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Vétérinaires, certes... Mais pas que !

Entretien avec Marie Dunand et Pauline Gauthier, cofondatrices de Vet’Side Elles s’appellent Pauline et Marie, sont sorties de Toulouse en 2018 et sont les cofondatrices d’un petit nouveau dans l’écosystème vétérinaire : Vet’side, qui soufflera sa première bougie en décembre prochain. Leurs points communs ? Elles ont un parcours scolaire irréprochable, sont sorties de l’école avec une grosse envie de s’investir et se sont prises de plein fouet … la réalité du métier. BOUM! Leur histoire, c’est la mienne, c’est celle de nombreux consoeur.frère.s, et c’est d’ailleurs peut-être aussi la vôtre... D’une banalité si confondante en somme, qu’on n’y prête même plus attention… Sauf que Pauline et Marie, elles ont décidé de lui tordre le coup à la fatalité : elles ont cherché des réponses à leurs questions pour surmonter un syndrome de l’imposteur latent et paralysant et ont fait de la libération de la parole vétérinaire un cheval de bataille qui dépasse notre seule corporation. Aujourd’hui, elles sont toutes les deux (et entre autres comme elles l’expliquent si bien) des praticiennes en canine épanouies et vous embarquent ici dans une interview déculpabilisante qui remet les choses en perspective et fait du bien au moral !

En quoi votre propre démarrage dans la vie active vous a donné envie d'aider vos consoeur·frère·s à "bien démarrer" ?

Marie : Alors qu’initialement, j’y allais sans appréhension particulière, mon “démarrage” en tant que vétérinaire a été plutôt chaotique. Très vite, je ne me suis pas sentie à la hauteur, indigne de mon diplôme et de ma fonction. Mes collègues étaient plutôt bienveillants mais mes patrons beaucoup moins. Le temps passant, au lieu de s'améliorer, la situation s’est dégradée : j’ai progressivement perdu confiance en moi, jusqu’à me sentir “nulle”. J’ai fini par prendre rendez-vous chez une psychologue pour lui parler de ce sentiment d’illégitimité et c’est elle qui m’a permis de me rendre compte qu’au contraire, mon mal-être était légitime. Cela m’a fait beaucoup de bien.

Pauline : Quand je suis sortie de l’école, j’avais hâte de travailler mais je ne me sentais pas pleinement autonome. J’ai donc choisi de faire une année “post-universitaire” avec des rotations entre gardes de nuit, de week-end et apprentissage en suivant les vétérinaires séniors. J’ai mal vécu cette expérience que je pourrais qualifier de “grosse claque”. La gestion des clients, la vie d’équipe, les relations avec les collègues… Tout a été difficile. J’ai commencé en septembre et dès le mois de janvier, j’avais envie d’abandonner, voire de ne plus être vétérinaire praticienne. C’est à ce moment-là que moi aussi, j’ai fait la démarche d’aller chez un psychologue. Ça m'a aidé à mettre des mots sur ce que je vivais et à me déculpabiliser : “ok, j’attendais beaucoup de ce métier passion et c’est une désillusion mais ce n’est pas grave”. Ça m'a permis de remettre mon métier de vétérinaire à sa place de métier. “Je suis vétérinaire certes mais je suis aussi Pauline, qui a une vie et des passions en dehors de mon métier”. Cette prise de conscience a été décisive. J’ai également fait des remplas à droite et à gauche, pour voir comment ça se passait ailleurs et j’ai réalisé l’importance des critères personnels dans le choix d’un poste. C’est aussi à ce moment-là que j’ai commencé à échanger sur ce sujet avec des amis de promo, pour savoir comment eux l'avaient vécu. Parmi eux, il y avait Marie...

Marie : Oui, on a pas mal discuté de notre vécu et de notre ressenti et Vet’Side est parti de là. On s’est dit que maintenant qu’on avait réussi à prendre du recul par rapport à tout ça et qu’on était bien dans notre peau de véto, on pouvait peut-être partager notre cheminement et nos réflexions sur le sujet pour aider les autres. Le message, c’était vraiment “ce que tu ressens, en fait c’est courant et tu sais quoi, ce n’est pas grave…”

Que vient chercher votre lectorat sur Vet'Side ?

Pauline : quand j’ai commencé à partager mes réflexions de jeune véto sur Instagram, j’ai très vite eu des questions qui montraient un réel stress au travail chez les jeunes vétérinaires : “est-ce que c’est normal que je ne sache pas faire telle ou telle chose ?”, ”comment tu as su que tu étais faite pour ça ? ”. Et moi, je me disais “c’est fou ces questions, et qu’il n’y ait pas moyen de trouver des réponses”.

Marie : Je rejoins Pauline sur le caractère très anxiogène des questions. C’est là qu’on s’est dit qu’il fallait un endroit, donc un site, où les jeunes vétos seraient en mesure de trouver des réponses à leurs questions. Et c’est exactement ça que vient chercher notre lectorat. Aujourd’hui, on s’adresse principalement à une cible de vétos canins car c’est ce que nous sommes, mais demain pourquoi pas élargir notre réflexion à la rurale...

Pauline : Nous sommes diplômées depuis seulement trois ans, du coup les jeunes vétérinaires s’identifient à nous, se sentent proches de nous et n’hésitent pas à poser les questions qui les préoccupent. Cette proximité a l’avantage de lever les tabous. En plus, on a décidé de montrer le métier sous un angle réel, sans les paillettes qu’on lui connaît... Pour choisir nos thématiques, on s'est demandé ce que nous-mêmes aurions aimé qu’on nous partage et sous quelle forme on aurait souhaité que l’information nous parvienne. De cette réflexion ont découlé les quatre rubriques de Vet’side, à savoir :

  • Véto socio' qui parle des idées reçus autour de notre métier, sur le temps de travail, les salaires, etc ;
  • Interview de vétos pour montrer des profils divers et variés ;
  • 24h chrono’ qui sont des récits de nos journées ;
  • Veto biblio’ qui sont des conseils cliniques, vu d’un angle très pratico-pratique.

La profession broie du noir en ce moment. A votre avis, quelles sont les petites actions qu'on peut tous mettre en place au quotidien pour faire changer les choses ?

Marie : Depuis le début de l’année, il y a eu une nette prise de conscience du mal-être au travail, notamment avec le mouvement #NotOneMoreVet - d’ailleurs très anxiogène pour les jeunes praticiens sortants. On perçoit vraiment le changement des mentalités : le concept du vétérinaire qui bosse H24 la tête dans le guidon, ce n’est plus possible. Et on peut tous contribuer à une prise de conscience à grande échelle. La première chose à faire, c’est bien sûr de parler de tout ça sans tabou. Et la deuxième, c’est de changer son approche de la problématique, pour être plus à l’écoute des autres. Il faut s’ouvrir et apprendre à écouter les craintes ou le mal-être de l’autre. Il ne faut pas hésiter non plus à demander tout bêtement à ses collègues comment ils vont, comment ils se sentent. Ça permettra peu à peu aux vétérinaires de libérer leur parole, de dire quand ça ne va pas de ne plus avoir honte de demander de l’aide. Ça permettra aussi petit à petit de casser cette image de “métier de rêve” qui est très culpabilisante et pousse les vétérinaires à masquer encore plus leur mal-être car ils le jugent illégitime.

Pauline : La communication est la clé ! Pour rebondir sur la vague de suicides qu’a connu la profession et le mouvement #NotOneMoreVet, j’ai une anecdote qui illustre bien la situation et qui m’a marquée. C’est la réaction de mes parents, et notamment de mon père. En discutant avec lui, je me suis rendue compte qu’il n’envisageait pas qu’une telle situation de mal-être soit possible chez les vétérinaires. Il n’avait par exemple pas réalisé à quel point la charge mentale et compassionnelle pouvait peser sur notre profession... J’ai réalisé à ce moment-là qu'il fallait en parler à tout le monde, pas juste entre nous. La prise de conscience de ces sujets doit aller au-delà de la profession.

Qu'est ce qui vous plaît le plus dans votre métier de praticienne aujourd'hui ?

Pauline : En premier lieu, l’équipe bienveillante et soudée dans laquelle je travaille et qui m’a permis de m’épanouir professionnellement. Ensuite, l’équilibre vie pro/vie perso que j’ai réussi à trouver. J’ai eu du mal au début à me déculpabiliser d’être à trois quart temps, sans garde mais aujourd’hui, j’ai compris que ça participait à mon bien-être personnel et donc au travail. Après, il y a aussi le partage et la pédagogie qui me plaisent, auprès des clients mais aussi via Vet’side et mon compte Instagram. Et enfin, je fonctionne beaucoup par objectifs d’évolution. Ça me motive de me former et d’apprendre pour apporter de nouvelles compétences à l’équipe.

Marie : De mon côté, c’est sûrement la diversité du métier. Aussi bien en ce qui concerne la clinique : on fait de l’écho, de la chirurgie, de la médecine etc. Mais aussi la diversité des gens qu’on rencontre et les échanges qui en découlent. C’est stimulant et intéressant. J’aime encore plus ce métier depuis que j’y ai trouvé un équilibre. Je suis vétérinaire mais je suis aussi Marie, cavalière, sœur, amie et plein d’autres choses (sourire, ndlr).


Joli mantra les filles… Et merci pour ce moment d’échange enrichissant !

Non sans une pointe de nostalgie, elles m’ont toutes les deux fait penser à Alice et moi à nos débuts pour Vétojob, mais peut-être avec une pointe de lucidité et un brin de maturité en plus ! Génération Y versus génération Z ? Au-delà d’une intuition, elles ont fait un constat, qu’elles ont su analyser pour trouver une solution et sortir un vrai projet. Ce genre de démarche intelligente et constructive me rassure toujours quant à l’évolution de notre profession. A l’évidence, nous sommes suffisamment cortiqué.e.s pour faire avancer les choses dans le bon sens...

 

Propos recueillis par Marine Slove,
Vétérinaire & Éditrice associée

 

En savoir plus sur Pauline et Marie

Pause-Café Adévet avec les fondatrices de Vet'Side

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Cet article n'est pas sponsorisé et n'a pas été écrit dans le cadre d'un partenariat avec Vet'Side.

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