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La garde alternée : un défi invisible pour les vétérinaires

Crédit photo @ RVillalon - Shutterstock.com
En France, environ 12 % des enfants dont les parents sont séparés vivent une situation de garde alternée. Si ce type d’organisation n’a rien d’exceptionnel, elle cache une réalité parfois difficile pour la profession vétérinaire. Entre les journées qui s’étirent et l’hyper-disponibilité attendue aussi bien dans le cadre professionnel que familial, les contraintes pèsent lourdement sur les épaules des vétérinaires concernés.

Comment concilier parentalité alternée et pratique clinique, sans virer à l’organisation militaire ni jongler en continu avec les plannings ? Aujourd’hui, de nombreux vétérinaires vivent cette situation dans un relatif silence. Pourtant, les besoins sont réels et méritent qu’on les entende. À travers cet article, nous donnons la parole aux vétérinaires qui gardent leurs enfants de manière alternée, afin de faire émerger leurs attentes mais également envisager les pistes de solutions à apporter.

Une réalité familiale complexe face aux exigences de la profession

Le quotidien des vétérinaires est fait d’imprévus : si l’on sait à quelle heure on commence à travailler, on ne sait jamais à quelle heure la journée se termine. Les urgences, qui sont le lot habituel de tous les vétérinaires praticiens, ont par définition un caractère imprévisible et aléatoire. Un appel à 18h45 pour un cheval en coliques et c’est tout le début de soirée qui s’envole. Les horaires atypiques, les amplitudes journalières conséquentes, les gardes ainsi que les astreintes sont de nombreuses contraintes avec lesquelles composer.

Côté personnel, les vétérinaires ne sont pas épargnés par les séparations et les divorces, qui concernent environ 45 % des mariages. Dans 75 % des cas, la demande est initiée par la femme, et le taux de divorce augmente avec le niveau d’éducation. S’il n’existe pas de chiffre spécifique à la profession vétérinaire en France, on peut tout de même avancer l’idée que la féminisation du métier est en train de modifier les dynamiques du passé. Les femmes sont aujourd’hui encore considérées comme les figures parentales de référence : en cas de séparation, 76 % des enfants sont gardés principalement par leur mère. C’est donc tout logiquement que les situations de garde alternée risquent de concerner de plus en plus de vétérinaires.

Par ailleurs, ces mutations sociétales et professionnelles ont mis en lumière un point longtemps sous-estimé : l’inadéquation entre la charge familiale, majoritairement portée par les femmes, et les contraintes horaires du métier. Avec la séparation, l’écart se creuse encore. Les femmes vétérinaires en particulier doivent composer avec le cadre rigide imposé par la garde alternée et les horaires des structures d’accueil (écoles, crèches…), mais également les aléas professionnels, si nombreux en pratique clinique.

Face à la garde alternée : renoncer ou s’adapter ?

Impossible d’évoquer la garde alternée sans mentionner la charge mentale accrue qui en découle. Quel que soit le mode d’organisation avec l’ex-conjoint (jours fixes, semaines alternées…), il faudra orchestrer un ballet d’allers-retours entre deux logements, avec toute la logistique que cela suppose. Temps de trajet, affaires à préparer, coordination avec l’autre parent même lorsque les relations sont tendues… Apporter aux enfants une forme de stabilité et un cadre rassurant dans ces conditions requiert beaucoup d’anticipation et de rigueur.

Côté professionnel, l’imprévu ne peut plus prendre la même place qu’avant. S’occuper de l’urgence de 18h45 ou remplacer un collègue au pied levé sans chambouler une organisation millimétrée s’avère plus complexe en situation de garde alternée. Cela peut engendrer de la culpabilité pour le vétérinaire concerné. Entre fort sens de devoir et gêne vis à vis du reste de son équipe, le vétérinaire qui a appris dès le début de ses études à être corvéable à merci risque d’être tiraillé par un conflit intérieur.

Les conséquences de la garde alternée sont donc palpables : moins de flexibilité, réduction des disponibilités, mais surtout plus de fatigue et plus de solitude parfois. Entre évolution de carrière et temps de présence maximal auprès de ses enfants, il faudra parfois choisir mais des pistes concrètes peuvent être apportées pour tout mener de front.

Concilier pratique vétérinaire et parentalité alternée : c’est possible !

Les témoignages des vétérinaires en situation de garde alternée montrent que des aménagements sont généralement nécessaires pour réussir à tout concilier. Au niveau professionnel, le soutien et la compréhension de son équipe sont fondamentaux. Lorsque cela est envisageable, une modification des plannings (choix stratégique des jours « off », aménagement des horaires…) est un premier levier pour continuer à exercer sereinement. La fréquence des gardes pourra être revue (une semaine sur deux lorsque les enfants sont chez le deuxième parent) et des compensations peuvent être évoquées afin que personne ne se sente lésé.

Certains vétérinaires ont éprouvé le besoin (ou la nécessité) de revoir leur rythme de travail : passage à temps partiel, réduction de l’amplitude horaire, voire changement de poste pour mieux coller à leur nouvelle réalité. Ce qu’ils recherchent : de la bienveillance et de l’écoute de la part de leurs collègues, et une organisation collective qui intègre leurs contraintes familiales.

Au niveau personnel, l’isolement, le manque de soutien familial et les relations compliquées avec l’autre parent font partie des difficultés les plus rapportées. Lorsque cela est possible, l’intervention d’un médiateur aide à apaiser les tensions. L’organisation du quotidien peut quant à elle être facilitée par le recours à certains services (ménage, repas…), l’aide des proches et le choix des modes de garde les plus flexibles (nounou à domicile, centres aérés…)


La garde alternée, mode d’organisation longtemps minoritaire après une séparation, concerne de plus en plus de foyers. Il est donc logique qu’elle s’invite dans les réflexions professionnelles, particulièrement dans le milieu vétérinaire et ses contraintes spécifiques. Alors que la profession souffre encore du manque de vétérinaires praticiens, elle gagnerait à intégrer les contraintes familiales de chacun afin d’offrir un environnement de travail plus soutenant. Adapter les pratiques est donc un enjeu de pérennité pour le métier vétérinaire.

 

Astrid de Boissière,

Vétérinaire

 

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