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Le syndrome prémenstruel au travail : plus d'écoute, moins de tabou !

Crédit photo @ Andrey Popov - stock.adobe.com
" C’est chiant tes sautes d’humeur " ; " Décidément, qu’est-ce que tu es émotive ". Alors que l’on pourrait croire que ces remarques - pour le moins désobligeantes - entre collègues au travail soient anodines ou isolées, il n’en est rien. Nombre de femmes pourraient en témoigner, alors même que ces dernières subissent bien malgré elles, les conséquences d’un syndrome médicalement reconnu, le syndrome prémenstruel (SPM). Un syndrome encore rarement évoqué dans le cadre du monde du travail et ce, malgré sa médiatisation récente à la faveur des débats sur le congé menstruel. Et pourtant... la santé menstruelle des femmes ne devrait-elle pas être l’affaire de toutes et tous ?

Parlons SPM, parlons peu, parlons bien.

Le SPM, une réalité de santé publique

Pour aborder ce sujet, recueillir vos témoignages nous a semblé, si ce n’est évident, profondément nécessaire. Nous vous avons ainsi soumis un questionnaire incluant 17 questions, ouvertes et fermées, afin que votre parole puisse circuler, sans complexes ni tabous. 120 d’entre vous y ont répondu, dont :

  • 58% de femmes de moins de 30 ans, 40% de femmes de 30 à 45 ans et 2% de femmes de plus de 45 ans.
  • 68% de salariées (clinique/cabinet/centre hospitalier/autre secteur), 12% de collaboratrices libérales et 3% de libérales associées. 17% n’ont pas précisé la nature de leur activité.

Nous précisons que les données réunies sont à interpréter à la lueur d’un biais de sélection en raison du caractère ciblé du sondage tout comme de son faible échantillonnage. Seul 1% des femmes vétérinaires référencées à l’ordre se sont ici exprimées [1].

96% d’entre vous déclarent présenter à chacun de leur cycle des symptômes compatibles avec un SPM. Un pourcentage majeur décorrélé des données de l’INSERM, selon qui le SPM toucherait 20 à 40% des femmes en âge de procréer et que l’institut qualifie " d’une série de symptômes physiques et psychiques qui démarrent entre quelques heures et plusieurs jours avant les règles, et qui disparaissent généralement peu après leur arrivée ". 80% des femmes feraient par ailleurs l’expérience d’au moins un symptôme physique ou moral en phase prémenstruelle [2].

Pluralité des symptômes, à tous âges

Si le SPM n’a été que tardivement reconnu, c’est en partie à cause du silence ayant longtemps circonscrit toute discussion autour de la santé gynécologique. Et dans ce domaine, les recherches scientifiques sont à la traîne. La physiopathologie du SPM reste d’ailleurs encore incertaine bien qu’une implication des hormones stéroïdiennes reproductives soit avérée [3]. Quant au volet thérapeutique, point de traitement spécifique non plus.

La liste des manifestations répertoriées est pour sa part, aussi longue que variée. Vous êtes près de 80% à rapporter des troubles physiques incluant céphalées, gonflements mammaires, maux de dos, ballonnements, prise de poids, vertiges… auxquels viennent se rajouter des troubles de l’humeur fréquents (70%) - irritabilité, anxiété, colère - pouvant aller jusqu’à des phases de déprime modérées pour 58% d’entre vous. Une hypersensibilité émotionnelle semble également être monnaie courante (63%). Ces descriptions, 238 114 femmes les rapportent également dans une enquête d’envergure, menée via l’application internationale Flo Health [4] (si vous souhaitez jeter un coup d’œil, l’application Flo est disponible en France et offre une plateforme interactive complète autour des règles, du cycle menstruel et de la grossesse). En tête des symptômes les plus couramment mentionnés, fringales alimentaires, sautes d’humeurs et fatigue persistante. Voilà pour les réjouissances… quant à la durée du SPM, celle-ci apparait tout aussi variable. De deux à cinq jours pour 52% d’entre vous, voire plus de cinq jours pour 12% d’entre vous.

L’âge serait-il une variable associée à la survenue et l’intensité de certains symptômes ? Difficile à dire. Si l’enquête Flo Health reconnaît une faible influence de l’âge sur l’occurrence et l’intensité des symptômes psychologiques exprimés, le reste des réponses scientifiques s'avère plus disparate. Une histoire de cas par cas, en somme.

Le SPM mais pas que

Le trouble dysphorique prémenstruel (TDM) correspond à une forme aggravée du SPM décrite chez une petite minorité de femmes (5%). Ses manifestations, physiques et psychiques, sont sévères et peuvent s’accompagner d’éprouvantes phases dépressives voire d’idéations suicidaires. Vous êtes 13% à rapporter subir un TDM.

Le SPM peut également évoluer à côté de maladies gynécologiques chroniques et invalidantes, susceptibles de l’aggraver. 6 à 15% d’entre vous déclarent ainsi souffrir d’endométriose, de syndrome des ovaires polykystiques, d’adénomyose ou encore de syndrome de congestion pelvienne. Avec à la clé, ménorragies, métrorragies, dysménorrhées, dyspareunies, atteintes digestives, troubles de la fertilité… dont le diagnostic reste encore tardif.

Mais alors, face à une réalité, si ce n’est handicapante, a minima éprouvante, comment garder le cap professionnellement

Quand SPM rime avec souffrance au travail

Comment faire comprendre à vos collègues que vos douleurs rendent compliqué un vêlage sur une vache de 700 kg ? Comment formuler votre souhait de déléguer cette euthanasie alors même que votre sensibilité est à fleur de peau ? Comment expliquer l’origine de votre mauvaise humeur journalière ? À ces questions, nombre de femmes n’ont toujours pas de réponses. Parler de santé intime, qui plus est au travail, reste en 2023 un tabou d’actualité.

Et pourtant... 28% des femmes considèrent que ces troubles prémenstruels impactent négativement leur vie sociale et professionnelle [4]. Ce taux grimpe jusqu’à 66% parmi vous. " Rester debout toute la journée avec des douleurs devient parfois compliqué ", " j’ai dû euthanasier un chien le premier jour de mes règles, ce jour-là il m’était impossible de contenir mes émotions ", " durant cette période, je n’ai envie de rien " témoignent certaines. Une souffrance souvent passée sous silence, par état de fait.

Un silence historique aux répercussions dramatiques

" Tes douleurs ne sont pas réelles, il faut avancer ", " c’est dans votre tête, madame ". Combien de femmes ont-elles entendu ces phrases ? Pourquoi ont-elles été si souvent prononcées ? Pour le comprendre, il faut remonter aux confins d’une période révolue, l’Antiquité. Car c’est depuis cette époque que circule un postulat, devenu l’un des plus tenaces préjugés de tous les temps : l’utérus serait l’organe central de tous les maux féminins. La femme souffrante est rapidement qualifiée d’hystérique, dont l'étymologie grecque " hystéron " se rapporte à… l’utérus. La graine du sexisme était plantée. Commence ainsi avec la médecine, des siècles d’invisibilisation et d’errance aux conséquences toujours sensibles.

En témoigne l’inquiétude de certaines femmes face à l’instauration d’un congé menstruel dans le droit du travail. Car si 66% s’y disent favorables, leur opinion se heurte toutefois à un regard social lourd d’à priori [5]. Peur d’être mal perçues, peur de ne pas être crues, 82% considèrent même que le congé menstruel pourrait constituer un frein à l’embauche voire à leur carrière professionnelle [5]. Pour 26% d’entre vous, instaurer un congé menstruel risquerait de continuer à creuser des inégalités hommes femmes pré existantes, d’autant plus prégnantes dans une profession autrefois entièrement masculinisée.

Le monde du travail face au changement

Peut-on alors espérer que le SPM soit mieux considéré dans le monde du travail ? C’est en tout cas l’espoir auquel aspirent nombre de professionnelles. Alors qu’en février dernier, l’Espagne devenait le premier pays d’Europe à instaurer un congé menstruel sans carence, l’idée peine à faire son chemin en France. La proposition de loi prévoyant 13 jours d’arrêt par an en cas de règles incapacitantes, a notamment été déboutée par le Sénat en juin dernier.

Dans l’attente d’une prise de conscience à grande échelle, des initiatives sont à saluer dans certaines entreprises. Depuis mars dernier, toutes les agentes de la ville de Saint Ouen peuvent ainsi bénéficier de deux jours d’arrêt par mois pour ce motif. Le groupe Carrefour permet pour sa part à ses salariées de poser 12 jours d’arrêt par an en cas d’endométriose. Et ces mesures tendent à se généraliser.

Le monde vétérinaire serait-il prêt à accueillir de tels changements ? Rien n’est moins sûr… malgré une féminisation grandissante de la profession qui justifierait a minima, d’ouvrir les débats à ce sujet. Si l’idée d’un congé menstruel vétérinaire parait encore lointaine, des solutions accessibles semblent envisageables. Et vous êtes les premières à les relayer : " aménager des temps de pause serait appréciable ", " travailler en horaires allégés ces jours-ci ", " mieux organiser les gardes si nécessaire ", " limiter les actes physiques ", " avoir des sièges confortables pour se soulager ". Au bout du compte, rien d’impossible à mettre en place, si ce n’est quelques obstacles relationnels à surmonter, en toute bienveillance et fluidité.


" Quel que soit le sujet, la communication au sein des équipes vétérinaires et notamment entre employés/employeurs est un réel problème ". Face au poids d’un silence dont les femmes ont trop longtemps été accablées, l'instauration d’un dialogue pédagogique semble être la première clé vers une évolution salutaire des mentalités. Ne serait-il pas temps de démystifier le sujet de l’intimité féminine en société ? Et qu’enfin, les femmes puissent être libérées d’une charge menstruelle injustifiée. Prenez la parole chères consœurs, écoutez, chers confrères.

 

Amandine Violé,
Vétérinaire

 

Ressources documentaires et bibliographiques :

[1] Donnée issue de l’atlas de démographie de l’ordre des vétérinaires : en 2022, 11 540 femmes vétérinaire sont recensées.

[2] Schoep ME, Nieboer TE, Van der Zanden M, Braat DDM, Nap AW. The impact of menstrual symptoms on everyday life : a survey among 42,879 women. Am J Obstet Gynecol, 2019.

[3] Schweizer-Schubert S, Gordon JL, Eisenlohr-Moul TA et al. Steroid hormone sensitivity in reproductive mood disorders : on the rôle of the GABAA receptor complex and stress during hormonal transitions. Front Med (Lausanne), 2019.

[4] Hantsoo, L., et al. Premenstrual symptoms across the lifespan in an international sample : data from a mobile application. Archives of Women’s Mental Health, 2022.

[5] Enquête réalisée par l’IFOP pour EVE AND CO du 12 au 15 septembre 2022 par enquête auto-administrée auprès de 993 femmes salariées. [En ligne]. Disponible sur : https://eve-and-co.com/pages/conge-menstruel-les-salariees-francaises-seduites-mais-inquietes [Consulté le : 12 octobre 2023]

 

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