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Accompagner le deuil animalier : le rôle essentiel de l’équipe soignante

Crédit photo @svetikd - istockphoto.com
Si l’on a choisi le métier de vétérinaire ou celui d’ASV afin de pouvoir soigner les animaux et assurer leur bien-être, la mort de nos patients fait pourtant partie intégrante de notre quotidien. Et derrière chaque décès de chien, de chat, de cheval ou de tout autre animal, qu’il soit à poils, à plumes ou à écailles, se trouvent des humains qui perdent un compagnon de vie.
Notons d’ailleurs à ce sujet que 82 % des propriétaires d’animaux de compagnie déclarent qu’ils considèrent leur animal comme un membre à part entière de leur famille [1]. Rien d’étonnant alors d’apprendre que pour 90 % d’entre eux, la perte de cet animal est aussi dure à vivre que celle d’un proche… Mais ce véritable deuil animalier trouve-t-il sa place dans notre société ? Est-il respecté et accompagné à sa juste valeur ?
Et alors que 69 % des propriétaires d’animaux vont spontanément se tourner vers leur vétérinaire [2] et son équipe dans ces moments difficiles, notamment concernant le choix des obsèques, avons-nous réellement conscience des enjeux et de l’impact possible de nos actes et de nos paroles ? Comprendre ce qu’est le deuil pour pouvoir mieux l’accompagner afin de permettre à nos clients de mieux vivre ces instants délicats semble alors indispensable. Mais au fond, que savons-nous du deuil ? Et comment faire pour soulager au mieux les humains qui se cachent derrière nos patients ?

Cet article a été écrit en collaboration avec :

 

Le deuil animalier : un deuil comme les autres !

Si 9 Français sur 10 ont déjà été confrontés à la perte d’un animal [2], nul doute que bon nombre de vétérinaires et d’ASV ont eux-mêmes vécu un jour cette douloureuse expérience. Et si chacun traverse finalement son deuil à sa façon, avec ses propres besoins et à son rythme, le deuil reste pour tous un processus évolutif qui permet à terme à l’individu qui a perdu un être cher, comme son animal de compagnie, de reconstruire son univers affectif [1].

Le deuil est donc un processus, un cheminement. Le comprendre permet de mieux y faire face mais aussi de pouvoir aider d’autres que soi à le surmonter. Il se divise en cinq grandes étapes. Chacune d’elles étant associée à des émotions particulières.

  • Le déni, qui est un rejet de la situation. Ce passage est d’autant plus présent que le décès a été « brutal ». En cas d’accident ou de maladie aiguë, par exemple. Cependant, pour les propriétaires qui ont pu être préparés en amont, notamment lorsque l’animal est âgé ou atteint d’une maladie chronique, cette étape peut être brève.
  • La détresse, moment de révolte, de colère. Cette dernière peut d’ailleurs être dirigée ou redirigée vers l’équipe soignante qui est en première ligne lors de la perte d’un animal et ce, même si cette équipe a accompagné de façon optimale l’animal et son propriétaire tout au long du processus. Elle correspond à une véritable perte de repères pour la personne en deuil.
  • La dépression, est un état de tristesse intense, de désespoir et éventuellement de culpabilité. C’est la phase la plus sombre du deuil.
  • Le détachement, étape de reconstruction durant laquelle apparaissent de nouveaux repères, associés à une nostalgie du passé. C’est le début de la guérison.
  • La délivrance, l’acceptation, moment où le changement est avéré et où le retour à la « vie normale » peut s’opérer.

Mais nous l’avons dit, même si les étapes du deuil sont constantes, tous ne le vivent pas toujours de façon identique et à vitesse constante. En effet, il est possible de définir quatre types de deuil [1] :

  • Le deuil anticipé : le propriétaire s’attend à une éventuelle perte, il est informé et peut se « préparer » à la fin de vie de son compagnon. La phase de déni est alors généralement de courte durée.
  • Le deuil normal, où les cinq étapes sont traversées avec une intensité et un rythme considérés comme « normaux ».
  • Le deuil compliqué, durant lequel un retard de passage d’une phase à l’autre est observé conduisant à un allongement significatif de sa durée totale. Le retour à la « vie normale » est alors beaucoup plus lent.
  • Le deuil pathologique, durant lequel la phase de dépression s’installe sur une longue durée, le propriétaire restant alors coincé à cette étape.

Soutenir une personne endeuillée

Pour surmonter un deuil, il faut déjà accepter qu’il est normal de souffrir. Évident, me direz-vous ? Et pourtant. Le deuil animalier, s’il n’est aujourd’hui plus véritablement tabou, reste tout de même délicat à assumer en société. Selon l’étude de 2022 sur « Les Français et la fin de vie de leur animal de compagnie » [2], seulement 50 % des répondants déclarent que leur douleur est reconnue dans l’entourage de la sphère privée, et ils sont 59 % a estimé que ce sujet est encore sensible dans la sphère professionnelle. Et d’ailleurs, au sein mêmes des structures vétérinaires, au moment de dire au revoir à leurs compagnons, combien sont-ils encore à retenir leurs larmes ou à préférer « ne pas rester pour la piqure » afin d’éviter d’exposer leur tristesse, parfois vécue comme une faiblesse ? Pleurer la perte de son animal est normal et il peut être bon de mettre à l’aise nos clients à ce sujet. Aucune honte, aucun jugement, nous sommes humains et accepter d’être triste est nécessaire pour pouvoir faire son deuil.

De même, il est rassurant dans cette période de ne pas se sentir seul. Pouvoir partager son expérience peut aider à mieux vivre cette situation. Il existe d’ailleurs des espaces de parole à ce sujet vers lesquels nous pouvons diriger nos clients, comme la page Facebook « En hommage à votre animal » créée par Esthima et qui permet aux propriétaires d’animaux décédés de venir exprimer leur tristesse, ou de publier des messages de soutien, et d’honorer la mémoire de leur animal.

Honorer la mémoire de son animal. Se souvenir. Rendre hommage… Il existe de multiples façons de le faire [3] : cimetières pour animaux [4], urne personnalisée pour conserver les cendres de son compagnon lors de crémation individuelle, objet personnalisé tel qu’un cadre photo, une empreinte de patte, ou encore une touffe de poils conservée dans une petite fiole… C’est aussi ce que permet « L’animorial », ce cimetière virtuel qui permet un support parfois nécessaire pour porter le souvenir de son animal, un endroit où le retrouver virtuellement et où les proches peuvent aussi venir s’exprimer.

Et puis surmonter sa perte, c’est aussi parfois aider nos proches à la surmonter eux aussi ! Les enfants notamment, comment leur expliquer, comment mettre des mots et quels mots sur la disparition de leur copain de jeux ? De plus en plus de livres existent à ce sujet. Accompagner ce deuil chez l’enfant, parfois son premier deuil alors même que la mort est un concept si peu maîtrisé. Le conte audio « Au pays d’Eden » proposé par Esthima est là, lui aussi pour aider enfants et parents à surmonter leur perte.

Enfin, il est à noter que dans cette épreuve difficile, près de 32 % des propriétaires choisissent de prendre un nouvel animal afin d’apaiser leur chagrin [1].

Premiers pas vers le deuil animalier, le rôle essentiel de l'équipe soignante !

Même si l’animal décède chez lui, dans la très grande majorité des cas, le vétérinaire et son équipe restent les interlocuteurs privilégiés quand il s’agit de la perte d’un animal notamment pour savoir quoi faire du corps. De plus, il n’est pas rare qu’un animal non médicalisé durant sa vie nous soit tout de même présenté peu de temps avant son décès. C’est ainsi que dans la très grande majorité des cas, la gestion d’une éventuelle euthanasie et/ou la gestion du corps de l’animal reposent sur les structures vétérinaires en collaboration avec les pompes funèbres animalières.

Et que nous soyons fatigués, débordés ou au contraire d’humeur enjouée, quand viennent ces moments, nous devons nous glisser instantanément dans nos rôles de soutien sans faille ! ASV comme vétérinaire, nous sommes bien souvent les premiers accompagnants du deuil animalier. Et ce n’est pas simple pour nous… mais là n’est pas le sujet de cet article.

Ce qu’il faut comprendre c’est l’importance de notre savoir-être et du cérémonial à mettre en place pour aider nos clients à dire au revoir à leur animal. Tout faire pour que les choses se déroulent bien et que les propriétaires puissent vivre ce moment, parfois traumatisant, de la façon la plus sereine possible.

Alors, il y a les trucs et astuces que l’on connait presque tous :

  • Si on sent que le décès d’un animal est proche, en parler, préparer le propriétaire et éventuellement lui expliquer les options que se présenteront à lui concernant le devenir du corps de son animal. Préparer des fiches explicatives sur ces thématiques peut d’ailleurs être intéressant ;
  • S’il s’agit d’une euthanasie « planifiable », préférer les créneaux de faible affluence de la clinique ;
  • Isoler le plus possible propriétaires et animaux dans une salle de consultation, voire dans une salle spécialement conçue pour ces moments, un peu à l’écart, avec une ambiance propice au recueillement 
  • Installer l’animal et le propriétaire confortablement ;
  • Gérer en amont toute la partie administrative afin de permettre au client de ne plus avoir à y penser au moment de l’euthanasie ;
  • En cas de décès brutal ou d’euthanasie précipitée, proposer au client de revenir ultérieurement pour gérer l’administratif. N’oublions pas que faire un choix de crémation, par exemple, alors que l’on est stressé est quasi impossible ;
  • Proposer une euthanasie à domicile si on peut se le permettre…

Mais tous ces conseils ne suffisent pas. Le cérémonial que l’on instaure peut avoir une autre vertu non négligeable, celle de nous rassurer nous ! Pour pouvoir accompagner au mieux nos clients et leurs animaux, nous devons être dans la maîtrise, et ritualiser les choses peut nous y aider. Utiliser des phrases types, rassurantes, bienveillantes pour expliquer à chaque étape ce que vous faites et pourquoi vous le faites, va aider et rassurer votre interlocuteur et son animal mais va indéniablement vous aider vous aussi, que vous soyez le vétérinaire qui injecte ses produits ou l’ASV qui aborde le sujet de l’urne funéraire. Pensez à observer les humains qui vous entourent, repérez chez eux tout le langage du corps qui exprime leurs émotions : les mains qui tremblent, les regards qui se détournent… Proposez-leur des temps pour les exprimer librement s’ils en ont besoin mais apprenez aussi à repérer quand il faut aller à l’essentiel. Certains auront besoin de temps à l’une ou l’autre des étapes mais d’autres attendront de vous que cela « se termine ». S’adapter, ici bien plus encore que dans de nombreuses situations de notre quotidien s’avère indispensable.

Une fois le corps en chambre froide, les clients repartis, pensez à prévenir l’ensemble de l’équipe du décès de l’animal. Ça arrive à tout le monde, mais prendre des nouvelles du chien qui a été euthanasié chez nous 3 jours plus tôt est toujours très douloureux et maladroit. Enfin, une carte de condoléances envoyée quelques jours après le décès de l’animal avec un petit mot personnalisé peut à nouveau vous permettre de soutenir vos clients dans leur deuil.


Perdre son animal est incontestablement douloureux. Et si nous ne le vivons pas tous de la même façon, nous traversons tous les étapes d’un deuil légitime dans ces circonstances. L’équipe soignante que nous sommes, associée aux pompes funèbres animalières, nous devons d’accompagner au mieux les propriétaires et leurs animaux dans ces moments difficiles.

N’oublions pas que si nous savons que l’animal est un être vivant doué de sensibilité, nous partageons aussi la conviction que le respect de l’animal se doit d’être prolongé au-delà de sa vie.

 

Mélissa Dastroy,
Vétérinaire

Publi-rédactionnel #TÉMAplume, Esthima

 

Ressources documentaires et bibliographiques :

[1] Esthima. Étude Esthima/Wamiz : obsèques et deuil de nos animaux de compagnie [En ligne]. Disponible sur : https://www.esthima.fr/etude-wamiz-esthima-deuil-animal? [consulté le : 10 février 2023] ;

[2] Esthima. Infographie : les Français et la fin de vie de leur animal de compagnie [En ligne]. Disponible sur : https://www.esthima.fr/infographie-les-francais-et-la-fin-de-vie-de-leur-animal-de-compagnie? [consulté le : 10 février 2023] ;

[3] Esthima. 4 façons de rendre hommage à son animal décédé [En ligne]. Disponible sur : https://www.esthima.fr/4-facons-de-rendre-hommage-a-son-animal-decede? [consulté le : 10 février 2023] ;

[4] Esthima. Les cimetières pour animaux [En ligne]. Disponible sur : https://www.esthima.fr/cimetiere-pour-animaux? [consulté le : 10 février 2023] ;

[5] C. Nadaï. Le dueil en entreprise : comment surmonter cette érpeuve  ? [En ligne]. Disponible sur : https://www.welcometothejungle.com/fr/articles/deuil-deces-entreprise-conseils [consulté le : 10 février 2023] ;

[6] L. Pion, Deuil d’un animal, pourquoi ça fait si mal ? [En ligne]. Disponible sur : https://www.happyend.life/animal-deuil/ [Consulté le : 10 février 2023].  

 

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