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Internat, CEAV et autres formations « sur le tard » : qu’est-ce que ça change ?

Crédit photo @ Brastock Images - stock.adobe.com
Alors que la très grande majorité des internes sont des vétérinaires fraîchement diplômés, je fais partie de ceux qui ont travaillé durant plusieurs années avant de me lancer dans cette année d’internat que je qualifierais d’« extra » ordinaire. Et quand, quelques années plus tard, je me lance dans un CEAV en éthologie clinique, il s’avère, là aussi, que je serai la vétérane des participants. Bien sûr, au cours de ces 2 défis, mon âge n’a pas toujours été mon meilleur allié, mais l’expérience professionnelle et la maturité acquises préalablement se sont avérées des atouts de taille. Petit retour d’expérience.

Pourquoi attendre avant de se lancer dans un internat ?

Par où commencer ? J’ai 25 ans, je termine ma formation initiale, et comme un certain nombre d’entre nous, je sature. Le côté scolaire, universitaire, les examens et une certaine dépendance financière à ma famille, me poussent inexorablement vers le monde du travail. J’ai soif de me lancer dans la vie active et de voler de mes propres ailes (j’en profite ici pour exprimer ma profonde admiration à tous ceux qui ont financé leurs études par leurs propres moyens et pour remercier, une fois encore, ma famille qui m’a permis de réaliser mon rêve, sans pression). J’ai la conviction intime aussi que je ne sais rien, ou presque, de la réalité de terrain de notre métier et que j’ai besoin de m’y confronter avant toute autre chose, de me faire mon idée de ce monde que, pour beaucoup, on idéalise avant d’intégrer l’école. Mes stages de dernière année ont d’ailleurs largement contribué à ce sentiment.

La décision de trouver mon premier poste s’impose donc facilement à moi. Très vite, j’intègre, à temps partiel, une structure vétérinaire en petits animaux. Mon emploi du temps se remplit : 3 temps partiels en parallèle qui occupent aisément mon temps plein. Les semaines, les mois puis les années défilent. J’acquiers de l’expérience, me sens à l’aise dans ce métier-passion. Je suis enfin vétérinaire ! Je me sens légitime et à ma place… mais, alors que 5 années se sont écoulées depuis ma sortie d’école, ça coince. Je commence à m’ennuyer. Pas dans mon métier à proprement parler, plutôt dans ma vie en général. Alors je commence à m’ouvrir à d’autres possibilités : que pourrais-je faire ? Changer de structure en restant dans mon rôle de généraliste petits animaux que j’adore, ou entamer un changement plus profond ? Je parcours régulièrement, et de façon un peu nonchalante, les annonces vétérinaires jusqu’à ce samedi du mois de mars : « Clinique vétérinaire équine recherche interne » ! Les chevaux, ces grands oubliés de mon parcours professionnel. Alors que, depuis toujours, ils tiennent une place importante dans ma vie, je les ai très tôt exclus de mes projets de « véto ». Il faut dire que ces grands animaux, si fragiles et parfois si coûteux, représentaient pour moi, en tant que vétérinaire, une prise de risque. Et puis, si je voulais les garder comme loisir, était-il raisonnable de les intégrer à mon travail quotidien ? Oui mais voilà, l’annonce est là, sous mes yeux. Et après tout, ne serait-ce pas l’occasion de changement que je cherche ? Je pourrai diversifier ma pratique de généraliste en y ajoutant une nouvelle espèce. Et si je dois devenir hippiatre, autant le faire à fond !

L’internat privé semble alors une opportunité adaptée. J’envoie un mail, entre 2 consultations, dans lequel je m’excuse presque d’oser postuler après 5 ans de canine pure. J’insiste sur le fait que mes connaissances en équine sont lointaines. Je ne joins même pas de CV à ce premier mail. Ils me répondent pourtant. Nous sommes en 2010 : cette année-là, suite à une des nombreuses réformes des écoles vétérinaires françaises, le nombre de nouveaux vétérinaires diplômés est en chute libre, et donc les candidats ne se bousculent pas. Ce sera ma chance. C’est finalement le hasard et un alignement de bonnes étoiles qui m’auront amenée à faire cet internat. Pas de longue réflexion en amont. Juste une envie de changement, une opportunité et une décision prise sur un coup de tête.

Un internat après 5 ans de pratique, ça change quoi ?

Tout ou presque. Il y a d’abord la partie logistique. Quand vous avez travaillé 5 ans et que les impôts sur les revenus sont devenus l’un de vos immanquables rendez-vous annuels, la diminution drastique de vos revenus n’est pas à prendre à la légère. Il n’est pas question ici de débattre sur la rémunération des internes, mais pour ma part, elle ne suffisait pas à couvrir mes frais (impôts, remboursement d’emprunt…). Cela ne m’a pas empêchée de me lancer, mais il a fallu calculer et trouver des solutions.

Une fois ce premier frein levé, une question s’est imposée à moi : allais-je supporter de me retrouver reléguée au rang de subalterne après 5 ans d’autonomie ? Je vais peut-être vous surprendre, mais : oui, très bien même ! Comment est-ce possible ? Parce que je voyais surtout le fait que mes responsabilités seraient moindres. Pendant 1 an, j’allais réfléchir, agir, comprendre, mais je pourrais me reposer sur les choix médicaux de mes patrons. Bizarrement, c’était plutôt séduisant comme perspective. Et puis, j’allais apprendre. J’allais voir des cas d’exception pour lesquels les propriétaires nous permettraient de pousser loin les investigations et les soins. Entendons-nous bien, je suis de ceux qui aiment pratiquer la médecine, quelles que soient les contraintes, et soigner voire guérir un animal sans pour autant avoir pu vérifier par une multitude d’examens complémentaires toutes mes hypothèses diagnostiques, restait une satisfaction énorme. Pourtant, cet internat me promettait une stimulation intellectuelle rafraîchissante et séduisante.

1er août 2010 : premier jour de cette année hors du temps, hors de tout. Je comprends vite que le rythme sera intense. Je découvre mes co-internes et toute l’équipe de la clinique : ma famille pour l’année à venir. Assez rapidement, j’apprends les motivations de chacun à travailler ici. Pour ma part, je sais exactement ce que je viens chercher. A chaque cas, je sais ce qui me sera utile pour la suite. C’est mon atout principal, de « vieille » interne : je projette dans « la vraie vie » ce que je vois. Je trie, sans même le vouloir, ce que je veux pouvoir réutiliser plus tard, et je laisse un peu de côté ce qui ne me correspond pas.

Certains de mes patrons, de mes « formateurs », ne sont pas beaucoup plus âgés que moi. Ils ont pourtant tellement à m’apprendre ! Nos parcours sont simplement différents ; là où j’ai soigné de nombreux carnivores domestiques, eux ont accompagné tout autant d’équidés, tantôt animaux de compagnie, tantôt athlètes de haut niveau. Mais la magie opère. Je les écoute avec humilité me transmettre leur savoir. Ils me laissent exprimer mon point de vue. Mes questions de vétérinaire canine ouvrant même, parfois, de nouvelles perspectives. Mon expérience passée de la clientèle, de la gestion des réussites et des échecs thérapeutiques, mon recul sur certaines situations et le fait de me connaître en tant que praticienne, me facilitent indéniablement la tâche. En fait, si c’était à refaire, je ne changerais rien. Je dois bien dire que le hasard m’a amenée au bon endroit et au bon moment.

Finalement, quels sont les avantages et/ou les inconvénients à suivre une formation plus tardivement qu’à l’accoutumée ?

Comme me l’a tant répété celle que je considère, aujourd’hui encore, comme ma mentor : « Attention, ici n=1 ! » Comprendre que mon unique point de vue ne fait pas de grandes généralités. Néanmoins, j’ai eu l’occasion de confronter ma propre expérience à celles de consœurs ou de confrères ayant eu, eux aussi, des parcours chronologiquement atypiques, et j’ai pu noter quelques similitudes que j’aimerais vous confier.

Avoir une certaine expérience avant de se lancer dans un cycle de formation complémentaire, permet, en partie du moins, de savoir précisément ce que l’on en attend. Les conséquences pratico-pratiques d’un tel engagement sur votre vie (et notamment sur votre vie privée) sont telles que vous ne vous y embarquerez que si vous êtes absolument certains de trouver ce que vous cherchez. Cela n’annule pas totalement le risque de constater que l’on s’est trompé de route, mais diminue quand même franchement cette possibilité.

De plus, arriver en tant que vétérinaire accompli et assumé dans un internat, ou toute autre formation de 3ème cycle, inspire une forme de respect et parfois même un peu d’admiration. Pas de vanité mal placée ici, simplement un constat. En tant que praticien expérimenté, votre attitude d’apprenant est forcément différente. Vous n’êtes plus vu comme un étudiant prêt à tout accepter et assoiffé de connaissances, mais bien comme la consœur ou le confrère qui se lance dans un défi un peu hors normes.

Pour ma part, je ne crois pas que j’aurais pu supporter un internat en sortie d’école. Je crois que le rythme de travail, la pression et le reste m’auraient fait plier. Alors que 5 ans plus tard, j’avais gagné en assurance et je me sentais prête, ce qui, associé à une équipe en or et à des co-internes exceptionnels, a indéniablement permis à cette année d’être et de rester à mes yeux une année extraordinaire.

Et concernant mon CEAV me direz-vous ? Là aussi, les hasards de la vie. Pour des raisons de santé, la pratique m’est devenue difficile. Après en avoir fait le deuil, il a fallu trouver d’autres options. Et parmi d’autres choses, je me suis lancée dans un CEAV d’éthologie appliquée et clinique, un vieux rêve. Cette fois, il y avait des consœurs et un confrère de tous âges mais malgré tout, tous plus jeunes que moi. Ma principale difficulté a été le rythme. A 40 ans, étudier de longues heures plusieurs soirs de suite pendant que mes enfants dormaient n’a pas été chose facile. Mais une fois encore, aborder cette formation avec maturité a été, de mon point de vue, une vraie force.


Ce que je retiens de mon parcours quelque peu atypique, c’est qu’il existe bien des façons de construire une carrière. Qu’un internat reste possible au-delà de la sortie de l’école, que l’on peut se lancer des défis à tout moment de notre vie, quand le moment nous paraît opportun. En fait, ce que je crois profondément, c’est que ce qui rend une expérience professionnelle bénéfique, c’est surtout de rencontrer les bonnes personnes et de tomber aux bons endroits.

 

Manuelle Hoornaert
Vétérinaire & Rédactrice en chef

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