au travail et PMA, en pratique ça donne quoi ?

Le recours à la PMA ne se fait pas de manière automatique. Le couple ou la femme seule doivent déjà subir un ensemble d’examens et de consultations. Souvent, ce n’est donc pas le début du parcours, mais bien son prolongement, après des mois ou des années de confrontation à l’infertilité. Le dossier  " PMA "  n’est officiellement créé qu’après une réunion de concertation pluridisciplinaire entre médecins et après un délai de réflexion de 1 mois pour les patients.

Par la suite, les actes relevant de la PMA sont intégralement pris en charge par l’assurance maladie jusqu’au 43ème anniversaire de la mère, et dans la limite de 6 inséminations intra-utérines et 4 FIV (Fécondation In Vitro) [4]. Néanmoins, des frais annexes peuvent s’ajouter, en cas de dépassement d’honoraires par exemple. Si c’est le cas, ou si la limite des 4 FIV a été franchie, on peut opter pour une mutuelle couvrant une partie des frais. Il faudra alors choisir une formule qui rembourse bien au-delà des 100% déjà pris en charge par l’Assurance Maladie.

Avec l’aide de la PMA, les chances de succès se situent aux alentours de 20% par cycle. On comprend donc bien que les procédures puissent s’étaler dans le temps, et que les rendez-vous médicaux risquent de se multiplier. Pour ceux qui ne nécessitent pas d’être pris à une date spécifique, on peut bien sûr les programmer sur ses jours de repos pour ne pas interférer avec le travail. En revanche, dès lors qu’un suivi rapproché est nécessaire (pour monitorer l’ovulation par exemple), cela suppose une très grande disponibilité, parfois à tout moment de la journée.

Les vétérinaires salariées bénéficient d’une autorisation d’absence pour se rendre à tous les rendez-vous, à condition de présenter un justificatif à l’employeur. Dans ce cadre, les absences sont assimilées à du temps de travail effectif et ne peuvent pas induire une baisse de rémunération. Pour le conjoint ou la conjointe, des autorisations d’absence sont également prévues, dans la limite de trois rendez-vous.

Pour les libérales, c’est évidemment un peu plus délicat. En fonction de son équipe, du nombre d’heures d’absence et de la bonne entente entre tous, on peut compter sur la solidarité de ses associés, si ceux-ci sont mis dans la confidence. Sinon, on peut également proposer de rattraper les heures sur des moments où on serait plus disponible.

Lorsque c’est possible, les vétérinaires trouvent plus commode de fixer leurs rendez-vous le plus tôt possible le matin. Au laboratoire, et même parfois pour les suivis, la règle du " premier arrivé, premier servi  " prévaut. Discuter de sa situation professionnelle avec les médecins qui nous suivent est également le moyen, avec un peu de chance, de débloquer les créneaux les plus intéressants afin de perturber le moins possible son organisation de travail.

Enfin, il faut savoir que la phase de traitement hormonal, les inséminations ainsi que les transferts ne donnent pas lieu à un arrêt de travail. Celui-ci n’est prescrit qu’après la récolte des ovocytes, qui se fait habituellement sous anesthésie générale légère. L’arrêt est alors de quelques jours (3 à 5 en moyenne). Attention, le délai de carence habituel de 3 jours s’applique dans ce cas.

Comment accompagner les vétérinaires qui traversent la PMA ?

En 2018, une enquête Ipsos a été menée sur 1045 personnes ayant suivi un parcours d’aide médicale à la procréation [5]. Pour la moitié d’entre elles, le parcours PMA a eu des retentissements importants sur leur organisation et leur niveau de stress au travail. De plus, 43% ont déclaré que cela avait impacté leur motivation à aller travailler, ainsi que leur bien-être au travail. Dans certains cas, la PMA donne le sentiment de devoir choisir entre sa carrière et son désir d’enfant.

Si l’on est soi-même concerné, la question d’en parler à ses collègues, employeurs ou associés se pose. Il s’agit d’un sujet intime, encore un peu tabou en France, ainsi il n’y a aucune obligation de rentrer dans les détails. Néanmoins, si l’on en ressent le besoin et que son équipe est bienveillante et à l’écoute, cela permet de recueillir du soutien et des encouragements. La PMA conduit souvent à un sentiment d’isolement mais aussi de culpabilité vis à vis de son équipe. En mettant des mots sur son parcours et sur ses ressentis, c’est le moyen de faire comprendre aux autres ce que l’on traverse et ce que cela implique.

Le parcours d’aide à la procréation est en effet difficile. À l’inverse, on peut se demander quelle attitude adopter face aux collègues qui seraient concernés par la PMA. Dans un premier temps, il est bon de rappeler que la personne n’a pas choisi de vivre cette situation. Les mois ou années d’infertilité ont des retentissements psychologiques importants. Par ailleurs, les traitements hormonaux peuvent occasionner de nombreux effets secondaires désagréables : prise de poids, douleurs et ballonnements, troubles de l’humeur (irritabilité, anxiété, voire dépression), fatigue, vertiges, nausées… C’est donc également une épreuve physique, sur la durée. On ressent souvent le besoin de se recentrer sur soi et son projet de famille. Il faudra déployer beaucoup d’énergie pour continuer à se démener au travail.

Se montrer soutenant, non jugeant, sera très apprécié. Il vaut mieux également éviter les phrases maladroites comme " tu y penses trop, c’est pour ça "  ou encore " ça finira par marcher ". Pire, les remarques sur le manque d’implication au travail ou sur les conséquences des absences sur le reste de l’équipe peuvent être particulièrement mal perçues. Encore une fois, la personne qui a recours à la PMA n’est pas responsable, et fait probablement de son mieux pour tout concilier.  


Comprendre ce qu’il se joue pendant un parcours d’aide médicale à la procréation est une manière de faire preuve de plus d’empathie et de solidarité avec ceux et celles qui le vivent. En tant que vétérinaire, on peut ressentir un conflit fort entre sa conscience professionnelle et son désir de fonder une famille. Si le contexte le permet, ouvrir le dialogue sur le sujet est une première étape pour aborder ses difficultés. Avec un entourage soutenant et compréhensif, il devient alors envisageable de concilier PMA et travail dans de bonnes conditions.

 

Astrid de Boissière,
Vétérinaire

 

Ressources documentaires et bibliographiques :

[1] Vie publique. Hausse de l’infertilité : à quoi est-elle due et comment la combattre ? [En ligne]. Disponible sur : https://www.vie-publique.fr/en-bref/284231-hausse-de-linfertilite-quoi-est-elle-due-et-comment-la-combattre [Consulté le : 24 octobre 2023] ;

[2] Ined. Age moyen à la maternité, [En ligne]. Disponible sur : https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/chiffres/france/naissance-fecondite/age-moyen-maternite/ [Consulté le : 24 octobre 2023] ;

[3] F. Daguet, Insee, En 2016, les femmes cadres ont un peu moins d’enfants que les employées, [En ligne]. Disponible sur : https://www.insee.fr/fr/statistiques/4202277 [Consulté le : 24 octobre 2023] ;

[4] Service public. Procréation Médicalement Assistée (PMA), [En ligne]. Disponible sur : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F31462 [Consulté le : 24 octobre 2023] ;

[5] L. Barthélémy, A. Barea, Z. Desforges, Ipsos, Vécu et perceptions du parcours en AMP en France, 2019, [En ligne]. Disponible sur : https://www.ipsos.com/sites/default/files/ct/news/documents/2019-03/parcours_amp_en_france.pdf [Consulté le : 24 octobre 2023]

 

La newsletter qui décrypte le monde vétérinaire autrement

Pour les vétérinaires curieux qui n'ont pas le temps de l'être : tous les mois, des articles, des histoires, des jobs et des conseils qui donnent le sourire.

Égalite professionnelle & parentalité

Presse vétérinaire

Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15