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La voie post-bac, une nouvelle voie d’entrée en école vétérinaire qui interpelle !

Crédit photo @ Elnur - stock.adobe.com
Ce n’est un secret pour personne que, depuis quelques années maintenant, l’enseignement en France, est en pleine mutation. La dernière révolution en date, dans le paysage des études vétérinaires : le lancement de la voie d’accès post-bac depuis la rentrée 2021. Cette dernière permet à 160 élèves de terminale, via parcoursup, d’intégrer directement les ENV françaises, par un concours tout neuf, programmé durant le mois d’avril. Ce ne sont donc plus 6 mais bien 7 voies d’admission qui sont désormais possibles pour qui veut intégrer une ENV. Et, comme pour chaque changement, il y a eu des heureux, des sceptiques et des contrariés. Chacun a ses raisons, son point de vue, son analyse de la chose ; mais au fond, les principaux intéressés restent les étudiants eux-mêmes, alors nous avons choisi de vous donner la parole. Les 3 étudiantes qui nous apportent ici leur éclairage sur la situation ont chacune un parcours différent : l’une est étudiante en 3ème année, après être arrivée en ENV par le concours C ; la seconde est en 2ème année, passée par la voie classique de la prépa BCPST et le concours A ; et enfin, la 3ème, fait partie de cette toute nouvelle promotion, elle est en 1ère année, sélectionnée par la fameuse voie post-bac ! Nous les avons interrogées pour essayer de comprendre les enjeux et les conséquences de ce bouleversement à leurs yeux, notamment pour les générations futures qui, en tenant compte de la réforme des lycées, devront projeter au plus tôt leur choix de parcours universitaire afin de se donner un maximum de chance de réussite !

Le point de vue de Lysandre, étudiante en 3ème année à Oniris, ENV de Nantes

Lysandre fait partie de ces étudiants dont le parcours pour intégrer l’école vétérinaire a été riche en expériences et en rencontres. Ce parcours, Lysandre estime qu’il fait sa force aujourd’hui. Lorsqu’à la sortie du lycée, elle a intégré une prépa BCPST, voie classique d’admission en ENV, elle réalise rapidement qu’elle n’est pas faite pour cette voie ou que cette voie n’est pas faite pour elle, mais le résultat est le même : les sacrifices que cela implique et l’accumulation de travail associé à un niveau de connaissances poussé à l’extrême, pendant 2 voire 3 ans, de matières dont le lien direct avec sa future profession semble ténu, ne semblent pas une option satisfaisante. Elle rebondit alors vers un parcours plus « terre à terre », certes plus long, mais qui va lui permettre au fil des années, notamment au contact du monde de l’élevage laitier, d’affiner ses projets : elle qui se voyait vétérinaire, sait maintenant qu’elle sera vétérinaire rurale !

Elle intègre finalement l’école de Nantes à la rentrée 2020. Et même si son parcours, comme celui de nombreux étudiants, n’a pas été facile, il lui a permis d’acquérir l’expérience qui, selon elle, peut manquer à certains à la sortie du lycée au moment de prendre des décisions quant à leur avenir. Il n’est pas question ici de maturité sensus stricto, mais bien de se confronter à la réalité du terrain pour se faire une idée beaucoup plus claire de son avenir professionnel.

Quand elle entend parler de la voie post-bac pour la première fois, courant de l’année dernière, elle pense d’abord que c’est un projet un peu irréaliste. Puis, devant la réalité qui prend forme, elle se sent en colère. Elle qui a mis 5 ans pour entrer à l’école, 5 ans pendant lesquels elle a financé ses études et projets, trouve cela frustrant de voir apparaître cette voie « facile », d’accès direct aux ENV. Elle se dit quand même bien vite, qu’elle aurait tenté ce concours s’il avait existé lors de son année de terminale, mais que la richesse de son parcours, elle ne la regrette absolument pas ! Elle pense aussi à ces tout nouveaux étudiants qui risquent d’attiser des jalousies bien malgré eux et dont l’intégration au sein des ENV pourrait s’avérer délicate, du moins pendant les premières années d’existence de ce nouveau concours.

Quant à la question autour de la diversification des profils d’étudiants recrutés par cette nouvelle voie, elle semble sceptique : même si cette option plus directe, et moins contraignante, peut attirer de nouveaux types de candidats, le process de sélection semble rester fortement basé sur les résultats scolaires. L’entretien de motivation devrait tout de même permettre un ajustement de sélection, sans révolutionner pour autant les critères d’admission.

Si elle devait conseiller des lycéens aujourd’hui sur la voie à suivre pour arriver en ENV, elle serait bien embêtée. Tout dépendrait du profil de la personne et de ses capacités. Mais elle est convaincue, que les étudiants les mieux préparés à la réalité de leur futur métier, notamment dans le monde rural, ne sont pas ceux issus de la voie post-bac ou du concours A. En écoutant Lysandre, une question me brûle les lèvres : pourquoi ne pas augmenter le nombre de places dévolues à ces parcours « plus pratiques et concrets » et moins purement scolaires ?

Le point de vue de Louise (nom d’emprunt de notre interlocutrice qui préfère garder l’anonymat), étudiante en 2ème année à Oniris, ENV de Nantes

Louise, même si elle a suivi le chemin plus classique de la prépa BCPST et du concours A, n’en a pas pour autant moins réfléchi à pourquoi choisir cette voie plutôt qu’une autre. Comme bon nombre d’entre nous, Louise sait depuis longtemps qu’elle veut devenir vétérinaire, mais à la sortie du lycée, on se pose beaucoup de questions et Louise n’échappe pas à la règle : « Suis-je sûre que c’est bien ce que je veux ? » Elle choisit donc d’intégrer une prépa BCPST avec l’idée en tête de se laisser du temps pour affiner son choix, et que cette voie ne lui ferme pas toutes les portes. Elle rejoint Lysandre finalement, en signalant qu’à la sortie du lycée, nous ne sommes pas encore très sûrs de nos choix, de nos envies, et pas forcément pleinement conscients de la réalité de ce qui nous attend. Louise ajoute à ça, que la prépa est une bonne formation à ses yeux, qu’au-delà des matières, c’est aussi l’apprentissage d’une méthodologie et d’une rigueur scientifique. Elle entre donc à l’école vétérinaire à la rentrée 2021, dans ce qui est la nouvelle 2ème année depuis l’apparition de cette toute nouvelle 1ère année réservée aux étudiants sélectionnés par la voie post-bac.

La première fois que Louise entend parler de ce nouveau concours, elle est déjà en BCPST. Ce sont ses professeurs qui en parlent alors que ce n’est encore qu’un projet. Il faut dire que cette nouvelle voie, va avoir des conséquences directes sur la BCPST notamment de par la diminution significative du nombre de places allouées au concours A. Diminution qui pourrait, d’après eux, s’accentuer dans les années à venir. De plus, Louise s’interroge sur la question du programme de cette première année commune aux ENV : on retrouve beaucoup de notions issues de la BCPST, notamment en physique-chimie, mathématiques et biologie, mais à voir en 1 an seulement, pour des élèves, qui après la réforme des lycées, n’arrivent pas forcément avec le même bagage que leurs prédécesseurs. Cette année pourrait donc s’avérer difficile, et s’assimile en fait un peu à une année de « prépa intégrée » avec comme gros avantage, que les étudiants qui l’intègrent sont bel et bien installés dans le cursus vétérinaire.

Quand Louise a eu connaissance de la voie post-bac, elle s’est demandé ce qu’elle aurait fait, si celle-ci avait existé à sa sortie du lycée. Elle aurait probablement tenté ce tout nouveau concours, et se sent en fait chanceuse de ne pas avoir eu besoin de faire ce choix cornélien : postuler à la voie post-bac au risque de ne pas être prise et de se griller une chance au concours (ndlr, dans la réglementation générale du concours d'entrée dans les ENV, un candidat ne peut se présenter plus de deux fois au concours d’entrée aux ENV quelle que soit la voie choisie), ou aller en prépa, voie tellement formatrice mais ô combien laborieuse. Elle qui est passée juste avant la réforme du lycée et juste avant la mise en place de ce nouveau concours estime finalement que cela l’a plutôt protégé. De plus, Louise admet être plutôt heureuse et fière de son parcours. La classe préparatoire restera en effet, une étape valorisante de son parcours professionnel.

Est-ce que ce nouveau concours ouvre le profil des étudiants sélectionnés ? Louise avoue ne pas voir comment ce serait possible. Elle entend les arguments exposés par les défenseurs de cette voie, mais dit, que selon elle, ce sont quand même un peu les mêmes élèves que l’on retrouve, sélectionnés par ce nouveau cursus.

En fait, ce que dit surtout Louise c’est qu’elle n’envie pas réellement les A1, en l’état actuel des choses. Ils ne sont que peu intégrés à la vie de l’école (ndrl se pose la question des étudiants mineurs), et ont une année chargée et difficile en termes d’apprentissages (rattrapage de lacunes inévitables par le choix de matières au lycée notamment), et tout cela sans avoir la certitude de ne pas se tromper de voie. Cela dit, Louise reste optimiste et pense que ces nouveaux A1 s’intègreront très vite dès leur arrivée en A2 !

Tout comme Lysandre, si Louise devait conseiller un lycéen quant à ses choix pour intégrer une ENV, elle pense qu’elle donnerait les arguments pour ou contre chacune des voies et que chacun devrait adapter ses choix à ses envies et ses capacités. Louise admet avoir de l’empathie pour les « lycéens d’aujourd’hui en rêve de vétérinaire », et qui doivent se « dépatouiller » avec la réforme des lycées et les 7 voies d’admission possibles au graal des ENV.

Le point de vue d’Amandine, étudiante en 1ère année à l’ENV de Toulouse

Amandine fait donc partie de la toute première promotion d’étudiants vétérinaires issue de la voie post-bac et de la réforme du lycée. En première, Amandine a choisi des options clairement scientifiques : les mathématiques, la physique – chimie et la biologie. Arrivée en terminale, elle décide d’abandonner la biologie. Étonnant quand on envisage d’intégrer une école vétérinaire ? Pas tant que ça au fond. Amandine a logiquement favorisé les matières dans lesquelles elle obtenait les meilleurs résultats, et ce, afin d’augmenter ses chances de réussite aux concours. Doux paradoxe de la réforme des lycées et des concours vétérinaires, qui écartèle les lycéens entre des options favorables au passage des concours et des options plus logiques au vue de leur future profession !!

En fait, Amandine réfléchit depuis longtemps à comment elle va pouvoir intégrer une ENV. Elle se renseigne sur les sites des écoles et contacte des étudiants vétérinaires pour discuter avec eux des différentes possibilités. Elle se renseigne aussi sur les possibilités de formation à l’étranger. Pour Amandine, la voie post-bac a été une réelle opportunité. Elle ne se serait, de toutes façons, pas lancée dans une prépa BCPST. Elle ne s’en sentait pas les épaules. Alors ce nouveau concours est une alternative parfaite au BTS dans lequel elle prévoyait de s’engager, visant alors le concours C. Une chose pourtant a inquiété Amandine au moment de s’inscrire sur Parcoursup, le fait de postuler au concours post-bac « grille » une chance pour les autres concours. Or, il semble y avoir beaucoup de candidats pour peu d’élus. Amandine s’est finalement inscrite et a réussi son concours dont l’entretien de motivation. Elle a donc pu intégrer l’ENV de Toulouse à la rentrée 2021.

Elle arrive alors dans une promotion de 40 étudiants. Tous ont des profils différents, des choix d’options au lycée différents. Pourtant, malgré tout, le profil scolaire, et le niveau des étudiants reste assez homogène. Amandine signale tout de même que l’existence d’un pourcentage minimal d’étudiants boursiers, aurait permis de varier les profils notamment au niveau de leurs origines socio-professionnelles parentales et géographiques.

Quand on aborde la question de l’intégration dans l’école, Amandine répond que la cohésion très forte de sa classe, l’absence de compétition, l’entraide et le soutien de professeurs très prévenants ont fait de cette année, une année agréable, difficile… mais agréable. Le rythme soutenu des apprentissages associé à la nécessité de se remettre à niveau dans une matière nécessairement abandonnée au lycée demandent quant à eux beaucoup de travail personnel. A ce sujet, Louise, qui a accompagné une étudiante de A1 pendant l’année, parle d’ailleurs d’une année « mal pensée », ou du moins à améliorer, une sorte de « prépa intégrée » avec des horaires de fac et des professeurs manquants…

À côté de ça, Amandine explique qu’à Toulouse en tous cas, chaque A1 a deux référents (1 A2 et 1 A3), ce qui a facilité leur intégration dans l’école. L’administration ayant tout de même insisté auprès de l'amicale des élèves sur la difficulté de la gestion des élèves mineurs au sein des soirées, l'amicale a préféré décider de refuser l'accès des A1 aux soirées et ce afin d’éviter tout problème avec l'administration. Cela dit, Amandine dit qu’avec la quantité de travail, ils n’auraient pas eu le temps de participer plus à la vie de l’école durant leur première année, et qu’en début de A2, la semaine d’intégration devrait permettre d’intégrer leur promotion dans une année qui verra le regroupement des étudiants lauréats des différents concours. Et même si elle appréhende un peu, Amandine semble confiante sur l’avenir de sa promotion. D’ailleurs, si c’était à refaire, elle ne changerait rien. Elle conseillerait simplement aux lycéens de choisir leurs matières les plus fortes tout en gardant à l’esprit qu’il lui semble plus facile de rattraper la biologie en A1 que les maths ou la physique !


De ces échanges avec ces 3 étudiantes, que je remercie pour leur franchise et leur participation, ce que je retiens essentiellement c’est le côté réfléchi de leurs parcours. Chacune d’elle semble avoir pesé le pour et le contre des différentes options qui s’offraient à elle, avec l’envie chevillée au corps d’intégrer une ENV. Et même si, bien sûr, certaines jalousies et frustrations peuvent exister dans un contexte qui reste concurrentiel, au fond, chacune est sereine avec son propre parcours. Finalement, le but de chacune était le même : intégrer à tout prix une école vétérinaire pour réaliser un rêve. Le but est le même pour tous et la variété des chemins possibles participe à la construction personnelle et professionnel des vétérinaires de demain. Tous ont un rêve commun, mais alors, comment expliquer qu’à peine quelques années plus tard, la réalité du métier semble parfois violente pour certains étudiants ? Comment expliquer, qu’avant même la fin des études certains se posent déjà la question de leur avenir dans la profession ?

 

Propos recueillis par Manuelle Hoornaert
Vétérinaire & Rédactrice en chef

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